FILE – Magali Berdah

Encadrement des influenceurs : les sénateurs renforcent les sanctions en commission

Les sénateurs ont adopté à l’unanimité la proposition de loi issue de l’Assemblée visant à encadrer le « marketing d’influence » sur les réseaux sociaux. Ils ont porté de 6 mois à 2 ans d’emprisonnement la peine, si les interdictions publicitaires ne sont pas respectées ou si un influenceur dissimule sa véritable intention. L’objectif est de « lutter contre les dérives, les arnaques des influenceurs », explique la rapporteure, la centriste Amel Gacquerre.
François Vignal

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C’est une première. Le Parlement examine actuellement un texte qui vise à encadrer et à réglementer le « marketing d’influence », soit les influenceurs sur les réseaux sociaux. Après son adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale, la proposition de loi transpartisane des députés Arthur Delaporte (PS) et Stéphane Vojetta (apparenté Renaissance) est arrivée au Sénat. Elle a à son tour été adoptée à l’unanimité, ce mercredi matin, lors de son examen en commission, avant son passage dans l’hémicycle le 9 mai prochain. Si le texte est adopté par le Sénat, ce qui est probable, il faudra encore que les députés et sénateurs tentent de trouver un texte commun, en commission mixte paritaire. Car une série de modifications ont été adoptées en commission des affaires économiques, qui a auditionné 60 personnes pour ce texte, auxquelles s’ajoutent 40 contributions écrites.

« L’objectif est la transparence et la sincérité »

« L’objectif de cette proposition de loi est d’encadrer l’influence commerciale et de lutter contre les dérives, les arnaques des influenceurs », rappelle la rapporteure du texte au Sénat, Amel Gacquerre, sénatrice du Pas-de-Calais, membre du groupe Union centriste. L’idée est de se pencher sur ce qui est devenu « un vrai canal de communication » et de publicité, qui touche principalement les jeunes. « 70 % des adolescents utilisent régulièrement les réseaux sociaux », rappelle la sénatrice centriste. On estime à 150.000 le nombre d’influenceurs en France, dont 15 % exerceraient cette activité à temps plein.

« Le premier intérêt est de faire œuvre de pédagogie. C’est pourquoi des dispositions rappellent le cadre juridique qui s’applique à la publicité et à la promotion, soit tout à fait le secteur de l’influence », explique Amel Gacquerre.

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En commission, les sénateurs ont surtout décidé de « renforcer les sanctions », dans le cas où un influenceur fait de la publicité pour un produit, sans clairement le dire. « On passe de 6 mois d’emprisonnement à 2 ans et on reste sur 300.000 euros d’amende », annonce la rapporteure du texte. « L’objectif est la transparence et la sincérité », précise la centriste, qui ajoute :

 On reproche beaucoup aux influenceurs de faire de la publicité commerciale déguisée. Donc on a acté d’écrire clairement le mot "publicité" sur les publications des influenceurs. 

Amel Gacquerre

« Dérives sectaires »

La rapporteure a également cherché à « renforcer la protection de la santé des consommateurs, de nos jeunes ». En commission, les sénateurs ont ainsi interdit la promotion de l’abstention thérapeutique. « On le voit avec le développement des dérives sectaires. Par exemple, c’est dire qu’on abandonne un traitement contre le cancer et à la place on prend tel type de gélule à base de plantes », illustre la sénatrice du Pas-de-Calais. Interdiction aussi de la promotion des sachets de nicotine, « un vrai phénomène » chez les jeunes, qui « procurent des effets de dépendance », ainsi que de la promotion pour les abonnements à des pronostics sportifs, car « certains influenceurs ont tendance à ne pas informer complètement le consommateur en ne divulguant pas tous les éléments sur la durée ou le coût total de l’abonnement ».

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Deux amendements ont aussi été adoptés pour renforcer l’information sur les images retouchées, où les « silhouettes » sont modifiées par exemple. Il faudra mettre la mention « image retouchée » si c’est le cas. Même idée appliquée aux images générées par une intelligence artificielle. Il faudra la mention « image virtuelle ». « Cela va se développer, c’est un vrai sujet », insiste Amel Gacquerre.

La promotion pour les boissons sucrées et produits alimentaires manufacturés finalement pas interdite

Les sénateurs sont aussi revenus sur un amendement PS adopté en séance, à l’Assemblée, contre l’avis des rapporteurs et du gouvernement, visant à interdire « la promotion de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse, ainsi que de produits alimentaires manufacturés ». Les sénateurs ont ainsi adopté un amendement du sénateur LR Laurent Duplomb supprimant cette interdiction. « L’idée, c’est de ne pas provoquer de rupture d’égalité entre l’information sur les réseaux sociaux et celle sur les autres canaux d’information. Laurent Duplomb craignait aussi des dérives vers d’autres produits alimentaires », explique la rapporteure, qui a déposé aussi un amendement identique.

Concernant les « PSAN », les prestataires de services d’activité numérique, comme Binance, qui est une plateforme d’échange de cryptomonnaies, les députés avaient autorisé la promotion uniquement pour les PSAN agréés. « Or il n’y en a pas d’agréés, ils sont juste enregistrés », explique la rapporteure. « Cela mettait un coup à un secteur économique en développement. Donc on veut autoriser la promotion sans distinction ».

Renfort des moyens de contrôle lors du prochain budget

Reste une question importante : pour appliquer cet encadrement des influenceurs, encore faut-il pouvoir les contrôler. La rapporteure renvoie la question au prochain budget. « On a besoin d’un renforcement des moyens humains et financiers de la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) », reconnaît Amel Gacquerre, « mais il ne s’agit pas d’un sujet de la PPL, qui n’est pas le bon cadre juridique. C’est plutôt dans le projet de loi de finances. Rendez-vous donc lors du prochain budget, où la commission demandera une augmentation des moyens ».

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