Frontex fait face à « une pression migratoire croissante, qui concerne l’ensemble des frontières de l’UE », selon sa directrice

Frontex fait face à « une pression migratoire croissante, qui concerne l’ensemble des frontières de l’UE », selon sa directrice

Auditionnée au Sénat, la directrice exécutive de Frontex est revenue les mesures mises en œuvre par l’agence face à une « pression migratoire croissante », après la démission de son prédécesseur, Fabrice Leggeri, il y a quelques mois. Frontex avait alors été mise en cause par rapport au respect des droits fondamentaux lors de « refoulements » de migrants.
Louis Mollier-Sabet

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« Frontex est actuellement confrontée à une situation très difficile. » Difficile d’être en désaccord avec le constat d’Aija Kalnaja, directrice exécutive de l’Agence européenne des gardes-frontières et des garde-côtes (Frontex). La directrice lettone de Frontex évoque à ce titre « l’instrumentalisation des migrations de certains de nos voisins, qui sont prêts à faire usage de boucliers humains pour des objectifs politiques », en faisant référence, notamment, à la pression mise sur la frontière polonaise par la Biélorussie de Loukachenko. Aija Kalnaja a aussi attiré l’attention des sénateurs sur le corridor des Balkans occidentaux, où 130 000 franchissements illégaux auraient été constatés, ainsi que sur les frontières turques, hongroises, serbes et bulgares. « Ce lundi, il y a eu des tirs terribles à la frontière entre la Turquie et la Bulgarie, un garde-frontière bulgare a perdu la vie. C’est un premier décès dû à l’augmentation de la violence à ces frontières, il a été visé à la tête avec l’objectif de tuer », a annoncé la directrice exécutive de Frontex.

Droits fondamentaux : « 46 vérificateurs ont été recrutés en octobre »

Mais c’est aussi en interne que Frontex a récemment rencontré des difficultés, avec la démission, en juin dernier, de Fabrice Leggeri, l’ancien directeur exécutif. Après avoir été auditionné à huis clos au Sénat, il avait expliqué à Public Sénat que « certains » voulaient faire jouer à Frontex le rôle d’une agence « qui vérifie comment les Etats-membres appliquent les droits fondamentaux », alors que son « mandat » est d’être « une force de police des frontières. » Une enquête de l’Office de lutte antifraude (l’OLAF) venait en effet de révéler des cas présumés illégaux de « pushback » (refoulements) de migrants, notamment en mer Egée. À la suite de ces incidents, des députés européens avaient demandé le gel d’une partie du budget 2022 de Frontex tant que l’agence ne recrutait pas 20 officiers aux droits fondamentaux.

Cinq mois plus tard, la directrice intérimaire de Frontex a présenté aux sénateurs les évolutions internes à l’agence qui ont été mises en place pour répondre à ces problématiques : « L’officier responsable des droits fondamentaux fait désormais partie de la structure décisionnaire de l’agence et a un accès complet aux informations pertinentes pour accomplir sa tâche. 46 vérificateurs ont été recrutés en octobre, aidés par d’autres membres du personnel, ce qui porte l’équipe des droits fondamentaux à plus de 60 personnes. L’agence a aussi adopté une stratégie en matière de droits fondamentaux après des recommandations de l’officier et d’un forum consultatif. »

« Le système en place ne pourra pas être complètement étanche, il y aura des violations des droits fondamentaux »

Des aménagements pour le respect des droits fondamentaux qui ont fait craindre à certains sénateurs pour l’efficacité de l’agence Frontex. « Cela me paraît être des contraintes pour le bon fonctionnement de Frontex, alors que je souhaiterais une agence agile, et non pas une agence bureaucrate visant à respecter exactement X résolution », a réagi le sénateur LR André Reichardt. « N’avez-vous pas le sentiment que ce sont autant de contraintes pour votre fonctionnement, qui se font au détriment des attentes des populations européennes à l’égard de la gestion des frontières extérieures ? » s’est-il inquiété. « Les droits fondamentaux ne sont pas qu’une préoccupation bureaucratique », lui a répondu la directrice exécutive de Frontex. « Nous respectons tout le droit en vigueur en matière de gestion des frontières », a-t-elle poursuivi, avant de défendre le système mis en place : « En toute honnêteté, le système actuel est un système qui fonctionne : le personnel est bien formé en matière de droits fondamentaux, il est compétent, et des rapports sont faits quand il y a des violations. Le système en place ne pourra pas être complètement étanche, il y aura des violations, et il faut un système permettant de traiter ces atteintes. »

Ce « système actuel » a permis de mener, en 2022, 18 « opérations conjointes » entre Frontex et les Etats-membres, sur 200 localisations, afin « d’augmenter le nombre de retours de façon significative. » Aija Kalnaja a ainsi communiqué un « chiffre record » de retours en 2022, avec « 21 000 retours de migrants, dont 12 659 retours forcés et plus de 7000 retours volontaires, contre 14 000 l’année dernière, soit une hausse de plus de 30 % alors que l’année 2022 n’est pas encore terminée. » Face à « une pression migratoire croissante et cela concerne l’ensemble des frontières de l’UE », la directrice exécutive de Frontex a rappelé que « les retours ont un rôle essentiel pour gérer les flux migratoires. Celles et ceux qui n’ont pas le droit de rester doivent retourner », tout en précisant que « le taux de retour ne dépasse pas 30 %, ce qui signifie que 70 % des migrants qui n’ont pas le droit de rester au sein de l’UE ne retournent pas dans leur pays. » D’après elle, « l’agence ne peut pas résoudre le problème seule », et compte donc sur les politiques mises en œuvre par les Etats-membres.

Frontex va continuer la surveillance aérienne de la Manche

À l’inverse, « parmi les frontières extérieures de l’UE, il en existe une toute particulière : celle de la Manche, où il s’agit plus d’empêcher les gens de sortir que de rentrer », a interpellé le sénateur de la Manche, Jean-Michel Houllegatte. Le sénateur PS entendait ainsi s’enquérir de la gestion par Frontex de cette frontière avec le Royaume-Uni régie par les accords du Touquet, alors que 27 personnes avaient péri en tentant de traverser la Manche il y a un peu moins d’un an. « Nous appuyons les autorités de gestion des frontières françaises au moyen d’une surveillance aérienne, et nous continuerons à le faire pendant l’année qui arrive », a précisé Aija Kalnaja, alors que la Manche constitue d’après elle, « la zone où on a la plus grande augmentation de la pression migratoire. »

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