Haine sur internet : comment changer la législation française ?

Haine sur internet : comment changer la législation française ?

Comment retirer plus rapidement les messages de haine sur la Toile ? Comment responsabiliser l’hébergeur d’un réseau social ? Le gouvernement vient d’esquisser les grandes lignes d’un plan  contre le racisme et l’antisémitisme qui s’inspire de mesures proposées par cinq associations.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Les réseaux sociaux ne sont « pas des espaces hors sol », « tout ce qui est publié « doit répondre aux lois de la République » a martelé Édouard Philippe ce lundi lors de la présentation du nouveau plan gouvernemental contre le racisme et l’antisémitisme (voir notre article).

Avant même de « proposer une initiative législative européenne », le Premier ministre annonce  vouloir changer « le cadre juridique (français) qui date des années 2000 » et qui fait « qu’aujourd’hui, il est plus facile de retirer une vidéo de retransmission en direct d’un match de football sur les réseaux sociaux qu’une atteinte antisémite ou raciste ».

Cette mission a été confiée à l'enseignant franco-algérien Karim Amellal, à la députée LREM Lætitia Avia et au vice-président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) Gil Taïeb.

Cinq associations ont déjà pris les devants. SOS Racisme, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), L'Union des étudiants juifs de France (UEJF), J'accuse ! et le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) ont transmis, il y a quelques jours, une petite dizaine de mesures pour lutter plus efficacement contre la diffusion de propos haineux sur internet.

L’obligation pour les hébergeurs d’avoir un « représentant physique » en France 

La première d’entre elles consiste à imposer aux hébergeurs non-établis sur le territoire français (Facebook, Twitter), l’obligation de désigner « un représentant local, une  personne physique, résidant sur le territoire français ». En effet, les associations notent  qu’en matière de contenus à caractère raciste, antisémite, négationniste ou discriminatoire, la loi du 29 juillet 1881 ne permet d’engager que la responsabilité de personnes physiques et non celle des personnes morales. « L’hébergeur est responsable du contenu, mais le problème, c’est que faute d’un représentant légal, on a du mal à faire appliquer la loi » relève Me Stéphane Lilti, avocat de l’UEJF.

De cette manière, la présence d’un représentant légal sur le territoire français permettrait de le tenir responsable sur le plan civil et pénal, faute de retrait d’un contenu manifestement illicite dans un délai raisonnable qui pourrait correspondre à 48H.

Faciliter la fermeture de comptes qui diffusent des messages de haine

Dans un second temps, l’État veut faciliter la  « fermeture des comptes ayant diffusé de manière massive et répétée » des messages de haine. Une mesure qui nécessite pour l’hébergeur « d’accomplir de meilleurs efforts pour recueillir et vérifier les éléments d’identification » notent les associations. Mais aussi, sous peine de sanction pénale, de fermer le compte « sans délai, dès lors qu’il apparaît que les éléments fournis ne permettent pas l’identification réelle et effective de l’auteur ».

Le gouvernement a également annoncé  qu’un dispositif de « pré-plainte en ligne » élargi aux discriminations, aux infractions de provocation à la discrimination, diffamation et injures racistes sera expérimenté au second semestre de cette année. « On étend au droit de la presse un dispositif qui existe déjà dans d’autres domaines. Par exemple, la « pré-plainte en ligne » existe déjà en matière de cambriolage » explique Me Stéphane Lilti. Actuellement, pour que la connaissance d’un fait litigieux soit présumée acquise par  un hébergeur, il faut qu’une lettre recommandée lui soit adressée.

« Ce plan de lutte  contre le racisme et l’antisémitisme n’épuise pas non plus la responsabilité des autres ministères en la matière » considère Dominique Sopo, président de SOS Racisme. « Le racisme ce n’est pas seulement désagréable à entendre, ça  a aussi des conséquences sur la vie des gens. Ça s’appelle la discrimination ». Raison pour laquelle, Dominique Sopo plaide, notamment, pour la mise en place d’un récépissé lors de contrôle d’identité, ou encore pour la création à Paris d’un espace sur la mémoire de l’esclavage.

Dans la même thématique

Trafic Jam in France for the holidays – A7, August 2023
6min

Société

Taxe sur les autoroutes : les sénateurs dénoncent le « chantage » des sociétés concessionnaires sur le prix des péages

Le ministre des Transports, Clément Beaune a annoncé une hausse des péages autoroutiers pour l’année prochaine « inférieure à 3 % ». Mais la taxe sur les concessions autoroutières et les aéroports, inscrite au projet de loi de finances pour 2024 pourrait bien se répercuter sur les usagers en 2025, même si le gouvernement assure du contraire.

Le

Haine sur internet : comment changer la législation française ?
6min

Société

Éducation à la vie sexuelle et affective : la ministre de l’Égalité femmes-hommes craint une « récupération politique »

Auditionnée ce 30 novembre par la délégation aux droits des femmes du Sénat, Bérangère Couillard a notamment été interrogée sur la mise en place de cours d’éducation à la vie sexuelle et affective dans les établissements. « Il va y avoir énormément de récupération de la part des plus conservateurs et des plus religieux », concède-t-elle, pour expliquer les lenteurs du gouvernement sur ce sujet.

Le

Haine sur internet : comment changer la législation française ?
4min

Société

Narcotrafic et biens mal acquis : « Consoles de jeux, robots de cuisine, vêtements de marque, chaussures de luxe… Le panel des saisies est très large »

La commission d’enquête parlementaire du Sénat sur les narcotrafics s’intéresse aux biens acquis avec l’argent de la drogue, sur lesquels la justice peine encore à mettre la main malgré des chiffres en augmentation d’une année à l’autre. Ce jeudi 30 novembre, les sénateurs auditionnaient des responsables de l’Agence de gestion de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (agrasc).

Le

Haine sur internet : comment changer la législation française ?
4min

Société

Fracture sociale : «On se demande aujourd’hui ce qui fait encore nation» 

Le 19 novembre a eu lieu la troisième édition des Rencontres du Grand Continent, cycle de conversations trimestrielles au Sénat, autour du thème « Dans un monde fracturé, les clefs pour comprendre l’embrasement français ». Après un discours d’introduction de Gérard Larcher, intellectuels et sénateurs se sont succédé pour tenter de poser un diagnostic sur la situation du pays

Le