Justice morte : « On va remplacer les juges par des robots »
Avocats, magistrats, greffiers étaient réunis, ce mercredi, place du Châtelet pour une manifestation nationale contre le projet de loi de programmation de la justice. Ils dénoncent la mise en place d’une justice numérique au détriment d’une justice de proximité.

Justice morte : « On va remplacer les juges par des robots »

Avocats, magistrats, greffiers étaient réunis, ce mercredi, place du Châtelet pour une manifestation nationale contre le projet de loi de programmation de la justice. Ils dénoncent la mise en place d’une justice numérique au détriment d’une justice de proximité.
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13H, ce mercredi, ils ne sont à cet instant qu’une petite centaine devant le square de la Tour Saint-Jacques à quelques pas du Palais de justice de Paris. En robe, le sifflet à la bouche, brandissant des pancartes « RIP la justice de proximité », ils sont bien déterminés à faire entendre leur voix en quittant les prétoires pour une journée « justice morte »,  une semaine avant la présentation du projet de réforme en Conseil des ministres.

« La justice du numérique, ce n’est pas fait pour la justice du quotidien »

Un vieil homme pousse son caddie et tente de se frayer un chemin sur le trottoir. « Pourquoi ils manifestent eux, ils ont plein de fric ? » grommelle-t-il. C’est exactement ce genre de réactions que craignent ces professionnels du droit venus battre le pavé le temps d’un après-midi. « Aujourd’hui nous sommes tous ensemble, nous venons de toute la France pour que les gens prennent conscience que ce n’est pas simplement une manifestation corporatiste qui a pour but de défendre nos intérêts privés, nos revenus, etc… Ce n’est pas du tout ça. C’est vraiment contre cette réforme de la justice. Au nom de toutes les personnes qui peuvent être touchées par la justice, et Dieu sait qu’elles sont nombreuses » explique Muriel Palombieri, avocate au barreau de Melun. « La justice du numérique c’est bien. C’est sans doute le progrès mais ce n’est pas fait pour la justice du quotidien et il y a un tas de gens qui vont se retrouver exclus pour des raisons financières et géographiques » se désole l’ancien bâtonnier de Béthune, Philippe Hermary.

« On n’imagine pas les gens les plus modestes payer 50 euros pour faire une médiation avant de saisir un juge »

Principal sujet d’inquiétude des manifestants, la mise en place de plateformes privées de médiation pour les petits litiges. « On va remplacer les juges par des robots, par des ordinateurs » s’insurge Muriel Palombieri. Violaine Papi, avocate au barreau d’Essonne, complète : « L’accès du justiciable au juge va être réduit de façon drastique par cette médiation préalable obligatoire qui serait confiée à des organismes privés, payant. On n’imagine pas les gens les plus modestes payer 50 euros pour faire une médiation avant de saisir un juge. Alors qu’actuellement l’accès au juge est gratuit. C’est un principe fondamental ».

 « Réduire les coûts en limitant l’accès à la Justice »

Et si Nicole Belloubet  assurait cet automne qu’aucun lieu de justice ne serait fermé, le texte prévoit pourtant la fusion des tribunaux d’instance et de grande instance. « Dans les rares consultations qu’il y a eues, il n’a jamais été question de supprimer le juge d’instance. Ça nous est tombé dessus comme ça » rapporte Mariette Vinas, première vice-présidente du tribunal de grande instance de Rouen, et membre de l’USM. « Le juge d’instance. C’est le juge des personnes expulsées qui ne payent pas leur loyer. C’est le juge du surendettement (…) Ce juge-là, il a une connaissance des familles en difficultés. Il est accessible avec une procédure simple, sans frais et on le supprime » s’insurge la magistrate pour qui la seule logique de la réforme se résume à une volonté «  de réduire les coûts en limitant l’accès à la Justice ».

Création de tribunaux criminels départementaux

En matière pénale, le gouvernement souhaite accélérer les procédures en désengorgeant les Cours d’assises. Des nouveaux tribunaux criminels départementaux seraient ainsi créés pour les crimes passibles de 15 à 20 ans de prison. Les jurés populaires y seraient remplacés par des magistrats professionnels. « Nous sommes très attachés à la Cour d’assises qui est une justice de qualité et qui implique les citoyens (…) On prend le temps de juger parce qu’on a affaire à ce que le législateur estime être les crimes les plus graves. Et venir mettre une gradation dans des faits qui sont déjà graves…. Là aussi c’est un recul assez important. Et ce n’est pas en jugeant plus rapidement qu’on a une justice de qualité » déplore Violaine Papi.

En milieu d’après-midi, ils étaient des milliers de manifestants à avoir quitté la place du Châtelet pour rejoindre la rue de la Paix, non loin du ministère de la Justice.

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