Enlèvements : « beaucoup de gens pensent encore que l’État va intervenir »

Enlèvements : « beaucoup de gens pensent encore que l’État va intervenir »

Si le retour en France des otages détenus par des groupes terroristes et criminels fait généralement la une des informations, les conditions de leur libération sont rarement rendues publiques. Alors que l’engagement de l’État dans le processus de négociation n’est pas toujours acquis, un marché privé de la sécurité se développe parallèlement.
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Par Alexandre Delrieu

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Avril 2013, le Quai d’Orsay annonce la libération de Charles Ballard, directeur financier l’ONG ACTED, après 71 jours de détention en Afghanistan. Une prise d’otage restée jusqu’alors totalement secrète sur instruction de la diplomatie française, et dont les conditions de libération restent mystérieuses. Cet épisode interroge sur la ligne de conduite de l’État français en cas d’enlèvement terroriste et crapuleux, et le rôle de négociateur qu’il joue pour libérer les otages.

Lorsqu’il arrive à l’Élysée, le président Hollande entend donner un tournant radical à la gestion de prise d’otages à l’étranger. Si longtemps l’État français a payé, affirme le journaliste Jean-Pierre Perrin, désormais il ne paiera plus. Une attitude qui se rapproche de la doctrine américano-anglaise, souligne le journaliste : « la législation américaine interdit toute négociation avec des preneurs d’otage ».

« Deux poids, deux mesures »

La gestion par la France des affaires à venir révélera cependant une réalité plus nuancée. Ainsi, l’implication des services de l’État dans la libération des quatre journalistes - Didier François, Édouard Elias, Nicolas Hénin et Pierre Torres - enlevés en 2013 par l’État Islamique a largement été médiatisée. Un épisode qui contraste avec l’opération de libération de l’humanitaire Charles Ballard, dans laquelle l’État aurait « refusé de s’investir », avance Jean-Pierre Perrin. Une différence de traitement qui s’expliquerait notamment par la capacité de mobilisation de la presse. « Il y a les relations des uns et des autres qui jouent » résume le grand reporter spécialiste du Proche et Moyen-Orient.

Otages : l'État intervient-il toujours ? #UMED
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En ce sens, le politologue Fabrice Rizzoli estime que l’on ne peut pas parler de doctrine d’État. « Quand un État dit ‘je ne veux pas négocier’ pour moi c’est une façade », estime le criminologue pour qui la véritable inconnue réside dans le montant que les gouvernements sont réellement prêts à payer. « Les Anglais n’aiment pas payer, mais je me suis laissé dire qu’ils paient de temps en temps... », illustre-t-il. 

Le développement d’un marché assurantiel privé

Cette incertitude quant à l’action de l’État a alors permis au marché privé de la sécurité et de l’assurance de prospérer. C’est ainsi que se sont développés les produits assurantiels Kidnapping & Rançon qui, en cas d’enlèvement, garantissent l’intervention d’une équipe de négociateurs et couvrent les frais de rançons.

"L'État veut arrêter les gens pour les juger, nous notre job c'est de sortir les gens vivants" #UMED #otages
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David Hornus dirige depuis douze ans la société de sécurité et de gestion des risque Corpguard qu’il a fondée, et pour laquelle il est notamment négociateur en cas d’enlèvement. « Les intérêts des gens qui vont négocier pour les otages ne sont parfois pas du tout les mêmes que ceux de l’État. L’État veut arrêter les gens pour les juger parce qu’il veut faire payer les criminels. Nous, notre job, c’est de faire sortir les gens vivants », témoigne-t-il.

Autre écueil, certains observateurs comme l’économiste Clotilde Champeyrache, mettent en garde contre le caractère « circulaire » de ce modèle assurantiel qui, in fine, contribuerait à faire prospérer l’économie du kidnapping.

Retrouvez l'intégralité du débat « Enlèvement, un marché criminel à part ? » dans l'émission Un monde en Docs, présentée par Nora Hamadi, le samedi 30 juin à 23 h 20, le dimanche 1er juillet à 9 h 50 et le dimanche 8 juillet à 18 h 50 sur Public Sénat.

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