« Johnny Hallyday fait partie de ces héros français ». C’est en ces termes que le Président de la République Emmanuel Macron, a qualifié le chanteur quelques heures après l’annonce de son décès, mercredi 6 décembre. Des propos forts mais pas disproportionnés pour l’historienne Pascale Goetschel, qui voit en cette vision la triple dimension du personnage : « la dimension de star, la dimension de la familiarité et la dimension du peuple. C’est un héros populaire ». Une popularité conquise par le chanteur sur près de 50 ans.
Bien avant de devenir un « héros national », Johnny Hallyday est l’icône d'une génération dans les années 60. Il va incarner la génération « yéyé », chantant l’insouciance et la naïveté venue des États-Unis. Une culture juvénile parfois méprisée, qui au début des anées 60 vient chambouler des habtudes culturelles bien établies. Pour l’animateur et journaliste Jacky Jakubowicz, « à cette époque, Johnny ne fait pas encore appel à des paroliers comme Michel Berger ou Jean-Jacques Goldman, il fait des reprises venant des États-Unis. Il écoute beaucoup les chansons d’Elvis Presley, de Ricky Nelson comme « l’idole des jeunes . Il va ensuite les traduire en français et il va les chanter. Il y avait là un côté désuet ».
#IDLR - Le mariage de Sylvie et Johnny, "une mise en scène de la foule"
Un style musical qui renverse l'ordre établi, incarné par un jeune homme bien sous tous rapports.
Au lendemain de la guerre d’Algérie et à l’approche de mai 68, Johnny Hallyday, vedette adulée, bouscule la scène culturelle de l'époque, mais dans le même temps n'hésite pas à se faire filmer pendant son service militaire. La vedette se double de l'image d'un homme comme les autres. Une double casquette qui n’est pas anodine pour Jacky Jakubowicz : « son modèle c’est Elvis Presley et on a souvent vu Elvis en tenue de militaire. Je pense qu’il a dû penser à Elvis en se disant, tiens je veux faire moi aussi mon service ».
Jeune « homme parfait », Johnny se marie en 1965 avec Sylvie Vartan, là encore synthèse parfaite entre figure de la contestation et volonté de tradition. Son mariage très médiatisé, est célébré à la mairie de Loconville (oise), devant une horde de fans et de journalistes : « presque comme dans un concert » pour l’historienne Pascale Goetschel. Une popularité énorme, qui va se transformer au fil des années et qui va toucher petit à petit toutes les couches de la société.
Son engagement à droite
Soutient de Valéry Giscard d’Estaing en 1974, Johnny Hallyday apporte ensuite son soutien à Jacques Chirac lors d’un meeting en 1988 où il déclare sur scène : « nous avons tous quelque chose en nous de Jacques Chirac ». Mais résumer Johnny Hallyday à la seule famille politique de la droite serait trop rapide. En 1991, le chanteur participe à la Fête de l'Huma organisée par le parti communiste français, sur la pelouse du parc de la Courneuve, le public scande des « Johnny, Johnny » au moment où le secrétaire national du parti monte sur scène.
Dès lors, plusieurs politiques font alors appel à l’artiste. Pour l’historienne Pascale Goetschel, la raison est simple : « Johnny Hallyday est un chanteur populaire, il apporte la popularité ». Tous, à droite comme à gauche, veulent avoir à leurs côtés cette figure appréciée des Français.
#IDLR - Dans les années 90, les intellectuels commencent à considérer Johnny
Johnny est devenu plus qu’un simple chanteur et dans les années 90, il est désormais perçu comme une icône y compris par les élites. Pour l’historienne Pascale Goetschel, « ce n’est pas Johnny Hallyday qui a changé, c’est le positionnement des intellectuels. Pendant très longtemps, certains intellectuels se sont défiés de Johnny Hallyday et de la génération yéyé. Dans les années 90, il y a l’idée qu’il incarne une forme de peuple au moment où l’on réfléchit beaucoup sur le peuple et de ce qu’on peut en faire politiquement. C’est là qu’il y a une vraie inversion ».
Mais le réel tournant s’opère dans les années 2000. Le 14 juillet 2009, le jour de la fête nationale, Johnny Hallyday donne un concert au pied de la Tour Eiffel. Près d’un million de personnes s’entassent sur le Champ-de-Mars pour écouter les chansons de l’artiste. Cet acte le fait basculer au rang d’icône nationale. Un héros auquel on fera appel lors de la commémoration en janvier 2016 des attentats parisiens survenus en 2015. Pour Jacky Jakubowicz, « je pense qu’il n’y a que lui qui pouvait y chanter ». Aujourd’hui, l'animateur en est certain, « Johnny Hallyday a sa place au Panthéon. Au niveau populaire il est l’égal de Malraux, d’Hugo. Je pense qu’il y a plus de gens qui connaissent Johnny Hallyday que Malraux ».
Retrouvez l'intégralité de l'émission présentée par Fabrice d'Almeida, samedi à 8h30 et 15h30, dimanche à 12h et lundi à 23h.