Incendie de Notre-Dame de Paris : trois ans plus tard, retour sur un chantier hors-normes et quelques polémiques

Une nuit de flammes et de larmes. Le 15 avril 2019, en fin de journée, la France entière, et avec elle une partie du monde, retient son souffle en regardant, impuissante, les flammes grignoter la toiture et la flèche de Notre-Dame de Paris. Le 16, vers 4 heures du matin et après 15 heures de lutte, les pompiers parviennent enfin à maîtriser l’incendie, mais « la forêt », c’est-à-dire la charpente de la nef, l’une des plus anciennes de France, avec des poutres provenant, pour certaines, de chênes plantés sous le règne de Charlemagne, a disparu. La flèche installée par Viollet-le-Duc au XIXe siècle s’est écroulée, et la voûte est perforée en trois endroits. Par miracle, la quasi-totalité des trésors enfermés à l’intérieur de la cathédrale, notamment la couronne d’épines du Christ, les clous de la crucifixion ou encore la chemise de Saint-Louis, n’ont pas été touchés.

Ce vendredi, le président de la République, en pleine campagne de réélection, se rendra sur le chantier de restauration pour commémorer le troisième anniversaire de cet incendie. L’occasion de faire un point d’étape sur la promesse qu’il avait adressé aux Français dans une allocution quelques heures après le drame, celle d’une reconstruction en cinq ans.

15 avril 2019 – Le soir même de l’incendie, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour « destruction involontaire par incendie » afin de déterminer les causes du sinistre. Deux mois plus tard, l’hypothèse criminelle est écartée au privilège d’un départ de feu accidentel : « dysfonctionnement du système électrique ou […] cigarette mal éteinte ». Ces conclusions aboutissent à l’ouverture d’une information judiciaire contre X pour « dégradations involontaires par incendie par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité ».

16 avril 2019 – Début des travaux de sécurisation et de consolidation de l’édifice. Débute un travail complexe et minutieux qui implique de faire le tri dans les débris afin d’identifier les vestiges qui doivent être préservés, et, dans certains cas, ceux qui pourront être réutilisés pour la reconstruction. En raison de l’instabilité de la cathédrale, les équipes font appel à des robots télécommandés.

17 avril 2019 – À l’issue d’un conseil des ministres, le général Jean-Louis Georgelin est chargé de superviser l’avancement des travaux de restauration, et de mener à bien l’engagement pris par Emmanuel Macron d’une reconstruction en cinq ans. La désignation d’un militaire pour remplir cette mission soulève un certain étonnement dans le monde de la culture.

23 avril 2019 – Début des travaux de bâchage de la cathédrale. Déployée en trois jours, cette phase des travaux de consolidation doit prémunir la cathédrale, désormais éventrée et ouverte aux quatre vents, des intempéries, notamment les infiltrations d’eau.

24 avril 2019 – Le projet de loi « pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet » arrive sur le bureau de l’Assemblée nationale. Il sera examiné au Sénat à parti du 13 mai, et définitivement adopté le 16 juillet 2019, malgré un désaccord entre le Palais Bourbon et le Palais du Luxembourg. Les sénateurs se sont opposés aux dérogations qui ont été mises en place au code du patrimoine afin, notamment, de tenir le calendrier voulu par le chef de l’Etat.

27 avril 2019 - Un communiqué de la préfecture recommande aux riverains de procéder à un nettoyage minutieux de leur intérieur, à l’aide de lingettes humides, pour éliminer les traces de plomb qui ont pu être déposés par l’incendie. Des interrogations se font jour sur les quantités de plomb qui ont été rejetées dans l’atmosphère par le sinistre. La flèche de Viollet-le-Duc en contenait 250 tonnes. Les 1 326 feuilles de plomb qui couvraient la charpente, réduite en un torrent de métal liquide par les flammes, pesaient quant à elles quelque 240 tonnes. La polémique rebondit le 4 juillet lors que Mediapart révèle que des taux de plomb jusqu’à 700 fois supérieurs au seuil autorisé ont été relevés à l’intérieur de la cathédrale et aux alentours par plusieurs laboratoires, sans être rendus publics.

8 juin 2020 – Début du démontage de l’échafaudage. Sans doute l’une des phases les plus délicates des opérations de sécurisation de l’édifice. Il s’agit de déboulonner les 40 000 pièces du gigantesque échafaudage installé autour de la croisée du transept, avant l’incendie, dans le cadre de travaux de rénovation de la flèche. La structure a été déformée par les très hautes températures du brasier, et menace, en cas d’écroulement, d’emporter une partie du gros œuvre avec elle. Cette opération a pris plus de quatre mois.

9 Juillet 2020 – Après une réunion de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture, le président de la République tranche pour une reconstruction à l’identique de la cathédrale. En évoquant au lendemain du drame la possibilité d’« un geste architectural contemporain », Emmanuel Macron avait ouvert une bataille des anciens et des modernes, entre les partisans d’une reconstruction de la flèche telle que Viollet-le-Duc l’avait imaginée, et ceux qui souhaitaient inscrire l’édifice dans le XXIe siècle.

30 septembre 2020 – Un rapport de la Cour des comptes épingle le manque de transparence dans la gestion des dons versés pour la restauration de l’édifice. Ce document s’étonne de voir des sommes qui devraient être consacrées à la conservation et à la reconstruction de la cathédrale être également utilisées pour couvrir les frais de fonctionnement de l’établissement public chargé de superviser cette restauration.

18 septembre 2021 – Les travaux de consolidation de l’édifice sont achevés. « La cathédrale est désormais entièrement sécurisée », annonce un communiqué de l’établissement public chargé de la conservation du monument. L’échafaudage qui enchâssait la croisée du transept au moment de l’incendie a été entièrement démonté, la nef déblayée et des cintres de bois posés sous les arcs-boutants.

22 septembre 2021 – Auditionné par la commission de la culture du Sénat, Jean-Louis Georgelin confirme une réouverture au culte en 2024 – la date du 16 avril a été évoquée à plusieurs reprises – mais se montre plus réservé sur l’accès aux touristes, dans la mesure où le monument restera sans doute encore en travaux de longs mois, voire plusieurs années. « Le calendrier, c’est la réouverture au culte et le fonctionnement de la cathédrale (en 2024) et évidemment, dans ce cadre-là, il faudra traiter l’accès provisoire à la cathédrale tant que les travaux définitifs n’auront pas été achevés. C’est un sujet mais je ne vais pas vous dire maintenant comment ça se fera », a-t-il déclaré. Toujours selon ce responsable, la somme des dons collectés pour la reconstruction atteint les 840 millions d’euros.

2 février 2022 – Des fouilles préventives sont lancées sous le dallage de la croisée du transept, avant que celui-ci ne soit recouvert d’une dalle de béton provisoire, destinée à supporter le poids de l’échafaudage qui permettra la reconstruction de la flèche et de la voûte.

16 mars 2022 – Sortie au cinéma de Notre-Dame brûle de Jean-Jacques Annaud. Le réalisateur de La Guerre du feu rend hommage aux pompiers qui ont sauvé la cathédrale dans ce film de facture hollywoodienne qui séquence, heure par heure, le déroulé de la catastrophe. Il mêle images d’archives filmées le soir de l’incendie, et scènes de fiction, notamment lorsqu’il s’agit de reconstituer l’écroulement de la flèche depuis l’intérieur de la cathédrale ou encore la « mission suicide » d’un petit groupe de pompiers pour empêcher les flammes de gagner les deux tours de la façade principale. La maire de Paris, Anne Hidalgo, y fait une brève apparition dans son propre rôle.

17 mars 2022 – Après deux ans d’investigation, l’enquête menée par la brigade criminelle de la direction centrale de la police judiciaire de Paris s’oriente vers la piste de l’accident, selon des informations du Parisien.

8 avril 2022 – Fin de la campagne de fouilles préventives sous la croisée du transept. Les recherches ont permis de mettre au jour un sarcophage de plomb anthropomorphe, possiblement antérieur au XIVe siècle, et d’en détecter un second. Des restes de l’ancien jubé de la cathédrale, sorte de muraille de pierre très ouvragée qui séparait, au Moyen Age, le chœur du reste de la nef, ont également été retrouvés, parmi lesquels des fragments de statues portant encore des traces de polychromie.