Harcèlement scolaire : « Nos préconisations n’ont pas réellement été prises en compte », regrette la présidente d’une mission d’information sur le sujet

Harcèlement scolaire : « Nos préconisations n’ont pas réellement été prises en compte », regrette la présidente d’une mission d’information sur le sujet

Après le suicide d’un adolescent, la question du harcèlement scolaire revient de la manière la plus dramatique sur le devant de l’actualité. Au Sénat, une mission d’information avait remis ses préconisations il y a un an et demi. Deux de ses membres, Sabine Van Heghe (PS) et Colette Mélot (Les Indépendants) ont sollicité un rendez-vous avec Pap Ndiaye pour leur présenter leur rapport.
Simon Barbarit

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Faire du harcèlement scolaire « une grande cause nationale » pour la rentrée 2022-2023 était l’une des préconisations d’une mission d’information sénatoriale. Un peu plus d’un plus tard, un fait divers dramatique vient tristement justifier la préconisation. « C’est terrible, je suis très attristée et on ne peut malheureusement que répéter ce que nous disions à l’époque », note Colette Mélot, rapporteure (Les Indépendants) de la mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement.

Samedi dernier, Lucas, 13 ans, scolarisé au collège Louis-Armand de Golbey, s’est suicidé. Ses proches ont dénoncé « des faits de harcèlement commis par des élèves de son collège, en raison de son homosexualité, depuis plusieurs mois », a précisé le procureur de la République, Frédéric Nahon, dans un communiqué. Une enquête pour harcèlement sur mineur de moins de 15 ans a été ouverte.

Sur Twitter, le ministre de l’Education a fait part de son soutien « à tous les élèves comme lui harcelés : leur désespoir fonde ma détermination à empêcher toute forme de harcèlement. Aucun enfant ne doit trouver comme issue ultime le suicide », a-t-il martelé.

Mais depuis la remise du rapport du Sénat à son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, « nos préconisations n’ont pas réellement été prises en compte, ni mises en œuvre », déplore Sabine Van Heghe, la présidente socialiste de la mission. « Jean-Michel Blanquer ne l’a jamais évoqué. Nous avons sollicité un rendez-vous avec Pap Ndiaye pour lui faire part de nos recommandations dont certaines sont assez simples à mettre en place », indique la sénatrice socialiste.

« Pour que la parole de l’enfant se libère, il doit se sentir protéger »

Les sénateurs recommandaient par exemple un affichage systématique dans les établissements des numéros dédiés le 3018 et le 3020, une meilleure information des parents via les espaces numériques de travail, ou encore la mise en place de réunions sur le harcèlement à chaque début de trimestre. « Je suis régulièrement invitée dans collèges et lycées et je vois bien que l’affichage des numéros est rarement présent », constate Sabine Van Heghe.

A la rentrée 2021, le ministère avait généralisé le programme « pHARE » dans tous les établissements. Il prévoit la formation des professeurs, la mise en place de référents anti-harcèlement, la désignation d’ambassadeurs contre le harcèlement parmi les élèves et une journée nationale contre le harcèlement. « La sensibilisation se met en place doucement mais l’Education nationale est une machine assez lente à faire bouger », observe Colette Mélot.

Comme le souligne sa collègue socialiste, « la sensibilisation ne s’arrête pas au milieu scolaire. « Dans mon département du Pas de Calais, nous allons expérimenter en mars une cellule qui rassemblera les services du Préfet, le directeur départemental de la sûreté publique (DDSP), les acteurs du monde éducatif, les parents, pour aborder ce problème de façon concrète et sérieuse notamment en ce qui concerne le recueil de la parole des victimes. Pour que la parole de l’enfant se libère, il doit se sentir protégé ».

1 million d’enfants victimes chaque année

Comme le soulignait le rapport du Sénat, 6 à 10 % des élèves subiraient une forme de harcèlement lors de leur scolarité. 800 000 à 1 million d’enfants en seraient victimes, chaque année. En ce qui concerne le cyber harcèlement, le nombre de victimes de vidéos, photos et rumeurs humiliantes est passé de 4,1 % en 2015 à 9 % en 2018 (9,9 % des filles et 8,1 % des garçons), selon les chiffres de la Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO). 25 % des collégiens déclarent avoir connu au moins une atteinte via les nouvelles technologies, et 14 % des lycéens disent avoir fait l’objet d’une attaque sur internet. « Il n’y a plus aujourd’hui de harcèlement sans cyberharcèlement », rappelle Colette Mélot, évoquant « un continuum entre l’école et la sphère privée ».

« On demande déjà tellement de choses à l’Education nationale »

Rappelons que le volet répression a été renforcé l’année dernière par le vote d’une proposition de loi qui a un introduit un nouveau délit spécifique au harcèlement scolaire puni jusqu’à 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime harcelée. Lors de son examen au Sénat, les élus avaient préféré en faire une circonstance aggravante du délit général de harcèlement, déjà existant. « Ce nouveau délit est plutôt de l’ordre du symbole. Notre position était plus pragmatique » souligne Olivier Paccaud, le rapporteur LR du texte qui, comme ses collègues, insiste sur l’importance de la prévention. « On ne peut pas accuser l’Etat de ne pas bouger. Des choses ont été faites. Même s’il y a des trous dans la raquette dans le déploiement du programme « pHARES ». Certaines académies, départements, sont plus pro actifs que d’autres mais on demande déjà tellement de choses à l’Education nationale ».

Dans leur rapport les élus avaient défini le harcèlement comme la « stigmatisation de la différence et trop souvent la diffusion de préjugés sexistes, sexuels ou raciaux ». En septembre 2021, Dinah, élève de seconde, victime d’un harcèlement opéré par des jeunes filles côtoyées au collège à qui elle avait fait part de son homosexualité, avait, elle aussi, mis fin à ses jours.

Sur Twitter, la sénatrice écologiste, Mélanie Vogel souligne que « la lutte contre les discriminations, y compris fondées sur l’identité de genre et l’éducation sexuelle, l’acceptation de la diversité », servent aussi à éviter ces drames.

 

 

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