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Inondations : les alertes météo à l’épreuve du changement climatique

Les violentes pluies qui se sont abattues sur la France jeudi ont causé d’importants dégâts dans la vallée du Rhône. La ministre de la Transition écologique a indiqué que les outils de prévention des inondations avaient été « dépassés » par l’ampleur du phénomène. Un constat qui interroge sur les moyens accordés à Météo France et ses prévisionnistes.
Romain David

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Un épisode climatique d’une violence rare. Plus d’un millier de personnes ont dû être évacuées face aux pluies diluviennes qui se sont abattues jeudi dans le Centre-Est et le Sud-Est de l’Hexagone, mais sans qu’il y ait de victimes à déplorer à ce stade. Et ce notamment grâce aux efforts des services de secours, qui ont réalisé plus de 2 300 interventions, a indiqué le Premier ministre Michel Barnier, lors d’une visite du Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, aux côtés du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

Toute la journée d’hier, les préfectures ont été sur le pied de guerre avec des actions préventives dans les six départements placés en vigilance rouge pluie inondation par Météo-France : l’Ardèche, le Rhône, la Haute-Loire, la Loire, la Lozère et les Alpes-Maritimes. La préfecture de l’Ardèche a notamment utilisé pour la première fois, à quatre reprises, le système Fr-Alert, d’envoi de messages automatiques. Les SMS ont été reçus jusque dans le département voisin de la Drôme, pourtant épargné.

Malgré la mise en place d’un plan de prévention des risques renforcé en 2014, le centre-ville d’Annonay a été complètement submergé hier, avec des dégâts colossaux à la clef. Même constat à Givors et Limony, un peu plus au nord. « Tous les calculs, toutes les installations visant à prévenir l’inondation ont été dépassées par l’impact des précipitations », a reconnu Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique lors d’un point presse.

Inversement, l’alerte rouge dans les Alpes-Maritimes et les mesures de restriction qui en ont découlé, ont suscité quelques interrogations, alors que l’épisode pluvieux a été bien moins intense que prévu dans ce département. Sur France Bleu, le directeur de cabinet du préfet a reconnu que les mesures prises n’étaient « au final pas aussi justifiées ». « Le niveau de précipitations qui était annoncé a été nettement moindre, c’est pour ça avant tout qu’il y a moins de dégâts », a-t-il précisé. Et d’ajouter : « La météorologie n’est pas une science exacte, moi, je ne suis pas météorologue ».

Le coup de semonce de la ministre

Ces écarts d’un département à l’autre interrogent sur la pertinence des prévisions alors que ce type d’intempéries est appelé à devenir de plus en plus fréquent sous l’effet du réchauffement climatique. Auprès du site Actu.fr, le météorologue Romain Weber épingle le « manque de réactivité total » de Météo France et de la préfecture du Rhône, où la vigilance rouge crues n’a été déclenchée qu’en milieu de journée.

Sur BFM TV cette fois, Agnès Pannier-Runacher a mis les pieds dans le plat en soulevant la question du manque de moyens face à l’urgence climatique. « Il faut un budget qui soit à la hauteur de la situation et ce n’est pas le cas aujourd’hui », a-t-elle expliqué. « J’attends de la représentation nationale de se saisir de ce sujet, je ne sais pas s’il faut encore attendre des drames pour comprendre que c’est une absolue nécessité d’investir dans l’adaptation au changement climatique », a-t-elle martelé, allant jusqu’à évoquer une éventuelle démission si elle n’obtenait pas les moyens de son action.

« Il y a des choses qui sont fondamentalement difficiles à prévoir. Typiquement, c’est l’une des problématiques avec les épisodes de gros orages », nuance auprès de Public Sénat Frédéric Hourdin, modélisateur de climat et directeur de recherche au CNRS. « On sait qu’ils vont se produire, mais il est très compliqué de déterminer où ils vont tomber, sur cette vallée plutôt qu’une autre », explique-t-il. « Le réchauffement climatique ne change pas la nature des phénomènes auxquels nous faisons face, seulement leur intensité. Les modèles de prévision restent les mêmes. »

« Météo France est un très bel outil, mais avec plus d’argent on pourrait faire mieux »

Dans un rapport publié en 2021 sur Météo France, le Sénat alertait sur la baisse drastique des personnels et la suppression de plusieurs agences sur le territoire, alors que l’établissement public se trouve au sommet de la chaîne d’alerte, et que le changement climatique le place devant la double gageure de prévenir plus tôt et de manière plus fine ce type d’événement.

En dix ans, 600 postes ont été supprimés et la subvention de l’État a baissé de 20 %. Le nombre d’agences est passé de 115 à 39, Météo France misant de plus en plus sur l’automatisation des prévisions à l’attention du grand public. Un changement d’organisation à l’origine de plusieurs couacs ? Franceinfo revient notamment sur cette journée du 8 janvier 2024 : un épisode neigeux s’abat sur le pays, et pourtant, sur l’application Météo France, rien d’autre qu’un ciel couvert. Notons toutefois que les bulletins d’alerte continuent d’être gérés par des prévisionnistes.

« Après mon rapport, et au vu des évènements climatiques, il y a eu une stabilisation légèrement positive des crédits de Météo France », indique le sénateur centriste Vincent Capo-Canellas. « Il est évident que les derniers épisodes amènent à se reposer cette question du budget, en tenant compte de l’état de nos finances publiques. Nous disposons d’un très bel outil, mais avec plus d’argent on pourrait faire encore mieux. Donner des prévisions plus précises et plus tôt fait toujours partie du contrat d’objectif de Météo France ».

« Réorganiser des services frappés par une telle baisse d’effectifs, c’est extrêmement compliqué », pointe Frédéric Hourdin, qui est également membre du comité scientifique consultatif de Météo France. « Selon toute vraisemblance, ce ne sont pas les prévisions sur des événements comme celui que nous avons connu hier qui pourraient avoir été affectées, mais plutôt celles de petits phénomènes a fort impact régional, en haute montagne par exemple ».

En 2024, la subvention prévue par l’Etat pour Météo France s’élevait à 198 millions d’euros. Pour 2025, le projet de finances prévoit une légère augmentation de 3 millions d’euros, avec cinq équivalents temps plein supplémentaire (ETP).

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