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IVG : un rapport du Sénat pointe un accès inégal sur l’ensemble du territoire

Malgré la révision constitutionnelle qui a consacré la liberté des femmes à avoir recours à une IVG, son accès reste inégal pour les femmes selon leur département de résidence comme le constate une mission d’information du Sénat qui demande un renforcement du suivi de l’accès à l’IVG, par la mise en place d’indicateurs supervisés par les Agences régionales de Santé.
Simon Barbarit

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La mission flash du Sénat sur l’accès à l’IVG qui remettait son rapport mercredi trouve son origine dans les débats qui ont entouré son inscription dans la Constitution. Les sénateurs de la majorité sénatoriale de la droite et du centre, opposés à la révision constitutionnelle, craignaient qu’elle ne crée un droit opposable à l’IVG, en ce sens qu’elle conduirait une femme qui n’aurait pas eu accès à l’IVG pourrait entreprendre une action en justice.

« On a donc voulu vérifier s’il y avait un traitement égal des femmes dans l’accès à l’IVG en France. Même si pour ma part ça ne m’a pas empêché de voter la révision constitutionnelle », précise la sénatrice communiste, Cathy Apourceau-Polly co-auteure du rapport avec deux sénateurs qui ont voté contre la révision constitutionnelle, Alain Milon (LR) et Brigitte Devésa (centriste).

Tout d’abord, si le taux de recours à l’IVG est en hausse ces dernières années 243 600 en 2023 contre près de 234 000 en 2022 et 226 000 en 2019, l’impact de la loi de 2022 qui allonge les délais de 12 à 14 semaines d’aménorrhée (SA) reste marginal. « Les données hospitalières révèlent que près de 80 % des IVG réalisées en établissement de santé le sont à moins de 10 semaines d’aménorrhée […] La Drees estime la part des IVG réalisées au-delà de 14 SA en 2023 et bénéficiant, en conséquence, de l’allongement récent du délai légal, à 2,5 % ou 3 % des IVG hospitalières : 2 % dans l’Hexagone et 4 % dans les départements et régions d’Outre-mer », ont constaté les rapporteurs.

Comme les élus l’avaient présagé, l’accès à l’IVG n’en est pas moins inégal sur le territoire. L’une des explications se trouve dans le peu d’établissements susceptibles de réaliser une IVG tardive au-delà de 12 semaines. Les Agences régionales de santé n’ont pu identifier que 232 établissements contribuant à la réalisation des IVG à ce terme, soit environ 44 % des structures pratiquant cette activité. Les IVG médicamenteuses arrivent, elles, en tête des méthodes d’IVG et représentent ainsi 79 % de l’ensemble des IVG en 2023, contre 68 % en 2019 et 31 % en 2000.

Des zones éloignées de plus d’une heure d’une offre d’IVG

Le Code de santé publique prévoit « toute personne doit être informée sur les méthodes abortives et a le droit d’en choisir librement ». Or l’exercice de ce droit est limité dans la pratique. Une seule méthode est proposée dans certaines zones infrarégionales en Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Centre-Val de Loire, Grand Est, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Guadeloupe, Guyane et La Réunion.

Six ARS (Auvergne-Rhône-Alpes, Corse, Centre Val de Loire, Grand Est, Guadeloupe, Guyane) estiment, par ailleurs, que des zones de leur territoire régional sont éloignées de plus d’une heure d’une offre d’IVG. Les difficultés de transport associées s’avèrent particulièrement fortes pour les mineurs ou les populations précaires, en particulier en zone rurale, ainsi que dans certains territoires d’outre-mer. Les sénateurs demandent donc un renforcement du suivi de l’accès à l’IVG, par la mise en place d’indicateurs supervisés par les ARS comme distance entre le lieu de réalisation et le domicile de la patiente, le délai de réalisation, le libre choix de la méthode retenue etc…

92 % des IVG pratiquées à l’hôpital l’ont été dans le secteur public

Les sénateurs ont constaté une diminution de 27 % entre 2005 et 2021 de la part de l’hôpital dans l’activité d’IVG. Une baisse encore plus marquante pour les cliniques privées, En 2023, 92 % des IVG pratiquées à l’hôpital l’ont été dans le secteur public, 3,5 % dans le secteur privé non lucratif et 4,5 % dans le secteur privé lucratif. « Ce dernier représentait encore 39 % des IVG hospitalières en 2001 et 19 % en 2010 ».

L’une des recommandations du rapport vise à « rendre systématique l’ouverture de centres périnataux de proximité susceptibles de maintenir localement une offre hospitalière d’IVG en cas de fermeture de services de gynécologie-obstétrique ».

Si la part de la médecine de ville dans l’offre d’IVG a significativement progressé ces dernières années, elle demeure, elle aussi, très inégale d’un territoire à l’autre et ne repose que sur une faible minorité de professionnels de santé impliqués. Par exemple, en 2021, la médecine de ville représentait 10 % de la prise en charge de l’IVG dans les Pays de la Loire, contre 43,5 % en Provence-Alpes Côte d’Azur. Ces inégalités sont encore plus marquées par département, « en 2023, moins de 10 % des IVG ont été réalisées hors d’un établissement de santé dans l’Orne, la Creuse, la Sarthe ou la Haute-Vienne, alors que plus de 60 % d’entre elles étaient réalisées en ambulatoire dans les Hautes-Alpes et dans les Alpes-Maritimes, en Guadeloupe et en Guyane ».

C’est pourquoi le rapport préconise de fixer aux Agences régionales de santé « des objectifs de croissance du nombre de professionnels de ville contribuant à l’offre d’IVG médicamenteuse, et de favoriser l’accès des professionnels à une formation de qualité et simplifier les procédures de conventionnement.

Enfin, la mission d’information alerte sur « l’ampleur et l’audience des publications anti-avortement en ligne, ainsi que l’existence de sites internet de désinformation destinés à décourager le recours à une IVG ». Elle demande au gouvernement de conduire régulièrement des campagnes de communication grand public sur les modalités d’accès à l’IVG, sensibilisant les patientes au risque de désinformation en ligne.

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