« Restaurer l’autorité », c’est l’un des objectifs du texte adopté ce 13 février à l’Assemblée nationale, visant à durcir la justice des mineurs. Défendue par Gabriel Attal, chef de file des députés Ensemble pour la République, la proposition de loi acte notamment la création d’une procédure de comparution immédiate et des dérogations à l’excuse de minorité.
Pensé en réponse aux émeutes de l’été 2023, après la mort du jeune Nahel tué par un policier à Nanterre, le texte a été adopté dans un contexte marqué par un nouveau drame : le meurtre d’Elias, 14 ans, poignardé à Paris à la fin du mois de janvier. Les deux adolescents interpellés pour les faits sont déjà connus de la justice, tous deux doivent comparaître en juin prochain devant le tribunal des mineurs pour des faits de vol avec violence.
Un texte qui « s’appuie sur des demandes de magistrats et d’avocats », défend Eléonore Caroit
« Nous légiférons sous le coup de l’émotion », constate Fabien Gay, sur le plateau de Parlement Hebdo. « Il faut s’appuyer sur les faits et pas les ressentis », juge le sénateur communiste qui rappelle que « depuis dix ans, la part des mineurs dans les crimes et délits diminue en pourcentage et en nombre ». Selon les données des ministères de l’Intérieur et de la Justice, la part des crimes et délits commis par les mineurs est en effet passée de 21 % en 1999 à 12 % en 2023.
De son côté, Eléonore Caroit défend une proposition de loi « attendue par les Françaises et les Français ». « Ça fait un an qu’elle est en préparation, elle s’appuie sur des demandes de magistrats et d’avocats. Ce n’est pas un texte général qui remet en cause le droit fondamental des enfants à être jugé différemment », estime la députée Ensemble pour la République.
Parmi les propositions les plus polémiques du texte : la création de dérogations à l’excuse de minorité. Le principe, qui établit dans le droit qu’un mineur doit être moins sévèrement puni qu’un majeur pour la même infraction, pourra en effet être contourné pour les mineurs à partir de 16 ans. Une mesure qui vise précisément « les mineurs les plus âgés qui sont récidivistes », explique Eléonore Caroit.
« À courir après l’extrême droite, elle nous avalera toutes et tous », alerte Fabien Gay
À l’Assemblée, la gauche, qui a rejeté le texte de Gabriel Attal, a accusé les partis du socle commun de faire le jeu du Rassemblement national. « À courir après l’extrême droite, qui se réjouit du texte et dit que c’est encore une victoire idéologique, elle nous avalera toutes et tous », averti Fabien Gay. « C’est important de faire la part des choses et de ne pas rentrer dans un débat politicien », défend au contraire Eléonore Caroit.
Autre reproche fait au texte par l’opposition de gauche : l’absence de mesures pour renforcer le budget de la justice des mineurs. « Vous avez des ambitions, il faut donner des moyens à la protection judiciaire de la jeunesse, mais ensuite les faits vous donnent tort. Tous les acteurs de terrain voient bien que les moyens diminuent », dénonce Fabien Gay. Un reproche qu’Eléonore Caroit rejette en bloc : « Je suis particulièrement choquée d’entendre les partis de gauche, qui se sont opposés l’an dernier à la loi de programmation qui augmente de façon historique les moyens de la justice, dire que ce texte n’est pas nécessaire. »
Le texte doit désormais être examiné au Sénat le 25 mars prochain, il pourrait alors intégrer des dispositions encore plus musclées. Dans une interview au Parisien, le garde des Sceaux Gérald Darmanin souhaite ainsi l’introduction de jurés populaires dans la justice des mineurs, ou encore le renfort du recours au port du bracelet électronique.