Première industrie culturelle mondiale, le jeu vidéo représente un chiffre d’affaires de 190 milliards d’euros. En France, le secteur pèse 6 milliards d’euros et 10 000 emplois directs pour 30 millions de joueurs réguliers. « On a 51 % de joueur homme et 49 % de femmes, donc, on est quasiment à la parité […] Dans la génération Z, pour la première fois, nous avons 55 % de filles pour 45 % d’hommes dans la génération des 16-30 ans », a expliqué Nicolas Vignolles, délégué général du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisir (SELL) auditionné par la délégation aux droits des femmes du Sénat.
La délégation organisait ce jeudi une première table ronde sur le jeu vidéo et le paradoxe qui marque cette industrie. Si les femmes sont désormais majoritaires parmi les utilisateurs, elles ne représentent que 20 % des effectifs du secteur. Une proportion qui tombe à 6 % dans les métiers techniques et 14 % dans les postes de direction, a rappelé la présidente de la délégation aux droits des femmes, Dominique Vérien.
Lors de cette table ronde, le dialogue a parfois viré à l’incompréhension entre les sénatrices de la délégation d’un côté, et de l’autre, Nicolas Vignolles, et Vanessa Kaplan, la déléguée générale du Syndicat national du jeu vidéo, également auditionné.
« Ça veut dire que l’hypersexualisation des personnages va s’atténuer »
Le patron du SELL a commencé à expliquer les raisons de la hausse de la pratique féminine du jeu vidéo. « Ça veut dire qu’il s’est passé quelque chose de souterrain mais de structurel. C’est-à-dire que la narration a attiré des jeunes filles, les environnements de jeux, les chats, n’ont pas dissuadé les jeunes filles […] C’est une super lueur d’espoir », s’est-il félicité avant d’imaginer à l’avenir une volonté de la part des éditeurs de jeux de s’adresser « au public majoritaire ». « Ça veut dire une narration plus complexe, qu’il y aura des héroïnes et pas que des héros, ça veut dire que l’hypersexualisation des personnages aussi bien masculin que féminin va s’atténuer, voir disparaître », imagine-t-il.
De quoi interpeller la sénatrice centriste Annick Billon. « Avec toutes ces filles qui jouent, vous avez senti le besoin de vous adapter. Ça veut dire qu’un certain nombre de stéréotypes, de dégradation de l’image de la femme ne les ont pas dissuadées », relève-t-elle.
« J’ai l’impression qu’on compare avec le porno »
Sa collègue, Olivia Richard (centriste), qui prépare un rapport sur le masculinisme, poursuit faisant un comparatif avec la pornographie, l’objet d’un précédent rapport de la délégation. « Ce n’est pas parce que les filles regardent du porno que le porno est plus light. C’est parce qu’on leur apprend à devenir des objets. Donc je ne suis pas sûr que le fait qu’elles jouent à des jeux vidéo contribue à les rendre plus égalitaires. Je pense que les jeux vidéo faits pour les filles sont plus roses donc on leur apprend que les filles sont roses. Ou alors elles sont hypersexualisées et on leur apprend que les filles sont des poupées »
« J’ai l’impression qu’on compare avec le porno alors qu’on est une industrie aussi respectable que le cinéma. On n’aurait pas idée de dire que les femmes ont adoré ce film parce qu’il y a du rose dans le film », a répondu Nicolas Vignolles. Il assure également que les enfants sont mieux protégés dans l’univers du jeu vidéo grâce à une modération accrue des propos y compris vocaux, que dans d’autres messageries numériques, type TikTok.
« C’est comme au cinéma. Il y a des jeux d’action, des jeux extrêmement poétiques, (ou) des types de jeux qu’on appelle des cosy games avec un rythme plus lent », tente, à son tour, Vanessa Kaplan qui a invité la sénatrice LR Marie Mercier, qui s’est inquiétée de la proportion de jeux violents, à visiter des studios français pour « parler aux gens » qui créent les jeux.
En attendant, la délégation se déplacera prochainement dans l’Yonne à Tonnerre visiter l’école de jeux vidéo, CREASUP Digital.