Magistrat spécialiste du droit des enfants, cela fait 20 ans que le juge Edouard Durand se dédie corps et âme à la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs. Si les enfants sont plus considérés qu’ils ne l’étaient à l’époque, l’écart entre les plaintes et les condamnations reste criant. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit le magistrat Édouard Durand, dans « Un monde un regard ».
Ève, mère célibataire : « Oui on a besoin d’argent ! Mais la vie vaut plus que tout le reste ! »
Par Public Sénat
Publié le
Mère célibataire, Ève Lopez est confinée dans son appartement de Fontenay-sous-Bois en région parisienne avec ses deux enfants. Même après un mois de vie commune dans un deux-pièces d’environ 50 m², elle reste positive : ses ados sont « cool » et « c’est une grande chance ».
Si elle sèche parfois devant les devoirs de Math de Maëva, sa fille qui est en première, l’école à la maison se déroule plutôt bien. Les enfants sont autonomes : « ils sont doués à l’école » affirme Ève Lopez. Pour eux, comme pour les 12 millions d’élèves français, tout se fait en ce moment à distance, avec des cours et des devoirs en ligne. Internet devient un outil primordial pour garder le contact et permettre le suivi scolaire : « Moi qui étais anti internet car ça coupe du monde, aujourd’hui c’est tout le contraire » rigole Ève.
Mais elle déplore que la situation actuelle puisse creuser des inégalités : « Le système n’est pas très bien fait […] quand tu es un parent à petit revenu, soit tu as une box, soit un portable, mais quand tu ne peux pas payer tes factures, ta box elle saute… ».
Des difficultés financières
Si Ève s’inquiète pour les factures internet des familles modestes, c’est parce qu’elle aussi connaît des difficultés financières. Fonctionnaire à l’université, Ève travaille pour le Crous de Paris Dauphine, elle tient la caisse du restaurant universitaire.
Seule avec deux enfants, elle a longtemps gagné 1 300 euros net par mois et venait d’être augmenté en décembre : « Je gagne 1 700 euros net par mois ». Une hausse de revenus qui lui a permis d’éponger des dettes mais ne lui laisse pas beaucoup de marges au quotidien.
« Je n’ai le droit de retirer que 150 euros par semaine et je gère avec ça. » explique-t-elle. Sa carte bancaire est aussi limitée et elle explique qu’elle ne lui permet pas d’acheter des produits en ligne par exemple. Impossible donc, en ces temps de confinement, de recourir à des livraisons pour faire ses courses. Il faut se rendre dans les commerces. Inquiète face au virus, elle a renoncé à se rendre en grande surface : « Je reste dans mon quartier pour faire les courses […] j’ai testé Auchan mais j’ai angoissé car la distance avec les gens était difficile à tenir ».
Je n’ai pas payé mon loyer
Les achats alimentaires constituent un poste de dépense important. Elle avoue avoir même bénéficié de l’aide de ces enfants pendant le confinement lorsqu’elle n’avait pas assez d’argent liquide : « Heureusement, mes enfants ont un peu de sous donc ils m’ont dépanné quand je n’ai pas pu retirer ».
Pour payer factures et loyers, Ève fait d’habitude des chèques, mais elle se retrouve aujourd’hui sans chéquier : « Le 15 mars j’ai commandé un chéquier, il est arrivé il y a 2 jours à la poste mais le bureau est fermé. » Impossible alors de joindre le service postal, débordé par les appels. Face à cette situation, elle a décidé de prioriser : « Tout est calculé. Et n’ayant pas eu de chéquier je n’ai pas payé ni mon loyer, ni mes factures de gaz et d’électricité ». Elle a prévenu sa gardienne et reste fataliste.
Et demain ?
En attendant que la crise sanitaire soit passée, Ève s’occupe chez elle. Sortir les chiens, jardiner, faire du sport à l’intérieur, elle s’adapte avec le sourire : « c’est une autre vie ». Son université est fermée, elle reste donc à domicile. Son salaire, indispensable pour elle et ses enfants, est pour l’instant maintenu.
Mais elle avoue avoir des « angoisses » sur la fin du confinement. Elle ne comprend pas la réouverture prévue pour les écoles le 11 mai. Elle-même fragile des poumons, sous médicaments pour dégager ses bronches, est inquiète. « Personnellement je ne remettrai pas mon fils au collège le 11 mai » affirme-t-elle.
Déçue par les discours politiques, elle a l’impression que l’économie reste au cœur des préoccupations et elle espère que demain « l’humain passera avant tout ». Car même si « oui on a besoin d’argent pour se loger, pour manger, mais ma vie vaut plus que tout le reste ! » Et elle-même assure qu’elle ne retournera pas au travail si on ne lui garantit pas des bonnes conditions d’hygiène.