N’allez pas lui dire que ce sont des vacances ! Depuis le début du confinement, ses journées sont à rallonge. Les matins, Sophie assure la classe à ses trois enfants, les après-midi, les mercredis et parfois une partie du week-end, elle prépare et corrige les devoirs de ses 26 élèves de CP. « Pour mes élèves, je me suis recentrée sur les fondamentaux, l’apprentissage de la lecture surtout. Au début, j’ai vu trop grand, je mettais de l’anglais, n’importe quoi ! »
Sophie garde le sourire. Elle enseigne dans une école élémentaire de Joinville-le-Pont, dans un quartier favorisé et elle en a conscience. « Concernant le suivi des devoirs, il n’y a pas de souci dans ma classe. Les parents sont très présents, personne n’est laissé de côté. Mais ce n’est pas le cas pour tout le monde. »
L’enseignante de 37 ans pense à ses collègues et aux enfants qui se trouvent dans des établissements en zone d’éducation prioritaire. « Deux mois sans classe pour ces enfants en REP, c’est énorme » affirme Sophie.
Une rentrée scolaire aux allures de garderie
La rentrée scolaire à partir du 11 mai, c’est sans doute pour ces enfants qu’elle a été programmée. Mais pour l’enseignante dans le Val-de-Marne, une autre raison a pesé dans la balance. « On a le sentiment qu’on remet les élèves à l’école pour que les parents puissent retourner travailler ». Mais elle balaie de suite l’idée évoquée par certains de ses collègues, qui se sentent sacrifiés sur l’autel de l’économie.
Pas du genre à s’appesantir, Sophie redoute surtout le casse-tête organisationnel entre la rentrée de ses élèves par petits groupes, et celles de ses trois enfants qui s‘échelonnent sur 3 semaines. Sans compter, le nombre d’incertitudes qui demeurent : la cantine sera-t-elle maintenue ? Combien d’élèves vont-ils venir effectivement en classe ? Que va-t-il se passer pour ceux qui ne reviennent pas dans les murs de l’école ? Faudra-t-il continuer à assurer l’école à distance ? Des questions qui restent pour l’heure sans réponse, malgré les nombreux mails envoyés par le recteur d’académie. « Tout le monde tâtonne et au niveau de la hiérarchie personne ne peut nous répondre pour le moment ».
Des gestes barrières : illusoire chez les plus petits
Une rentrée qui reste donc à préciser, mais qui n’effraie pas la professeure, pas stressée par une possible contamination du Covid 19. Elle connaît très bien la réalité d’une cour de récréation ou dans une salle de classe : « En CP, les enfants sont encore petits, c’est illusoire de penser qu’ils respecteront un mètre de distance entre eux ».
Une proximité qui va sans aucun doute favoriser la circulation du virus. La plus grande crainte de Sophie ? « J’ai peur d’un nouveau confinement en juillet/août car on aurait repris plus tôt. » L’enseignante sait qu’un second confinement pourrait être vécu comme un traumatisme par certains enfants, et stresser un peu plus des parents déjà inquiets.