Gratuité des transports en commun : est-ce viable ?

Gratuité des transports en commun : est-ce viable ?

Les invités d’ « On va plus loin » réfléchissent à la faisabilité de la gratuité des transports à grande échelle, après l’annonce d’Anne Hidalgo  d’une réflexion sur ce sujet concernant Paris.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Le 19 mars dernier, Anne Hidalgo, maire de Paris annonçait le lancement d’une réflexion sur la gratuité des transports en commun à Paris.

Frédéric Héran, économiste spécialiste des transports, maître de conférences à l’université Lille 1, estime que la gratuité des transports en commun n’est pas souhaitable : « C’est une mesure incohérente (…) qui va avoir forcément des incidences sur toute la politique de déplacement de la ville de Paris ou des villes qui décident de cette mesure. Qui seront les nouveaux usagers des transports publics ? Et bien ce seront d’abord, toutes les études le montrent, des cyclistes, ensuite des piétons et très peu d’automobilistes. C’est ce que l’on constate. Cela veut dire clairement que cette mesure est une mesure anti cyclistes, anti piétons et très peu défavorable finalement à la voiture. »

Et si les transports en commun sont gratuits, qui va payer la part des usagers ? « Pas forcément le contribuable » répond Emmanuel Grégoire, adjoint à la Maire de Paris, chargé de la mission sur la gratuité des transports. « Aujourd’hui, [ce sont] les entreprises qui payent principalement. Donc on pourrait imaginer que les entreprises puissent augmenter leur contribution aux financements de transports en commun. Est-ce que c’est possible ? Oui. La vraie question (…) et l’étude devra permettre d’approfondir, c’est : Est-ce que c’est souhaitable, en réalité ? »

Et il ajoute concernant la gratuité : « [Elle]  n’est pas forcément pour tout le monde (…) On pourrait très bien imaginer que, notamment, les contribuables franciliens aient un accès gratuit aux transports et qu’en revanche, les utilisateurs ponctuels, je pense particulièrement aux touristes, puissent eux continuer à payer. »

 

Gratuité totale des transports =  une dégradation de sa qualité ?

 « Aujourd’hui, ce n’est pas la motivation économique qui conduit quelqu’un qui prend sa voiture à demain renoncer à sa voiture, pour prendre éventuellement les transports en commun » assure Claude Faucher, délégué général de l'UTP (Union des transports publics et ferroviaires).

« Ce qui fonde le report modal [report du trafic de passagers d’un mode de transport, vers un autre plus respectueux de l’environnement - NDLR], c’est la qualité de services dans les transports, qui permet au voyageur d’être assuré d’un temps de trajet toujours plus rapide, toujours plus fiable, que l’usage de sa voiture individuelle » dit-il. Au fond, Claude Faucher craint que la gratuité totale des transports entraîne une dégradation de sa qualité, faute de moyens financiers. « Qu’il puisse y avoir une gratuité pour les usagers les plus en difficultés financièrement, dans le cadre d’une tarification solidaire, cela peut se justifier. En revanche, la gratuité totale pour tous les usagers, nous paraît conduire à priver les transports de ressources qui sont utiles et nécessaires à leur développement » explique-t-il.

Pour Guy Le Bras, directeur général du GART (groupements des autorités responsables de transport), la question de savoir qui va payer les transports en commun s’ils sont gratuits, est une question « un peu simpliste » :« La gratuité existe déjà dans notre pays. Il y a une quinzaine de réseaux en dehors de l’Ile-de-France qui font la gratuité totale. Le problème est un problème de ressources (…) Aujourd’hui, les réseaux des grandes métropoles ne sont pas formatés pour pouvoir absorber ce supplément de fréquentation. Et donc de ce point de vue là, on ne peut pas se poser la question de la gratuité, avant de se poser la question de quelle offre, on va apporter aux voyageurs qui utilisent le réseau. C’est pour ça, qu’il n’y a pas de réponse simple à cette question. »

Et il ajoute : « Ce débat va avoir une vertu, c’est de faire comprendre enfin à nos concitoyens que les transports ont un coût et qu’en réalité, ils n’assument qu’une partie très faible de ce coût. En moyenne, au niveau national c’est 17% (…) Quand vous allez dans des capitales comme Londres, le voyageur paye 100% du prix des opérations. Et donc les abonnements sont incomparablement plus chers. »   

 

 

Vous pouvez voir et revoir le débat d’OVPL, en intégralité :

 

OVPL : Gratuité des transports en commun : est-ce viable ?
24:46

Dans la même thématique

Gratuité des transports en commun : est-ce viable ?
1min

Société

Récidive des criminels sexuels : le Sénat va lancer une mission d'information

La délégation aux droits des femmes du Sénat va entamer la rédaction d’un rapport sur la récidive des criminels sexuels. Initialement formulée par la sénatrice socialiste Laurence Rossignol et portée par son groupe politique, cette idée fait suite au viol puis au meurtre de Philippine par un homme déjà condamné pour viol.

Le

illustration camera de surveillance
7min

Société

Vidéosurveillance algorithmique : l’expérimentation pendant les JO, une simple étape vers la généralisation ?

L’exécutif a indiqué vouloir généraliser un dispositif controversé de vidéosurveillance algorithmique mis en place lors des Jeux Olympiques et dont l’expérimentation arrive à son terme le 31 mars 2025. Problème, cette annonce a été faite avant la remise du rapport d’un comité d’évaluation, inscrit dans la loi. Matignon a dû rétropédaler et précise qu’il attendra le rapport avant de se prononcer. Au Sénat, personne n’est dupe sur sa généralisation prochaine.

Le

Vidéo (2)
8min

Société

Dérives dans les crèches : au cœur de l’audition de Victor Castanet au Sénat, le rôle des élus locaux

Auditionné ce mercredi par les sénateurs après la publication de son livre sur les risques de maltraitance dans les crèches privées, Victor Castanet s’est longuement attardé sur les effets de bord du mode de financement mis en œuvre depuis une vingtaine d’années. Un système dont certains maires se sont accommodés pour rentrer dans leur budget, a expliqué le journaliste d’investigation. Mais ses propos ont aussi soulevé l’agacement de plusieurs parlementaires.

Le

CRECHE PEOPLE & BABY
3min

Société

Dérives dans les crèches : le Sénat lance une mission d’information flash

La commission des affaires sociales du Sénat va enquêter sur le contrôle des établissements d’accueil des jeunes enfants. Dans son dernier ouvrage, le journaliste d’investigation Victor Castanet fait état d’un système d’optimisation des coûts par certains grands groupes gestionnaires de crèches, pouvant entrainer des situations de maltraitance.

Le