Fermeture de 400 écoles rurales : l’égalité territoriale en question

Fermeture de 400 écoles rurales : l’égalité territoriale en question

À la veille de l’adoption définitive par le Sénat du projet de loi contesté « pour une école de la confiance », le ministère de l’Éducation nationale annonce la fermeture de 400 écoles rurales à la rentrée. De quoi raviver le débat sur l’abandon des territoires par les services publics.
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Interrogée en avril dernier par la sénatrice communiste Céline Brulin, sur l’un des points du projet de loi « pour une école de la confiance », Jean-Michel Blanquer avait répondu : « Ce n’est sûrement pas fait pour abîmer les écoles rurales ». Le point en question concernait le projet de rapprochement entre écoles et collège par la création « d'établissements publics des savoirs fondamentaux » (EPSF). Le projet a été supprimé lors de l’examen du texte au Sénat (voir notre article), et n’a pas été réintroduit en commission mixte paritaire. Le projet de loi devrait être définitivement adopté par les sénateurs jeudi.

La promesse d’Emmanuel Macron

Néanmoins le retrait des EPSF, très contestés par les syndicats d’enseignants et de parents d’élèves ne va pas empêcher la fermeture de 400 écoles rurales à la rentrée prochaine, selon les chiffres du ministère de l’Éducation nationale. De quoi battre en brèche l’une des promesses faites par Emmanuel Macron à l’issue du grand débat. Nous devons (…) ne plus avoir d’ici la fin du quinquennat de fermeture d’hôpitaux ou d’écoles sans l’accord du maire » avait-il assuré lors de sa conférence de presse du 25 avril avant de prévenir : « Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de réorganisation ».

En effet, sur les 400 établissements ruraux qui vont fermer leurs portes, 150 relèvent de la décision de l’administration (par manque d’élèves), 250 résultent de fusions et de regroupements « préparés en concertation avec les élus » rapporte le ministère au journal le Parisien.

« L’école doit être garante de l’égalité dans les territoires »

Au sujet des fermetures décidées en concertation avec les élus, interrogée par Public Sénat ce mercredi, la sénatrice communiste de Seine-Maritime, Céline Brulin évoque « un jeu de dupes ». « Les maires subissent des pressions pas toujours amicales, ils manquent de moyens pour faire fonctionner leurs écoles (…) Il n’y a pas suffisamment de créations de postes (d’enseignants). Par exemple, dans l’académie de Rouen qui regroupe les départements de l’Eure et de la Seine-Maritime, il y avait 45 postes de professeurs des écoles en moins au concours cette année, par rapport à l’année dernière. Si on n’ouvre pas de postes, on ne risque pas de répondre à la fois aux besoins de dédoublement des classes de CP et CE1 en REP et REP + (réseau d'éducation prioritaire) mais aussi à tous les autres besoins. On déshabille Pierre pour habiller Paul. L’école doit être garante de l’égalité dans les territoires » fustige-t-elle.

« Il est évident que ça revient moins cher aux communes »

« J’ai l’impression qu’il y a 250 maires qui ont accepté ces négociations. Donc, je ne peux pas vous dire qu’ils ont tort ou que le Président exagère ou que l’Éducation nationale exagère… C’est le cas par cas » temporise de son côté, la sénatrice RDSE, Françoise Laborde, vice-présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, avant de rappeler qu’un quart des communautés de communes ont la compétence école. « Il est évident que ça revient moins cher (…) aux communes de regrouper (les établissements) (…) Il faut être pragmatique. Et j’entends cela aussi » ajoute-elle.

« La Somme perd 700 à 800 élèves par an »

La plupart des fermetures sont le résultat d’une politique de refonte de la carte scolaire qui tend à réunir les écoles de villages dans des regroupements pédagogiques concentrés (RPC). Le département de la Somme devrait être le plus touché à la rentrée prochaine avec 30 fermetures d’écoles dont 27 sont le fait de RPC. « La Somme perd grosso modo 700 à 800 élèves par an. Il faut bien que solutions puissent être trouvées » a fait valoir sur le plateau de Public Sénat, Daniel Dubois, sénateur centriste de la Somme.

« On va vers un déménagement définitif de ces territoires »

Le rapporteur LR du projet de loi « pour une école de la confiance », Max Brisson préconise un changement de « système » dans la manière de préparer les rentrées. « Il faut s’inscrire dans la prospective. On a des capacités d’analyse des évolutions démographiques (…) Ce vieux système est contre-productif pour l’Éducation nationale. On annonce des fermetures de classes dont certaines n’auront pas lieu » annonce-t-il. Max Brisson plaide surtout pour un droit à la différenciation dans « la grande ruralité » comme les zones de montagne par exemple. « Si on y applique les mêmes seuils, on va vers un déménagement définitif de ces territoires » s’inquiète l’élu des Pyrénées-Atlantiques.

L’éloignement progressif des services publics figurait en bonne place dans les mécontentements des gilets jaunes. L’accès aux services publics « pour les territoires isolés, la ruralité, les quartiers, l’outre-mer », c’est aussi la promesse du Premier ministre, Édouard Philippe, lors de son dernier discours de politique générale.

Fermeture d'écoles: Max Brisson plaide pour un droit à la différenciation
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