Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Fusion TF1/M6 : « Il semble qu’elle ait du plomb dans l’aile »
Par Flora Sauvage
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Rien n’est joué. Lors de l’annonce des résultats de son groupe, mardi 26 juillet, Nicolas de Tavernost, le PDG de M6 a annoncé que le premier rapport rendu par les services de l’instruction de l’Autorité de la concurrence n’était « pas favorable » au projet de mariage entre TF1 et M6. Ce document, non public, pointe des « problèmes de concurrence significatifs », notamment dans le domaine de la publicité audiovisuelle. Un coup dur pour celui qui devait diriger le futur géant français de l’audiovisuel.
Une fusion face à la concurrence des plateformes
TF1, détenu par le groupe industriel Bouygues, et M6, propriété de RTL group, dont l’actionnaire majoritaire est l’allemand Bertelsmann, devaient fusionner d’ici la fin de l’année pour être mieux armés face à la concurrence des plateformes comme Netflix ou Disney +. Le rapprochement des deux premières chaînes privées conduirait à la création d’une entité dont les parts de marché publicitaires avoisineraient les 75 %. Le projet de fusion entre TF1 et M6 aboutirait ainsi à la création d’un géant national en position dominante que cela soit en termes d’audimat (41.5 %) ou de marché publicitaire (75 %).
Des plateformes « qui se rapprochent du modèle de la télévision »
Un chiffre bien « trop élevé » aux yeux du sénateur socialiste de Paris David Assouline et rapporteur de la commission d’enquête sur la concentration dans les médias. Au-delà de la question de l’influence de ce nouvel acteur, se pose la question du poids économique que représenterait cette entité, notamment en termes de publicité. Les deux groupes demandent à l’Autorité de la concurrence de considérer cette part de marché « en tenant compte de
la concurrence des plateformes sur le numérique
qui se rapprochent de plus en plus du modèle de la télévision », selon Gilles Pélisson, PDG de TF1.
La « survie » de TF1 et M6
Auditionné par la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias le 27 janvier dernier, Thomas Rabe, le PDG du groupe Bertelsmann, qui détient via RTL group 68 chaînes de télévision et 31 stations de radio, dont les françaises M6, W9, 6ter, Paris Première, Téva, Gulli, RFM TV, RTL, RTL2, ou encore Funradio, avait expliqué « Si nous ne rassemblons pas nos forces dans les pays européens, nous n’allons pas pouvoir - je ne dirais pas 'survivre' -, mais maintenir une position suffisamment forte ».
David Assouline « pas étonné »
« Je n’ai pas été surpris par la position de l’Autorité de la concurrence,
quand nous les avons auditionnés au sein de la commission d’enquête sur la concentration des médias, c’est ce qu’ils avaient laissé entrevoir », explique David Assouline, sénateur socialiste de Paris.
Avis définitif en octobre
Le chiffre d’affaires du nouvel ensemble issu de la fusion entre TF1 et M6 devrait atteindre 3.4 milliards d’euros. « Le potentiel de synergies devrait être compris dans une fourchette entre 250 et 350 millions d’euros annuels », estiment les sénateurs dans le rapport de la commission d’enquête sur la concentration des médias. Mais pour voir le jour, cette nouvelle entité est soumise à l’approbation de l’Autorité de la concurrence qui doit rendre son avis en octobre. Si elle donnait son accord, la fusion devrait intervenir avant la fin de l’année 2022, afin de pouvoir procéder dans les temps au renouvellement des licences TNT attendu en mai 2023.
Quel sera l’impact sur le marché publicitaire ?
Le rapport d’instruction de l’Autorité de la concurrence « a émis un avis défavorable sur un point central : celui de l’impact sur le marché publicitaire », affirme Laurent Lafon, président centriste de la commission de la culture. « On va voir si la fusion envisagée à l’origine a toujours un sens, car il semble qu’elle ait du plomb dans l’aile », estime Laurent Lafon. « Il faut écouter les deux acteurs, TF1 et M6, mais
pour l’instant ils n’ont pas fait preuve de beaucoup de clarté sur leurs intentions
en matière d’investissement technologique innovant », regrette le sénateur centriste du Val de Marne. Pour Laurent Lafon « quand on écoute les dirigeants de TF1 et M6, actuellement on ne perçoit pas à ce stade en quoi cette union aurait un intérêt réel ».
« Ils resteront des nains »
Même son de cloche au sein de l’opposition sénatoriale, « l’argument selon lequel TF1 et M6 jouent leur survie face aux plateformes telles que Netflix ou Amazon ne tient pas une seconde, qu’il y ait union ou pas, ils resteront des nains face aux grandes plateformes américaines », selon David Assouline.
Souveraineté culturelle
Auditionné devant la commission d’enquête sénatoriale sur la concentration des médias le 28 janvier dernier, le président du directoire du groupe M6 Nicolas de Tavernost, affirmait que ceux qui refuseraient la fusion feraient courir « un grand risque » à l’audiovisuel français. Devant les sénateurs le 14 février, le PDG de TF1 Gilles Pélisson avait assuré que le projet de fusion était « un modèle à même de garantir notre souveraineté culturelle ».
Déçu par le premier rapport de l’Autorité de la concurrence Gilles Pélisson regrette : « Le rêve que nous avons partagé (d’un champion français de l’audiovisuel) n’est pas forcément partagé à ce stade par l’analyse des services de l’Autorité de la concurrence ». « A partir de là, avant que le rêve ne devienne cauchemar, il est nécessaire qu’il y ait un instant de raison, de réveil, en se disant peut-être que mon rêve va s’arrêter là », a-t-il ajouté.
3 semaines pour proposer des contre arguments
TF1 et M6 ont désormais trois semaines pour remettre par écrit à l’Autorité de la concurrence leurs arguments pour défendre leur projet de fusion. Ce sera ensuite au collège de l’Autorité de prendre la décision finale. En cas d’échec, TF1 et M6 pourront toujours espérer que le ministre de l’économie Bruno le Maire décide de casser la décision de l’Autorité indépendante. Le code du commerce lui donne le pouvoir de statuer sur l’opération pour un motif d’intérêt général comme la compétitivité des entreprises au regard de la concurrence internationale.