Fin de vie : la « sédation profonde et continue » facilitée au domicile des patients
Encadré par la loi Claeys-Leonetti, le droit à la « sédation profonde et continue » à domicile, pour les malades en phase terminale, se heurte à l’accessibilité du midazolam : un produit anesthésique nécessaire à sa mise en œuvre. Le ministère de la Santé annonce y remédier. Au Sénat, une proposition de loi socialiste est en préparation pour aller plus loin et légaliser « l’aide active à mourir ».

Fin de vie : la « sédation profonde et continue » facilitée au domicile des patients

Encadré par la loi Claeys-Leonetti, le droit à la « sédation profonde et continue » à domicile, pour les malades en phase terminale, se heurte à l’accessibilité du midazolam : un produit anesthésique nécessaire à sa mise en œuvre. Le ministère de la Santé annonce y remédier. Au Sénat, une proposition de loi socialiste est en préparation pour aller plus loin et légaliser « l’aide active à mourir ».
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Votée en janvier 2016, la loi Claeys-Leonetti instaure un droit à « la sédation profonde et continue » jusqu’au décès pour les malades en phase terminale. Une étape ultime aux soins palliatifs qui ne peut être administrée qu’à la demande du patient, à son domicile ou dans un établissement de santé.

Si la loi pose un cadre juridique clair, dans la pratique la sédation profonde et continue peine à être mise en œuvre à domicile. En effet, les médicaments utilisés pour le faire, notamment le produit anesthésique, le midazolam, est réservé, sauf exception, aux hôpitaux. Son autorisation de mise sur le marché ne prévoit qu’une utilisation pour les anesthésies. « Dans notre pays les patients en phase terminal meurent à l’hôpital, alors que dans la majorité des cas ils veulent finir leurs jours chez eux » pointe le sénateur RDSE, Michel Amiel, co-rapporteur de la loi Claeys-Leonetti.

Le midazolam sera disponible d'ici quatre mois dans les pharmacies annonce le ministère

Ce lundi, la Haute autorité de la Santé (HAS) recommande aux pouvoirs publics de « faire évoluer la réglementation » des médicaments utilisés pour soulager les patients en fin de vie afin de rendre effectif le cadre juridique posé par la loi. Le midazolam sera disponible d'ici quatre mois dans les pharmacies de ville pour les « médecins qui prennent en charge des patients en fin de vie à leur domicile », a répondu cet après-midi le ministère de la Santé.

Une décision saluée par le syndicat de médecins généralistes, MG France. « C’est une bonne chose. La loi apporte un cadre juridique très protecteur pour le patient et le médecin. Mais la plupart des médecins généralistes n’ont pas les moyens de prendre en charge les patients à leurs domiciles faute de pouvoir se procurer le midazolam qui apporte un confort certain au patient » explique Jean-Christophe Calmes, vice-président de MG France. Le généraliste pointe également une rupture d’égalité entre les praticiens situés dans les déserts médicaux et ceux des villes. En effet, ces derniers ont la possibilité de se procurer ce médicament en se mettant en relation avec le réseau de soins palliatifs d’un centre hospitalier. Difficile également dans les zones rurales de remplir une autre condition légale : l’obligation une procédure collégiale dans la mise en œuvre de la sédation profonde et continue, impliquant une équipe de soins palliatifs pluriprofessionnelle.

Faire évoluer la réglementation sur le midazolam est une décision « cohérente » Michel Amiel, mais qui, selon lui, ne suffira pas pour soulager tous les patients. « Il faudra mettre également les moyens car « les équipes de soins palliatifs sont débordées » souligne-t-il.

« Cette loi est faite pour ceux qui vont mourir et pas pour ceux qui veulent mourir »

Et si Michel Amiel rappelle que « cette loi est faite pour ceux qui vont mourir et pas pour ceux qui veulent mourir », c’est ce que voudrait voir changer, Jean-Luc Romero, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD). « Les patients en fin de vie disent que cette loi n’est pas pour eux. Il a fallu qu’un médecin soit mis en examen pour que tout le monde se réveille (le docteur Jean Méheut-Ferron a été mis en examen en janvier dernier pour avoir administré, hors cadre légal, du midazolam à des patients en phase terminale NDLR).

Jean-Luc Romero demande d’arrêter l’hypocrisie de la loi Claeys-Leonetti

Jean-Luc Romero dénonce l’arrêt depuis le 1er janvier 2019, des plans de soins palliatifs. « En France à peine 20% de ceux qui en ont besoin vont dans des unités de soins palliatifs. Il faut arrêter l’hypocrisie de la loi Claeys-Leonetti, la sédation continue peut prolonger pendant trois semaines l’agonie des patients » affirme-t-il avant de demander un nouveau texte législatif sur le droit au suicide assisté et l’euthanasie.

« Liberté, égalité et fraternité » doit s’appliquer également à la fin de vie

Sur ce dernier point, Jean-Luc Romero va être entendu par le groupe socialiste du Sénat. Martine Filleul (Nord) et Rachid Temal (Val-d’Oise) travaillent à une proposition de loi sur l’aide active à mourir. Rachid Temal souhaite que la devise « liberté, égalité et fraternité » s’applique également à la fin de vie. « Il faut dépasser les clivages sur cette question et donner la liberté de choix à chaque citoyen sur sa fin de vie et permettre un égal accès à ce choix. Car ceux qui en ont les moyens peuvent aller en Suisse ou en Belgique pour avoir recours à une aide active à mourir. La proposition de loi sera déposée « autour de cet été » précise-t-il.

« S’il y a une loi sur le suicide assisté, il faudra prévoir une clause de conscience pour le médecin. On rentre dans le champ des convictions profondes et je ne sais pas si on peut légiférer sur ce sujet » prévient Jean-Christophe Calmes, vice-président du syndicat des médecins généralistes, MG France.

 

Partager cet article

Dans la même thématique

Russia: Newborns dressed in Christmas costumes in Moscow Region
3min

Société

Natalité en baisse : la population progresse uniquement grâce aux migrations

Pour la première fois depuis plus d’un siècle hors période de guerre, la France métropolitaine enregistre davantage de décès que de naissances. En 2024, la croissance démographique du pays repose presque exclusivement sur les migrations, confirmant un tournant historique aux conséquences économiques et sociales.

Le

Collectivités locales : la Cour des comptes épingle le recours aux cabinets de conseil
8min

Société

Lutte contre la corruption : « Un cadre juridique solide » mais des « résultats contrastés » en France, selon la Cour des comptes

Favoritisme, trafic d’influence, détournement de fonds… Les faits d’atteintes à la probité recensés par les autorités ont progressé ces dernières années. Dans un nouveau rapport, la Cour des comptes fait état d’une politique de lutte anticorruption en demi-teinte en France, malgré un socle légal plutôt adapté aux enjeux. Mais « l’ensemble complexe et peu lisible » des dispositifs et des acteurs chargés de cette mission fragilise les résultats en la matière.

Le

France Water Scandal
6min

Société

Perrier : « Il faut arrêter de prendre les consommateurs pour des idiots », s’indigne la sénatrice Antoinette Guhl

Plus de quatre millions de bouteilles de Perrier sont bloquées à Vergèze (Gard) après plusieurs contaminations. Alors que le préfet doit décider si la marque peut conserver son statut d’« eau minérale naturelle », la sénatrice écologiste Antoinette Guhl s’inquiète du manque de transparence de Nestlé Waters. Malgré ces incidents l’ARS Occitanie a rendu un avis favorable, mais sous réserve pour le renouvellement de l’autorisation d’exploitation.

Le