« Faire face à une pandémie ne devrait pas s’improviser » : les recommandations de la Cour des comptes pour les services de réanimation

« Faire face à une pandémie ne devrait pas s’improviser » : les recommandations de la Cour des comptes pour les services de réanimation

La Cour des comptes présentait ce matin au Sénat un rapport sur les « soins critiques » et les leçons à tirer de la pandémie pour les services de réanimation français. Pour la Cour, l’amélioration des capacités des services de réanimation ne passe pas nécessairement par la création de lits.
Louis Mollier-Sabet

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« Bienvenue dans un monde inconnu avant la crise covid » ironise Florence Lassarade, sénatrice LR de la Gironde et ancienne réanimatrice pédiatrique. Les capacités de réanimation françaises occupent en effet l’espace public depuis que les confinements et couvre-feux successifs ont eu pour but de les préserver face à la pression due à la pandémie de covid-19. Mais, à la demande de la commission des Affaires sociales du Sénat, la Cour des comptes s’est penchée sur les problèmes plus structurels que pouvaient rencontrer les services de « soins critiques » français, révélés par la pandémie.

« La France était très mal préparée à la pandémie »

Les « soins critiques » étudiés par la Cour des comptes recouvrent la réanimation, mais aussi les unités de soins intensifs et les unités de soins continus. Sur l’ensemble de ces services, la Cour a tenté de dégager des « leçons » de la pandémie, parce que, comme l’explique Véronique Hamayon, conseillère maître à la Cour des comptes, « faire face à une pandémie ne devrait pas s’improviser. » Elle poursuit : « La France était très mal préparée à la pandémie, les plans et les outils n’existent plus depuis 2014, les plans sont devenus trop généraux. »

C’est probablement cette impréparation qui explique le retard à l’allumage lors de la première vague, expliquent les membres de la Cour des comptes sur le ton feutré mais non moins tranchant qui sied à leur institution : « Entre juillet et octobre 2020 nous n’avons pas relevé de décisions annonciatrices de modifications structurelles pour les soins critiques. Après la 1ère vague, aucune décision n’a été prise qui pourrait indiquer que les pouvoirs publics envisageaient une évolution. »

Malgré ces atermoiements en début de pandémie, le bilan de la gestion de crise s’est éclairci à mesure que la pandémie s’installait. « Les leçons des 2ème et 3ème vagues ont été mieux comprises » affirme ainsi a Cour des comptes qui cite notamment une politique plus régionalisée de déprogrammation des soins pour éviter la déprogrammation généralisée de la 1ère vague.

Des patients qui sortent moins des services de réanimation le week-end

Cette réponse tardive est d’autant plus inquiétante pour l’avenir que l’activité hospitalière de soins dits « critiques », va être amenée à augmenter structurellement avec le vieillissement de la population. La Cour des comptes note déjà une augmentation structurelle du nombre de passages en réanimation – même avant la pandémie – de 8 % entre 2013 et 2019, alors que l’ensemble des hospitalisations n’augmentait que de 1,5 %, avec une augmentation de l’âge moyen des patients admis. Alors quelles sont les pistes pour répondre aux difficultés « structurelles » à venir ?

La Cour des comptes évoque dans son lyrisme caractéristique, un « manque de fluidité en aval des soins critiques. » Concrètement, cela veut dire que des patients qui n’auraient plus besoin d’être hospitalisés en réanimation ou en soins intensifs y restent, faute de débouchés dans des services adaptés. Véronique Hamayon évoque ainsi sa « surprise » face au fait que les patients sortent moins de réanimation le week-end que le reste de la semaine. Elle y voit le signe d’un défaut de services adaptés « en aval » – après le passage en réanimation – et d’un manque de personnel pour gérer des transferts de patients qui devraient avoir lieu, notamment le week-end donc.

« Il n’y a pas besoin de créer des lits en toutes circonstances »

La Cour des comptes ne préconise donc pas nécessairement de créer des lits de réanimation « en toutes circonstances », parce que cela « ne satisfait pas à 100 % la problématique. » Le raisonnement des membres de la Cour des comptes est qu’au-delà du volume de lits de réanimation disponibles, il faut aussi que « le bon patient soit dans le bon lit. » Ainsi, résoudre, par exemple, le problème des patients qui ne sortent pas de réanimation le week-end, libérerait sur un an l’équivalent de « centaines de lits. »

En revanche Véronique Hamayon attire l’attention sur la tarification des actes médicaux de réanimation. Les hôpitaux français sont financés selon la tarification à l’acte dite « T2A », où chaque acte médical est financé à un niveau déterminé à l’avance. En l’occurrence, les prix fixés pour les actes médicaux des services de réanimation seraient « trop bas » d’après la Cour des comptes, qui calcule un « déficit moyen de 115 000 euros par an » par lit de réanimation ouvert dans un hôpital. Le problème c’est que cela désincite à l’ouverture de lits de réanimation, même là où il pourrait y avoir des besoins. La Cour recommande ainsi une « neutralité tarifaire » de ces actes médicaux, c’est-à-dire un tarif qui permet aux hôpitaux qui ouvrent des lits de rentrer dans leurs frais.

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