Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
« Emmanuel Macron ne doit pas piloter seul l’organisation des JO », prévient le sénateur Michel Savin
Par Public Sénat
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Si loin, et en même temps si proches. A deux ans presque jour pour jour, les Jeux Olympiques de Paris semblent préoccuper jusqu’au sommet de l’Etat. En témoigne cette réunion interministérielle qu’Emmanuel Macron a convoquée ce lundi à l’Elysée, en présence de la Première ministre, Elisabeth Borne, et des poids lourds du gouvernement comme Gérald Darmanin ou Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie. « Chaque minute va compter même si un immense travail a été abattu en cinq ans » a lancé en préambule, le Président de la République, à ses convives réunis dans les jardins de l’Elysée. Également de la partie autour du chef de l’Etat, le président de Paris 2024, l’ancien kayakiste et multimédaillé olympique Tony Estanguet, le nouveau préfet de Police de Paris, Laurent Nunez, Michel Cadot délégué interministériel aux Jeux olympiques ou encore le préfet d’Île-de-France Marc Guillaume.
Veiller à « l’implication personnelle exceptionnelle » des ministres
Si l’Elysée dément la réunion d’une « cellule de crise », certains y voient une volonté de reprise en main du dossier par Emmanuel Macron. Selon l’Elysée cité par Ouest France, Emmanuel Macron voulait notamment s’assurer de « l’implication personnelle » des ministres concernés par l’événement. Une implication qu’il souhaite « exceptionnelle » au vu de l’ « envergure et l’audience » des Jeux Olympiques. L’image de la France dans le monde est aussi une des préoccupations du chef de l’Etat selon cette même source élyséenne. Signe de cette volonté présidentielle de remettre le dossier au cœur de son mandat, cette réunion sera désormais « trimestrielle. »
Pour le sénateur de l’Isère Michel Savin, en pointe sur les questions de sport au Palais du Luxembourg, « si le Président sentait que les choses n’avançaient pas comme il se doit, c’est son rôle de remettre un coup de pression » glisse-t-il sans être persuadé que ce soit le cas. Une chose est sûre pour le sénateur LR, Emmanuel Macron « ne doit pas piloter tout seul l’organisation des JO. » « Il n’est pas anormal que sur le plus grand événement sportif de la planète, qui a lieu tous les 4 ans, que le Président s’y intéresse en personne » complète Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat et ancien ministre des Sports de François Hollande. « J’aurais aimé qu’il s’y intéresse un peu plus » souffle-t-il toutefois, déplorant au passage l’absence d’Anne Hidalgo et de Valérie Pécresse à la réunion du jour.
« Les collectivités sont un maillon essentiel » des JO
Les deux élues devront attendre le mois de septembre où elles assisteront à une autre réunion de préparation des JO. La maire PS de Paris, Anne Hidalgo, et la présidente LR de la Région Île-de-France, Valérie Pécresse s’en sont émues dans un communiqué commun : « La ville de Paris, signataire du contrat de ville hôte et la région Ile-de-France ont déploré de ne pas être associées à cette initiative. » Les deux ex-candidates à l’élection présidentielle rappellent que d’une même voix que « les collectivités sont un maillon essentiel » de « la réussite des grands événements sportifs internationaux. » « Ce sera pour les ministres l’occasion d’un point d’étape » évoque sans plus de précision l’Elysée cité par l’Agence France Presse. La réunion doit aussi recenser « les points de fragilité » ajoute le Château.
Une facture qui pourrait flamber
Et ils sont nombreux, d’abord sur le plan budgétaire. Les Jeux Olympiques pourraient coûter beaucoup plus chers que prévu. Entre l’inflation galopante, la construction de nouveaux sites ou encore les frais de la cérémonie d’ouverture, la facture de la compétition pourrait flamber, et passer à 8 milliards d’euros, contre les 6,8 milliards présentés en phase de candidature. « On va trouver des solutions pour faire face à l’inflation et ces défis financiers » a assuré aujourd’hui Thomas Bach, sans plus de précision, au micro de Franceinfo.
« Le budget des jeux sera tenu » pour l’Elysée
« Le budget des Jeux sera tenu » affirme de son côté l’Elysée à l’issue de la réunion. Sur les 1,7 à 1,8 milliard d’euros d’argent public injectés par l’Etat et les collections, l’inflation a fait gonfler la note de 140 millions. Pour absorber ce surcoût, l’Etat entend plutôt jouer sur les choix des cérémonies ou, pourquoi pas, développer les partenariats avec des marques en échange de visibilité pour elles.
« Le village olympique, ce sera du logement pour la Seine-Saint-Denis »
Patrick Kanner relativise ces montants, notamment ceux qui dépendent des collectivités, regroupés derrière la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo). La Solidéo est en charge notamment de construire le village olympique où logeront les 10 500 athlètes du monde entier. « Même si on est à 1,100 milliards d’euros, le village olympique c’est de l’investissement public » remarque le président du groupe PS au Sénat. « Et cet investissement reviendra dans le giron public avec un grand « P » si vous me permettez. » Plus prosaïque, il résume : « Le village olympique, ce sera du logement pour la Seine-Saint-Denis. »
Défi sécuritaire
L’autre sujet du moment pour le conclave élyséen est d’ordre sécuritaire. Un sujet on ne peut plus actuel cinq jours seulement après la révélation d’un rapport provisoire sur l’organisation des JO émanant de la Cour des comptes. Le rapport confidentiel révélé par le Canard enchaîné égraine, au gré de ses 76 pages un constat alarmiste, et des propositions pour accélérer la marche afin de relever le défi « considérable » que représentent ces jeux en matière de sécurité et de maintien de l’ordre. Principal point d’achoppement : la cérémonie d’ouverture inédite le long des bords de Seine. Cette cérémonie, ardemment défendue par Emmanuel Macron lui-même et la maire de Paris Anne Hidalgo, inquiète grandement les magistrats de la Cour des comptes.
Cérémonie d’ouverture « déraisonnable »
Pensé pour être une grande parade fluviale, le projet initial envisageait une armada de 200 bateaux et d’accueillir sur les berges de Seine quelque 600 000 spectateurs. Un projet, jugé « déraisonnable » par l’ancien Préfet de Police de Paris, Didier Lallement. « Il y aura des places payantes, ça c’est facile à cadrer » remarque Michel Savin. « Mais c’est les centaines de milliers de places gratuites qu’il faudra sécuriser. » « Ça peut être fantastique en termes d’images de retransmettre cette vision de Paris dans le monde entier mais la sécurité doit se faire en l’air, sous la terre, et sous l’eau » ajoute-t-il.
« Les quais de Seine, ça de la gueule ! »
Cet optimisme prudent est partagé par son collègue socialiste Patrick Kanner : « On sera toujours en guerre avec le terrorisme, mais on l’est depuis 10 ans » souffle-t-il. S’il reconnaît qu’un stade est une enceinte « plus facile à sécuriser », le sénateur PS du Nord plaide surtout pour que le CIO « préserve ce pari, qui n’est pas un pari fou si on a les moyens. » En renfort des forces de l’ordre et agents de sécurité privée, Patrick Kanner plaide pour associer la présence de militaires, « comme à Rio en 2016 », fait-il remarquer. Pour le parlementaire nordiste, c’est surtout la possibilité d’offrir un spectacle bien plus ouvert que dans un stade, certes plus facile à sécuriser. 80 000 personnes au Stade de France contre 600 000 sur les berges de Seine ? Le choix est vite fait pour l’élu : « J’ai envie de vous dire, top là ! Pour moi, les quais de Seine, ça a de la gueule ! »
« Alléger la pression sur les forces de sécurité »
De son côté, et sans surprise, la Cour des comptes en appelle à la retenue. Les sages de la rue Cambon suggèrent dans leur rapport de réduire les ambitions de la parade à la baisse, de réaliser des simulations en amont de la cérémonie, et d’aménager le calendrier des épreuves le jour et le lendemain de la cérémonie d’ouverture pour « alléger la pression sur les forces de sécurité. »
Le ministère de l’Intérieur « unique responsable »
De son côté, l’Elysée a au moins clarifié au cours de la réunion la question du pilotage en matière de sécurité. Seul le ministère de l’Intérieur portera « l’unique et entière responsabilité » du plan de maintien de l’ordre, le préfet de police, celle de sa mise en œuvre. Pour ce faire, la Présidence de la République avance le chiffre de 7000 à 11 000 agents par jour suivant les besoins des épreuves. D’autres forces resteront en réserve pour d’autres événements ailleurs en France et le ministère de l’Intérieur précise que « 11 nouvelles unités mobiles. » L’Etat compte aussi s’appuyer sur la filière de sécurité privée chaque jour, à hauteur de 17 500 agents.
Fiasco de la Ligue des Champions
La question de la sécurité des Jeux olympiques est devenue centrale depuis le fiasco de la finale de la Ligue des Champions. Le 28 mai dernier lors du match qui opposait Liverpool au Réal Madrid, les images de chaos aux abords du stade montrant les forces de l’ordre charger et gazer certains supporters et des familles en amont de la rencontre avaient fait le tour du monde. L’inquiétude sur la capacité du pays à organiser les Jeux Olympiques de 2024 avait fait l’objet de vives polémiques.
Le Sénat avait d’ailleurs publié un rapport le 13 juillet dernier après une série d’auditions. Les parlementaires y étrillaient notamment la gestion de la Préfecture de police de Paris et du ministère de l’Intérieur et proposaient une quinzaine de mesures pour mieux encadrer les grands événements sportifs. Le même jour, lors des questions d’actualité au gouvernement, Gérald Darmanin s’était engagé à « suivre les recommandations du Sénat. »
Le rapport sénatorial « aura tout son sens »
Laurent Lafon, président de la Commission de la Culture ayant co-piloté le rapport sénatorial promet d’y veiller. D’autant que nombre de propositions du Sénat trouveraient sans mal, selon lui, leur application lors des Jeux de Paris. « L’utilisation des forces de l’ordre, et notamment pour des soirées comme la soirée inaugurale, ça aura tout son sens » relève-t-il. « Et sur la gestion des flux, que ce soit sur le Stade de France ou les grandes enceintes sportives utilisées, il y aura des problèmes similaires entre les liaisons de transports et les équipements sportifs » ajoute-t-il.
Pour le sénateur centriste du Val-de-Marne, « Les JO c’est un Stade de France puissance 10, voire puissance 100 » et le travail des parlementaires ne devrait pas être vain espère-t-il.
Bras de fer à venir avec les collectivités
D’autres sujets promettent aussi d’âpres débats dans les mois à venir, notamment avec les collectivités au sujet du « relais de la flamme. » Cette itinérance de 80 jours sur 12 000km de la flamme olympique sur le territoire de mi-avril à fin juillet 2024 fait déjà des remous auprès des conseils départementaux selon le rapport provisoire de la Cour des comptes. Au vu du coût de l’opération et au regard des incertitudes des retombées économiques qu’elle pourrait engendrer, certains départements, tels l’Isère, ont d’ores et déjà refusé de participer à l’opération. Une préoccupation pour Michel Savin qui espère qu’en deux ans, les Jeux ne clivent pas autant qu’ils devraient rassembler. « Il faut que les moyens soient mis pour que les Français s’approprient les jeux. » Il en va pour lui d’un enjeu de société qui dépasse le simple cadre de cet événement mondial. « Le sport à l’école, en entreprise, le sport santé » énumère-t-il, « on a une opportunité avec ces JO et il ne faut pas passer à côté. »