C’est un « rendez annuel attendu », comme dit le sénateur LR Stéphane Piednoir, président de l’Opecst (office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques), « avec la présentation du rapport annuel de l’autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection » (ASNR), ce jeudi. S’il s’agit de la 19e présentation devant cet office parlementaire qui rassemble députés et sénateurs, celle-ci a « un caractère particulier, car le rapport est présenté pour la toute première fois avec la nouvelle entité, l’ASNR, qui a succédé au 1er janvier à l’ASN et l’IRSN, avec la fusion » des deux structures, rappelle le président de l’Opecst.
Constat général, présenté en ouverture de cette longue audition par Pierre-Marie Abadie, président de l’ASNR : « Un niveau satisfaisant pour l’année 2024 » pour la sûreté nucléaire en France – alors que les visites décennales pour les 40 ans de plusieurs réacteurs se poursuivent – tout en soulignant « un point de vigilance dans le milieu médical ». Il souligne l’importance pour les exploitants de la « dimension industrialisation des grands projets, qui est celle de la qualité ». Or « l’ASNR a encore constaté la persistance d’écarts de qualité et un retard dans le déploiement systématique de bonnes pratiques au sein de leur organisation », avec l’importance que ces questions soient « bien intégrées », « tout le long de la chaîne de sous-traitance » également.
Les événements qui ont touché l’EPR « n’ont pas eu de conséquence sur l’environnement, ni sur les travailleurs »
Evidemment, tous les regards se tournent vers le réacteur EPR de nouvelle génération de Flamanville. Après des années de retard dans sa construction, il a été mis en service le 8 mai 2024, il y a un peu plus d’un an, suite à l’accord de l’ASN, qui a contrôlé le programme d’essai de démarrage du réacteur, la préparation du chargement du combustible comme la préparation des équipes. La première réaction nucléaire au sein de Flamanville 3 – c’est le nom du réacteur de l’EPR – a eu lieu le 3 septembre 2024, puis le réacteur a été couplé au réseau national d’électricité le 21 décembre dernier. En 2024, 17 inspections ont été réalisées sur le réacteur EPR de Flamanville.
« Actuellement, la montée en puissance se poursuit, entrecoupée de période d’arrêts, pour réaliser des opérations de maintenance, suite à différents aléas matériels », explique Olivier Dubois, l’un des commissaires de l’ASNR. En réalité, l’EPR a connu dans ses premiers mois d’existence toute une série de petits problèmes. S’ils sont faibles en gravité, leur nombre est important.
« Depuis la mise en service du réacteur, EDF a déclaré un nombre d’événements relativement significatifs pour la sûreté, dont les deux tiers ont été classés au niveau zéro de l’échelle internationale INES et environ un tiers au niveau 1 (une anomalie, ndlr). Ces événements n’ont toutefois pas eu de conséquence sur l’environnement, ni sur les travailleurs », précise le responsable de l’autorité de contrôle, qui n’a pas donné le nombre total d’événements (voir la vidéo).
EPR : « Les événements déclarés par EDF ont en majorité des causes organisationnelles et humaines »
« Les événements déclarés par EDF ont en majorité des causes organisationnelles et humaines. L’ANSR estime que ce nombre important d’événements est lié à la montée en compétence des personnels chargés de l’exploitation. Et l’ASNR estime que les mesures mises en place par EDF, en réaction, sont pertinentes et adaptées aux difficultés rencontrées pendant cette phase de début d’exploitation de ce réacteur », ajoute Olivier Dubois.
A noter que le rapport n’emploie pas l’adverbe « relativement ». « Depuis la mise en service du réacteur, EDF a déclaré un nombre d’événements significatifs pour la sûreté plus important que ce qui était attendu, même pour le démarrage d’un nouveau réacteur », peut-on lire dans le document publié par l’ASNR, qui l’explique aussi par le « passage d’une culture de chantier à une culture d’exploitation ».
Incident à Flamanville 1 : « EDF aurait dû communiquer probablement beaucoup plus rapidement sur la nature réelle de l’incident »
Pierre-Marie Abadie est par ailleurs revenu sur un « incident à Flamanville 1 », qui n’est donc pas l’EPR, le 25 mars dernier. Il s’agissait « d’une fuite sur une petite canalisation », de la taille d’un pouce, montre-t-il. « Il a été catégorisé INES 1, donc très limité en impact », souligne-t-il. « C’était sur le circuit primaire, donc c’est un sujet important. Ça a déclenché l’appel des pompiers car ça a déclenché une alarme ». « Après, ça n’a nécessité ni l’activation du plan d’urgence interne d’EDF, ni des mesures supplémentaires au-delà de la procédure pour baisser en pression et intervenir pour stopper cette fuite », ajoute le responsable, qui précise que « les équipes d’astreinte n’ont pas jugé nécessaire d’activer la cellule de crise dans sa globalité ». Il pointe davantage la « communication », lors de l’événement. « EDF aurait dû communiquer probablement beaucoup plus rapidement sur la nature réelle de l’incident et son caractère limité », pointe le patron de l’ASNR.
Pour l’année à venir, et en particulier la montée en puissance de l’EPR, la planification transmise par EDF est une « pleine puissance à l’été, cette année », explique Olivier Dubois. L’ASNR devra avant cela « donner une autorisation au moment du passage à 80 % de puissance », sachant que « récemment, le réacteur est monté à 50 % de puissance ». Mais « pour nous, c’est un planning qui apparaît comme réaliste, à date », soutient Olivier Dubois, qui ajoute : « Evidemment, on n’a pas de boule de cristal. Ça dépendra des essais faits au fur et à mesure. Mais en l’absence d’événements imprévus, le planning est réaliste ». Il n’y a plus qu’à croiser les doigts.