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Gendarme tué à Mougins : « La multiplication des refus d’obtempérer est le résultat d’une dérive sociale »

Ce lundi, près de Cannes, un individu a refusé un contrôle en sortant de l'autoroute A8. Le véhicule a violemment percuté et tué un des membres du peloton motorisé de Mandelieu-La Napoule, un adjudant de 54 ans. Le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a précisé que le conducteur, interpellé quelques heures plus tard, est un "délinquant de la route" déjà connu pour "des refus d'obtempérer". Les sénateurs du département appellent à appliquer les lois déjà votées en la matière.
Steve Jourdin

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Un nouveau drame routier 

Les faits se sont déroulés lundi 26 août, aux alentours de 20 h 40, entre Mougins et Cannes dans les Alpes-Maritimes. Un individu à bord d’une BMW noire a refusé un contrôle en sortant de l’autoroute A8. Le véhicule a alors violemment percuté un des membres du peloton motorisé chargé de cette banale opération. La victime est l’adjudant Éric Comyn, âgé de 54 ans, marié et père de deux enfants. « Nous sommes dans l’effroi et la consternation » soupire la sénatrice du coin, Dominique Estrosi-Sassone. « Une fois de plus, une personne se sert de son véhicule comme d’une arme. Il y a un manque de respect de la parole des forces de l’ordre, à qui on refuse d’obéir ! »

Un important dispositif a tout de suite été mis en place par les forces de l’ordre pour retrouver le fuyard, qui a été interpellé à Cannes quelques heures plus tard. Selon Gérald Darmanin, l’homme est un « Capverdien en situation régulière », qui avait commis par le passé « de nombreux délits routiers, dont des refus d’obtempérer ». L’interpellation a eu lieu dans la nuit de lundi à mardi dans une rue de la ville, alors que l’homme était à pied et « semblait se rendre » au commissariat à proximité selon les premiers éléments de l’enquête. 

Un sentiment d’impunité ? 

« Il y a énormément de colère ! » affirme la sénatrice LR des Alpes-Maritimes, Alexandra Borchio Fontimp. « On a l’impression que l’histoire se répète inlassablement et que rien ne change. J’ai échangé avec un syndicat de forces de police pour leur adresser tout mon soutien. Ils ont l’impression que rien n’est fait du côté du gouvernement sur les refus d’obtempérer ». Selon le ministère de l’Intérieur, il y aurait en moyenne 25 000 refus d’obtempérer par an. « Ces chiffres sont inadmissibles, intolérables ! » fustige le sénateur LR Henri Leroy. « La justice et le Parlement en portent une responsabilité, nous devrions légiférer pour réprimer plus fortement le refus d’obtempérer qui peut couter la vie ». 

Par ailleurs, près d’un sur cinq est un délit « aggravé », c’est-à-dire qu’il expose « directement d’autres personnes à un risque de mort ou d’infirmité » selon le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). En moyenne sur la période 2012-2022, les refus d’obtempérer simples ont augmenté de 33,7 % et les refus d’obtempérer aggravés de 94,6 % selon un rapport parlementaire publié au mois de mai

« Il y a eu par le passé des années d’augmentation du nombre de refus d’obtempérer et on assiste désormais à une relative stabilité » concède Dominique Estrosi-Sassone. « Mais on ne peut pas s’en satisfaire, il faut que ce genre de délit diminue drastiquement. Celui qui a fait ça est un récidiviste, quelqu’un qui a déjà commis des délits routiers. Il y a un travail énorme à faire au niveau de la violence routière ». Aujourd’hui, le refus d’obtempérer est un délit mentionné à l’article L233-1 du Code de la route. Il est puni de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. « Ces peines ne sont en pratique jamais appliquées » regrette Alexandra Borchio Fontimp. « Il faut que le gouvernement se saisisse de ce dossier et fasse des annonces fortes. Le sujet est celui de l’applicabilité des peines. Aujourd’hui, pour un refus d’obtempérer classique, le délinquant s’en sort avec un simple retrait de points et une amende. Ce n’est pas du tout dissuasif ! »

La question de l’usage des armes par les forces de l’ordre  

Faut-il en pareil cas assouplir les conditions d’usage des armes à feu par les forces de l’ordre ? Après une mission d’information consacrée aux refus d’obtempérer, l’Assemblée Nationale, dans ses conclusions rendues au mois de mai, estime au contraire que la « loi Cazeneuve » de 2017 doit être mieux encadrée. Le député socialiste du Nord, Roger Vicot, a ainsi présenté une proposition de loi visant à réécrire l’article L435-1 du code de sécurité intérieure et à rappeler « qu’ouvrir le feu ne peut se faire qu’en cas de danger imminent et immédiat ». Autrement dit, l’idée est de rendre l’utilisation des armes plus difficile. Au Sénat, cette proposition ne fait pas l’unanimité : les élus estiment que la législation actuelle est adaptée mais regrettent qu’elle ne soit pas appliquée. 

« Les forces de l’ordre doivent être mieux armées, car elles sont aujourd’hui des proies faciles. Le problème est la chaîne pénale ! », selon Dominique Estrosi Sassone, alors que sa collègue Alexandra Borchio Fontimp demande une sanction exemplaire pour l’auteur du refus d’obtempérer de Mougins. Pour le sénateur Henri Leroy, le problème dépasse le cadre législatif. « La multiplication des refus d’obtempérer est le résultat d’une dérive sociale. Nous laissons tout faire, il n’y a plus d’autorité en France. Nous avons peur d’être sévères avec les gens qui ne respectent pas la règle sociale. Ça suffit, nous devons réagir ! »

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