Gilets jaunes : des cagnottes et des polémiques

Gilets jaunes : des cagnottes et des polémiques

Alors que les cagnottes en ligne fleurissent avec le mouvement des gilets jaunes, les polémiques se multiplient autour de ces collectes notamment après que Marlène Schiappa a demandé que les noms des donateurs de la cagnotte pour le boxeur Christophe Dettinger soient divulgués.
Public Sénat

Par Yann Quercia

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La guerre des cagnottes est-elle ouverte ? Dans la bataille de communication entre les gilets jaunes et le gouvernement, les cagnottes prennent une place de plus en plus importante. Mardi, la plateforme en ligne de collecte de dons, Leetchi, a annoncé avoir fermé la cagnotte de soutien à l’ancien boxeur Christophe Dettinger.

Une autre cagnotte agite aujourd’hui les réseaux sociaux. La cagnotte en ligne pour soutenir les membres des forces de l'ordre blessés lors des manifestations des « gilets jaunes » a dépassé les un million d’euros avec un peu plus de 37000 de participants. Cette initiative vient de l'élu Les Républicains Renaud Muselier en réponse à la levée de fonds lancée pour soutenir Christophe Dettinger.

Plus de 700 cagnottes ouvertes depuis le début du mouvement des « gilets jaunes »

Le principal site de cagnotte, Leetchi, compte aujourd’hui plus de 700 cagnottes correspondant à la recherche « gilets jaunes ». Les trois quarts de ces cagnottes ne comptent aucun participant. Près de 170 parviennent à récolter au minimum 0,01 centime. Il faut aller sur les deux premières pages de recherche, pour trouver les participations les plus importantes : « Soutiens aux gilets jaunes », « Gilets jaunes », « Quête pour les Gilets Jaunes condamnés », « Aides aux victimes de flashball ». De 200 euros à 10 000 euros de dons, ces collectes rassemblent entre 10 et 1000 participants.

Deux cagnottes se dégagent aujourd’hui : « Solidarité avec Fiorina » qui récolte près de 50000 euros. Elle a perdu l’usage de son œil à la suite d’un tir de Flashball durant la manifestation du 8 décembre à Paris. L’appel au don le plus populaire est la cagnotte en soutien aux policiers évoquée en début de cet article.

Marlène Schiappa veut des noms

La cagnotte organisée en soutien du boxeur a fermé mardi en milieu de journée mais continue de faire polémique. Avant sa clôture elle avait rassemblé plus de 117.000 euros de la part de plus de 8.000 personnes. Marlène Schiappa souhaitait mardi 8 décembre que soient rendus publics les noms des personnes ayant participé à cette collecte qu’elle accuse de complicité aux violences reprochées à Christophe Dettinger. Cette demande fait polémique sur les réseaux sociaux et soulève des interrogations juridiques.

Est-il possible de divulguer les noms des personnes ayant participé à cette cagnotte ? Selon Anthony Bem, avocat spécialisé en droit de l’internet, « Leetchi a les noms, prénoms, mails mais ne conserve pas les coordonnées bancaires. Je ne pense pas que leetchi ait intérêt à communiquer les coordonnées sauf dans le cas d’une procédure avec un fondement juridique. »

 Selon l'article 40 de la loi du 29 juillet 1881, il est en effet interdit « d'ouvrir ou d'annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d'indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, en matière criminelle et correctionnelle, sous peine de six mois d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ». La cagnotte n’a pas été ouverte officiellement par Christophe Dettinger et les fonds sont destinés à sa famille. « On ne peut donc pas condamner cette cagnotte » ajoute Anthony Bem et il confirme qu’il est impossible de révéler les noms des donateurs.

Interrogée ce matin sur France Inter, Marlène Schiappa a nuancé ses propos : « Je ne demande pas un tableur Excel des donateurs de cagnottes, ce n’est pas mon sujet. La question que j’ai posée c’est : qui finance les casseurs ? Des puissances étrangères ? La question n’est pas incongrue eu égard aux positions de responsables italiens. » Anthony Bem précise que, même en invoquant ce type de raisons, il n’est pas possible d’ouvrir une enquête pour cette cagnotte.

 

La cagnotte en soutien aux policiers alimentée par des robots?

Depuis hier, de nombreux internautes sont surpris par l’explosion des dons pour la cagnotte de soutien aux policiers. Un article est notamment beaucoup relayé sur Facebook et les réseaux sociaux. Il fait état de commentaires très ressemblants, d’activité de dons pendant la nuit qui sont inhabituelles ou encore d’une progression constante des dons. Beaucoup évoquent des dons qui pourraient être programmés et faits par des robots.

Face à ces polémiques, Leetchi a réagi ce matin par tweet : « En raison d’une forte affluence sur le site ces dernières 48h, le délai d’affichage des participations a pu être allongé sur l’ensemble des cagnottes. Les contributions impactées seront traitées graduellement et automatiquement dans les prochaines heures. »

 

Est-il possible que des « bots » alimentent cette cagnotte ? « Oui c’est totalement possible, c’est ce qu’on appelle de l’astrosurfing » estime Fabrice Epelboin, qui a donné plusieurs cours à Sciences Po Paris sur la disruption sociale et politique apportée par les réseaux sociaux. Ce phénomène d’astrosurfing désigne le fait de donner l’impression d’un phénomène de masse qui émerge sur internet, en réalité créé de toutes pièces pour influencer l’opinion publique.

Il ajoute : « À ma connaissance, c’est la première fois qu’une cagnotte politique grimpe aussi vite. Il y a peu de commentaires par rapport au montant des dons et ce n’est pas normal. De plus il y a beaucoup de commentaires qui sont redondants. » 

Il est très difficile de mener une enquête sans disposer des données de la cagnotte que possèdent Renaud Muselier et le site Leetchi. Interrogé par Public Sénat, un proche Renaud Muselier assure que l’équipe du Président de la Région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur a rencontré ce matin des membres de « leetchi » qui l'ont assuré du bon fonctionnement de la cagnotte. Il n’y a selon eux aucune activité liée à la présence de robots.

Hier, Eric Drouet a lancé sa propre collecte pour réunir des fonds pour aider les manifestants victimes de blessures. Il annonce qu’il vise le million d'euros avec cette cagnotte.

 

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