Inflation : le groupe communiste du Sénat souhaite une mission d’information

Inflation : le groupe communiste du Sénat souhaite une mission d’information

Michel-Edouard Leclerc a demandé, ce jeudi, aux parlementaires de mettre en place une commission d’enquête parlementaire pour se pencher sur ce qu’il considère être « des hausses de prix suspectes » de la part des industriels de l’agroalimentaire. Message reçu par le groupe communiste du Sénat qui demande de son côté « une mission d’information flash ».
Simon Barbarit

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En janvier dernier, auditionné par la commission des affaires économiques, Michel-Édouard Leclerc alertait les sénateurs. « On va vers une inflation de 4 % que nous ne pourrons pas faire absorber à nos 18 millions de consommateurs ». Le président du comité stratégique des centres commerciaux Leclerc justifiait sa prévision par la hausse des prix de l’énergie et des matières premières.

» Lire notre article. Pouvoir d’achat : « On va vers une inflation de 4 % », prévient Michel-Edouard Leclerc

« La moitié des hausses demandées ne sont pas transparentes et sont suspectes »

Depuis la guerre en Ukraine est passée par là et l’inflation se rapproche des 6 %. Mais pour Michel-Edouard Leclerc, « L’Ukraine a bon dos ». « La moitié des hausses demandées ne sont pas transparentes et sont suspectes », a-t-il relevé sur BFM.TV.

Exemple de l’absence de corrélation entre la guerre en Ukraine et l’inflation : « Les fabricants de produits à base de chocolat ou de cacao qui invoquent l’Ukraine pour une augmentation de 15 % de tarif sur les barres chocolatées ou la confiserie ». « Je parle de Nestlé. Je parle de Mars. Faut quand même pas déconner ! On est sur l’autre continent pour le cacao ! », s’est-il agacé.

« Michel-Édouard Leclerc est dans son rôle de chevalier blanc »

« Michel-Édouard Leclerc est dans son rôle de chevalier blanc de la défense du consommateur qu’il tient depuis 40 ans. Mais je n’aime pas trop qu’il stigmatise les industriels comme je n’aime pas trop quand on stigmatise Michel-Edouard Leclerc », reproche Sophie Primas (LR), la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat.

La proposition du patron des magasins Leclerc de mettre en place une commission d’enquête parlementaire « sur les origines de l’inflation, sur ce qui se passe sur le front des prix depuis les transports jusqu’aux consommateurs » a été saluée, à gauche, par le patron du PS, Olivier Faure. « Voilà ce que ça donne quand on invite un anarchiste d’extrême-gauche à la télé […] précision utile pour sa bonne réputation, il n’est pas Nupes », a-t-il ironisé sur Twitter.

« Michel-Édouard Leclerc a parfaitement raison. Il y a une partie de l’inflation qui est liée à la spéculation. On sait que certains achats sont faits un an à l’avance donc la guerre en Ukraine n’est pas la cause. Après deux ans de pandémie, certains industriels en ont profité », soutient Fabien Gay, vice-président communiste de la commission des affaires économiques du Sénat. Fabien Gay juge utile que le Sénat se saisisse du sujet alors que le Parlement s’apprête à examiner un projet de loi sur le pouvoir d’achat.

Pour cette raison, le groupe CRCE (Communiste républicain citoyen et Écologiste, par les voix de sa présidente, Éliane Assassi et celle de Fabien Gay, a officiellement demandé à la présidente de la commission des affaires économiques de la Haute assemblée, Sophie Primas (LR), de mettre en place « une mission d’information flash ». « Une commission d’enquête sur un sujet mondialisé comme celui-ci, ce n’est pas forcément approprié. Mais nous pourrions effectuer, dans les semaines qui viennent, une dizaine d’auditions, de Michel-Edouard Leclerc, de Bruno Le Maire, des industriels de l’agroalimentaire… Ça nous permettrait de nourrir nos amendements en vue de l’examen du projet de loi », explique le sénateur de Seine-Saint-Denis.

«Nous allons faire ce travail sérieusement et pas dans un esprit de coupeur de têtes »

« J’ai reçu la demande du groupe CRCE et nous sommes en train de voir avec les administrateurs comment nous allons nous organiser. Car nous avions prévu de mener des travaux sur les clés de ce mécanisme de l’inflation. Les déclarations de Michel-Edouard Leclerc ont un peu précipité les choses. Nous allons faire ce travail sérieusement et pas dans un esprit de coupeur de têtes », répond Sophie Primas.

Quant à l’opportunité de mettre en place une commission d’enquête ? « C’est exagéré. Il y a suffisamment d’intervenants dans la filière pour avoir un diagnostic correct. On va faire un premier tour de piste avec des auditions », explique la sénatrice.

Le médiatique représentant des magasins Leclerc a en effet dénoncé « une bêtise » du gouvernement qui face à la flambée des coûts de production liée à la guerre en Ukraine, avait appelé à mi-mars distributeurs et industriels de l’agroalimentaire à se remettre autour de la table. L’objectif était de revoir les contrats tout juste signés le 1er mars à l’issue des négociations commerciales de la mise en application de la loi Egalim 2 visant à œuvrer pour une « juste rémunération des agriculteurs ».

« Ça a donné une prime à la surenchère. Tous les industriels se sont dit : il faut faire passer les hausses […] Beaucoup de ces hausses sont des hausses d’anticipation voire de spéculation », a-t-il estimé avant de développer son propos : « Quand un fournisseur arrive avec ses factures, on lui demande la transparence. Je comprends que les petites entreprises soient fortement affectées par le prix du verre, de l’aluminium ».

Pour les plus petits que nous, on a du discernement et on (accepte) leurs hausses ». Sont dans son viseur, « les grandes entreprises internationales » qui sont arrivées « avec des factures de transports en augmentation de 15, 20, 30 %, notamment les prix des containers qui ont augmenté de 30 % » alors que « les sociétés de transport sortent des bénéfices par milliards l’année dernière », a-t-il rappelé.

« Les produits des marques nationales augmentent moins que ceux des marques distributeurs »

La sénatrice centriste, Anne-Catherine Loisier, membre du comité de suivi Egalim est circonspecte sur le constat fait par Michel-Edouard Leclerc. « Je ne comprends pas pourquoi Michel-Edouard Leclerc parle d’erreur du gouvernement au sujet des renégociations de mi-mars. Avec l’explosion du prix des intrants et des matières premières, il en allait de la survie de nombreuses entreprises françaises. Il n’y a pas de singularité française. Notre pays semble moins impacté que ses voisins par l’inflation. Enfin, je rappelle que les produits des marques nationales augmentent moins que ceux des marques distributeurs ».

 

Sur Twitter, le président du groupe PS du Sénat, Patrick Kanner indique que les élus de son groupe feront également des propositions en faveur « de la transparence et du contrôle de la hausse des prix qui impacte le pouvoir de vivre des Français ».

 

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