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« Je n’ai jamais refusé de défendre quelqu’un… mais quelque chose, oui » confie Marie Dosé

Avocate au barreau de Paris, spécialisée dans les affaires pénales et à la tête de son propre cabinet, elle plaide aussi bien pour ceux qui sont accusés du pire (crime, terrorisme, viol…) que pour des victimes. Réputée pour l’énergie, la fougue et la passion qu’elle met à défendre ses clients, elle a beaucoup travaillé auprès des femmes et enfants de djihadistes, emprisonnés en Syrie. Cette semaine, Rebecca Fitoussi reçoit Marie Dosé dans l’émission d’entretien, Un monde, Un regard.
Stella Naville

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Marie Dosé est parvenue à faire condamner la France pour refus arbitraire de rapatrier les femmes et enfants de djihadistes, prisonniers dans des camps de détention en Syrie. Le Monde l’a surnommée « l’avocate du diable »…

Le combat de Marie Dosé

« J’ai été scandalisée par ce titre du Monde ». Marie Dosé ne tolère pas que ce qualificatif soit rattaché à des enfants. « Jusqu’alors, on n’avait jamais touché à l’enfance. L’enfance c’était l’innocence. Un enfant n’est pas responsable de ce que ses parents font. Alors, qu’un journal comme Le Monde choisisse un titre pareil, j’ai été outrée ».

“Garder la bonne distance”

Son attitude scandalisée face au titre du journal Le Monde en dit beaucoup sur la relation qu’entretient Marie Dosé avec ses clients. Pourtant, elle assure « garder la bonne distance » avec eux. « Quand une femme vous appelle de Syrie en vous expliquant que sa tente vient de brûler et que son enfant est blessé, évidemment que des liens se tissent. Mais j’ai toujours su me protéger. Je n’ai jamais considéré que mes clients étaient mes amis et que nous formions une grande famille. C’est aussi une façon de les respecter que d’établir une belle distance entre eux et moi ».

“Devoir se vendre”

La distance à instaurer avec les clients n’est pas la seule difficulté à laquelle Marie Dosé a dû faire face dans sa profession. Il y a également le rapport à l’argent. Issue d’une famille sans profession libérale, « cette culture de demander de l’argent » a été difficile pour l’avocate. « Les honoraires sont libres donc c’est très difficile. Ce sentiment de devoir se vendre, je n’aime pas ça. Du coup, j’ai beaucoup délégué sur ce plan du métier ». Il lui arrive même de défendre certaines personnes gratuitement. « Ça m’est arrivé de le faire avec des gens qui m’ont bouleversée, des gens qui n’avaient pas d’argent et qui ne pouvaient pas accéder à l’aide juridictionnelle ». Pour elle, c’est une façon de rester une avocate libre. A ce sujet, elle déclare : « Je n’ai jamais refusé de défendre quelqu’un, mais quelque chose, oui ».

La féminisation de la profession

Malgré les difficultés du métier, Marie Dosé sait sa chance d’être avocate. Une profession qui a longtemps été inaccessible pour les femmes. « Quand j’ai commencé, il y a 20 ans, les femmes étaient peu nombreuses. Je me souviens de cours d’assises avec six ou sept confrères et j’étais la seule femme ». L’avocate se rappelle des plaidoiries auxquelles elle assistait à ses débuts, lorsque la profession était encore essentiellement masculine. « C’étaient des plaidoiries emplies de citations, d’humour et d’intelligence. Une sorte de théâtre qui en disait beaucoup sur la défense mais peu sur celui qu’on défendait ». Selon Marie Dosé, la féminisation de la profession est positive puisqu’elle a transformé la plaidoirie. « Lorsque les femmes sont arrivées dans la profession, elles n’ont pas adopté le même style oratoire que les hommes. Elles ont été plus techniques, elles se sont davantage rendues en détention. Et puis, elles sont allées plus loin dans la personnalité de celles et ceux qu’elles défendaient. Résultat, aujourd’hui, je constate que ce sont les confrères qui commencent à plaider comme les consœurs ».

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