Faut-il rétablir le redoublement ?
Un projet de décret, examiné ce mercredi par une commission spéciale, viserait à rétablir le redoublement. Jean-Michel Blanquer s’est déjà prononcé pour son retour. Populaire dans l’opinion publique, le redoublement n’est pourtant pas plébiscité par les spécialistes.   

Faut-il rétablir le redoublement ?

Un projet de décret, examiné ce mercredi par une commission spéciale, viserait à rétablir le redoublement. Jean-Michel Blanquer s’est déjà prononcé pour son retour. Populaire dans l’opinion publique, le redoublement n’est pourtant pas plébiscité par les spécialistes.   
Public Sénat

Par Héléna Berkaoui

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Rendu exceptionnel par le précédent gouvernement, le redoublement pourrait bien faire son retour. Un projet de décret en ce sens est examiné ce mercredi par une commission spécialisée, il sera présenté devant le Conseil supérieur de l'éducation (CSE) le 14 décembre. Selon les informations de l’AFP, qui s’est procuré une copie du document, ce projet de décret prévoit un rétablissement du redoublement dans le cas où « le dispositif d’accompagnement pédagogique (que compte mettre en place le ministre de l’Éducation nationale) n’aurait pas permis de pallier les difficultés importantes d’apprentissage rencontrées par l’élève. »

Une mesure qui prendrait le contre-pied de la politique menée par l’ancienne ministre de l’Éducation, Najat Vallaud-Belkacem. Cette dernière avait rendu le redoublement « exceptionnel. » Par voie de décret, elle avait limité le redoublement à deux situations : la « rupture des apprentissages » (pour une longue maladie, par exemple), ou le redoublement en fin de 3e et 2de si un élève n’avait pas obtenu l’orientation souhaitée.

70 % des parents et 64 % des enseignants estiment que le « redoublement permet réellement à l’élève de rattraper son retard » selon une étude du CNESCO. 

Si cette mesure n’est pas officielle, elle est bien dans les petits papiers du ministre de l’Éducation. Dans une interview donnée au Parisien en juin dernier, Jean-Michel Blanquer affirmait déjà qu’il n’était pas « normal d’interdire le redoublement. Il y a quelque chose d’absurde à laisser passer de classe en classe des élèves accumulant les retards. La première des réponses réside dans l’accompagnement tout au long de l’année et dans les stages de soutien que nous créons. »

Le redoublement est populaire dans l’opinion publique. Selon une enquête du Conseil national d’évaluation (CNESCO), 70 % des parents et 64 % des enseignants estiment que le « redoublement permet réellement à l’élève de rattraper son retard. » Mais la CNESCO souligne aussi que « la majorité des études » indiquent que « le redoublement n’a pas d’effet sur les performances scolaires à long terme. » Najat Vallaud-Belkacem avait justifié sa mesure ainsi : « Il est avéré que le redoublement est assez inefficace pédagogiquement parlant, qu'il est démotivant pour les élèves et par ailleurs qu'il est coûteux. »

Le redoublement « ne permet pas d’atteindre un niveau de formation supplémentaire » constate Asma Benhenda, chercheuse affiliée à l'Institut des politiques publiques (IPP)

2 milliards d’euros par an. C’est le coût estimé du redoublement en observant les élèves nés en 1992, d’après une étude menée par Asma Benhenda et Julien Grenet pour l’Institut des politiques publiques (IPP). Contactée par Public Sénat, Asma Benhenda, chercheuse affiliée à l’IPP, précise que le redoublement « ne permet pas d’atteindre un niveau de formation supplémentaire. » Autrement dit, avec ou sans redoublement le résultat serait le même. Les conclusions de son étude avancent des alternatives telles que la réduction de la taille des classes (Lire l'étude)

Selon Asma Benhenda, les recherches sur le sujet révèlent que le redoublement a un effet positif à court terme, surtout s'il a lieu tôt dans la scolarité (primaire). En revanche, il a un effet inexistant voire parfois négatif à long terme sur le niveau final de formation atteint, surtout si le redoublement a lieu plus tard dans la scolarité. Selon une étude menée outre-Atlantique, il pourrait même augmenter « le risque de décrochage scolaire. »

S’il est rétabli, cet outil doit s’accompagner de la mise en place « de pédagogies mieux adaptées », estime Jean-Claude Carle. 

Vice-président de la commission en charge de l’Éducation au Sénat, Jean-Claude Carle (LR) rejoint la position de Jean-Michel Blanquer. La limitation du redoublement opérée par le précédent gouvernement était « une erreur », selon lui. Il estime que cette mesure « peut permettre à des élèves de récupérer un certain nombre » d’acquis, pour autant il est moins favorable à ce que le redoublement soit appliqué « dans les petites classes. » Jean-Claude Carle rappelle que le redoublement est d’abord « un constat d’échec » de l’éducation nationale. Il estime que s’il est rétabli, cet outil doit s’accompagner de la mise en place « de pédagogies mieux adaptées. » Le déterminisme social conditionne en grande partie la réussite des élèves. Pour corriger cela, il en appelle à « une inégalité de traitement » à l’image du dédoublement des classes de CP dans les milieux les moins favorisés.

Dans la même thématique

Faut-il rétablir le redoublement ?
3min

Société

Frères musulmans : Bruno Retailleau annonce « une meilleure organisation de l’Etat » en « matière de renseignement »

Interrogé lors des questions d’actualité au gouvernement au Sénat, le ministre de l’Intérieur a affirmé que le rapport sur les Frères musulmans était « alarmant ». « Il faut prendre ce problème à bras-le-corps », lance le nouveau président des LR, qui annonce « un parquet administratif au ministère de l’Intérieur pour diligenter des dissolutions ».

Le

7min

Société

Rapport sur les Frères musulmans : « On a toujours un temps de retard et pendant ce temps-là, l’entrisme gagne », alerte la sénatrice Nathalie Goulet

Un rapport commandé par le gouvernement pointe le poids des Frères musulmans en France, avec 7 % des lieux de cultes musulmans qui leur sont liés, mais aussi un « entrisme » dans plusieurs pans de la société. « C’est un mouvement de sape de la République. Et c’est un mouvement de fond, qui est très malin, très sournois et qui fonctionne très bien », estime la sénatrice centriste, Nathalie Goulet.

Le

Mayotte Cyclone Chido
11min

Société

Immigration, logement, social : examen mouvementé en vue pour le projet de loi de refondation de Mayotte

Le projet de loi-programme visant à « refonder Mayotte » sera examiné en séance plénière au Sénat à partir de ce lundi 19 mai. Dense, ce texte prévoit de nombreuses mesures destinées à développer l’archipel, aujourd’hui le département le plus pauvre de France. Plusieurs dispositions, notamment sur le plan sécuritaire et migratoire, suscitent une levée de boucliers de la gauche, qui tentera de faire entendre sa voix dans l’hémicycle.

Le

Faut-il rétablir le redoublement ?
3min

Société

Affaire Bétharram : « Je pense que François Bayrou a menti à la représentation nationale », affirme Marine Tondelier

Invitée de la matinale de Public Sénat, la secrétaire nationale des Ecologistes s’est exprimée sur l’audition du Premier ministre à l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission d’enquête sur les violences dans les établissements scolaires, ce mercredi. Marine Tondelier ne voit pas comment il pourrait s’en sortir après avoir « menti » sur l’affaire Bétharram.

Le