Bebe pieds
ADIL BENAYACHE/SIPA

Durée, indemnités, coût pour l’Etat : ce qu’il faut savoir sur le nouveau « congé supplémentaire de naissance »

C’est un « nouveau droit », qui pourrait s’appliquer dans plus d’un an. Il permettra aux femmes, comme aux hommes, de prendre un à deux mois de congé supplémentaires, après la naissance d’un enfant. Pour financer les 600 millions d’euros de la mesure, le gouvernement a décidé de réduire un droit existant dans les allocations familiales.
François Vignal

Temps de lecture :

8 min

Publié le

Mis à jour le

C’est la traduction du « réarmement démographique », formule choc lancée par Emmanuel Macron, il y a près de deux ans déjà, en janvier 2024. Les députés ont adopté mercredi soir, par 288 voix contre 15, dans le cadre de l’examen du budget de la Sécurité sociale, la création d’un nouveau « congé supplémentaire de naissance ». Alors que l’heure est aux économies tous azimuts, ce dispositif fait plutôt mesure d’exception. De quoi s’agit-il ? On fait le point sur ce « nouveau droit », qui s’adresse à tous les parents et futurs parents, et dont le parcours législatif incertain n’est pas encore terminé : les sénateurs vont à leur tour examiner la mesure, avant une probable commission mixte paritaire. Les députés auront le dernier mot.

Quelle durée ? Les deux parents y ont-ils droit ?

Il s’agit d’un nouveau droit, qui permet de prendre 1 ou 2 mois de congés supplémentaires. Chaque parent y a droit et peut l’utiliser dans les neuf mois après la naissance de l’enfant. Il s’ajoute donc au congé maternité et au congé paternité existant. Il ne remplace pas non plus le congé parental d’éducation, contrairement à ce qu’avait annoncé en 2024 Emmanuel Macron.

Ce congé de naissance supplémentaire se prend « à la suite des congés habituels, maternité et paternité. Les familles qui le souhaiteront pourront choisir d’avoir deux mois de congés supplémentaires. Ce qui fera au total, avec le congé maternité, le congé paternité et les deux mois du congé de naissance supplémentaires, les six mois de l’enfant », souligne la ministre de la Santé et des Familles, Stéphanie Rist, qui précise que « ça s’inscrit dans la dynamique des 1000 premiers jours le bon développement de l’enfant », en assurant une présence prolongée des parents à ses côtés.

Le congé peut être pris par un parent, en alternance avec l’autre parent, ou en partie simultanément. Lors de la séance, un amendement adopté prévoit qu’« au moins un mois » du congé ne soit pas pris simultanément par les deux parents. L’objectif est d’aller vers une meilleure répartition des tâches au sein du couple.

Ecueil soulevé lors des débats : la pléthore de dispositifs, puisque ce congé s’ajoute à ceux qui existent déjà. Avec « cinq congés différents : congé maternité, congés de naissance de 3 jours pour le père, le congé de paternité de 25 jours, le congé supplémentaire de naissance et le congé PreParE (prestation partagée d’éducation de l’enfant), qui existe toujours, ça commence à être un peu compliqué. Il y aura un enjeu d’information pour les parents », reconnaît la rapporteure de la branche famille pour la commission, la députée Modem Anne Bergantz, et à terme, de simplification.

Le congé sera-t-il obligatoire ou optionnel ?

Ce congé ne sera pas obligatoire. « C’est de l’incitation, plutôt que de la contrainte. La discussion se fera dans les foyers », explique Aurore Bergé, ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.

A combien s’élève l’indemnité du congé de naissance ?

Le niveau de l’indemnité n’est pas fixé par la loi, mais il le sera ultérieurement par le gouvernement via un décret. Mais on connaît déjà le montant de l’indemnité : 70 % du salaire net le premier mois, puis 60 % du salaire net le second mois. Tout dépendra donc du salaire du parent qui a recours au congé.

Quand s’appliquera la mesure ?

Le texte du gouvernement avait fixé une date lointaine pour la mise en application de cette nouvelle disposition : juillet 2027, soit après la prochaine présidentielle, laissant plus facilement la possibilité à un nouveau président de revenir sur la réforme. Mais l’adoption d’un amendement de la députée LFI Sarah Legrain a avancé cette entrée en vigueur pour les enfants nés après le 1er janvier 2026, soit 16 mois plus tôt.

Si elle reconnaît qu’il s’agit d’un nouveau « droit », la députée LFI a mis en garde, avant l’adoption de son amendement, contre « les arnaques » prévues dans le texte, comme « l’entrée en vigueur en juillet 2027. On ne sait pas où on sera en juillet 2027 », alors que le niveau des indemnités sera fixé par décret, autre faiblesse à ses yeux.

Combien coûte la mesure et comment est-elle financée ?

C’est l’un des points polémiques. Car pour financer ce nouveau droit, le gouvernement en réduit un autre, dans un jeu de vases communicants. « C’est de cette façon que cette mesure est financée, autofinancée, avec un coût en fin de montée en charge de 600 millions d’euros », avance la ministre Stéphanie Rist, au détour d’une réponse. Un choix qu’elle justifie par « le sérieux budgétaire ».

Le gouvernement va ainsi financer ce congé de naissance en décalant la majoration des allocations familiales, octroyée aux enfants à partir de 14 ans, en l’appliquant à l’avenir à partir de 18 ans. La ministre s’appuie sur une étude de la Drees de 2023, qui « met en évidence » que le coût d’un enfant de 18 ans « devient vraiment plus important », comparé à un enfant de 14 ans. Un choix dénoncé par la députée Les Ecologistes, Marie-Charlotte Garin. « En tant que féministe, j’ai un vrai problème avec le fait qu’on prenne de l’argent aux parents d’enfants grands, pour financer un droit de parents d’enfants petits », pointe la députée du Rhône. Pour elle, comme pour « les associations », « vous essayez de faire des économies sur le dos des allocations familiales ».

Le gouvernement défend une mesure d’égalité homme-femme…

Plus d’égalité entre les hommes et la femme, c’est l’objectif du gouvernement. La ministre Stéphanie Rist défend une mesure « d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, quand on sait les difficultés d’allier vie professionnelle et vie personnelle ».

La ministre de l’Egalité entre les femmes et les hommes, Aurore Bergé, rappelle qu’« il y a un décrochage des carrières des femmes, quand elles ont un enfant, et encore plus avec le deuxième et le troisième, où leur évolution de carrière, leur niveau de rémunération, chutent brutalement, face à celui des hommes ». Il s’agit donc « d’impliquer les deux parents, dès le plus jeune âge des enfants. C’est bon pour les enfants, c’est bon pour les parents et c’est bon aussi en matière d’égalité, de répartition des tâches, de vision de la société », soutient Aurore Bergé.

…mais la gauche dénonce au contraire un risque « d’accroître » les inégalités entre hommes et femmes

Une vision du gouvernement que conteste Sarah Legrain. La députée LFI pointe « le problème d’avoir un père qui est encore laissé dans un rôle de parent auxiliaire », défendant « l’importance de l’allongement du congé paternité, notamment sa part obligatoire, afin que les employeurs ne puissent pas faire pression sur les pères et que les pères puissent enfin prendre pleinement leur part à l’accueil de l’enfant ». Or selon la députée LFI, « ce que vous faites, c’est prendre le risque d’accroître l’écart entre le père et la mère. Car des pères pourront s’arrêter 7 jours alors que mères s’arrêteront 6 mois, avec 2 mois de salaire moins rémunérés ».

Alors qu’aujourd’hui « 96 % des congés parentaux sont pris par les femmes, avec une indemnité plafonnée à 429 euros, qui pousse 4 femmes sur 10 à sortir de l’emploi », la députée écologiste Marie-Charlotte Garin ajoute que ce nouveau congé « ne répond pas à l’urgence d’égalité », défendant plutôt « un congé obligatoire pour le deuxième parent, aligné sur la durée du congé maternité, puis un congé de parentalité de 6 mois par parent, pour assurer un véritable partage des responsabilités ».

Si la socialiste Céline Thiébault-Martinez a salué « un progrès » sur la rémunération, elle pointe la limite du caractère non obligatoire du congé, qui « a forcément un impact en termes d’égalité salariale ». Les femmes étant généralement moins bien payées que les hommes, les couples pourraient être amenés, pour limiter l’impact financier, à ce que ce soit la femme qui prenne ce congé supplémentaire de naissance.

Partager cet article

Dans la même thématique

Durée, indemnités, coût pour l’Etat : ce qu’il faut savoir sur le nouveau « congé supplémentaire de naissance »
7min

Société

Stade de France, terrasses, Bataclan : dix ans après les attentats du 13 novembre 2015, une série d’hommages sous le signe de l'émotion à Paris

Avant le discours prononcé par Emmanuel Macron en fin de journée, une série de commémorations se sont tenues ce jeudi 13 novembre à Saint-Denis et à Paris. 132 personnes sont mortes dans les attentats de 2015 au Stade de France, sur les terrasses parisiennes et au Bataclan. Des épisodes empreints d’une intense émotion, une décennie après les faits.

Le

Durée, indemnités, coût pour l’Etat : ce qu’il faut savoir sur le nouveau « congé supplémentaire de naissance »
4min

Société

Jeux vidéo : plus de femmes que d’hommes parmi les joueurs, se félicitent les syndicats du secteur devant le Sénat

La délégation aux droits des femmes du Sénat organisait une première table ronde sur les jeux vidéo avec les représentants de syndicats de l’industrie. Une question guide leurs travaux. Comment faire respecter l’égalité homme femme dans un secteur qui attire désormais majoritairement les femmes avec 55 % des joueurs de la génération des 16 -30 ans.

Le

PARIS Attacks Commemoration
3min

Société

Attentats du 13 novembre : le programme des commémorations

De nombreux événements sont organisés pour permettre aux victimes et aux Français de se recueillir, à Paris et à St Denis. Le président, accompagné de la maire de Paris et des présidents d’associations comme Life for Paris ou 13Onze15 Fraternité seront présents pour y assister.

Le