Se préparer à tout, y compris au pire. L’Union européenne a présenté mercredi sa nouvelle stratégie de préparation des pays et citoyens en cas de crise. L’institution bruxelloise conseille notamment aux d’Etats membres d’inciter leurs citoyens à préparer un kit de survie, ou plutôt « sac de résilience », contenant tout ce qu’il faut pour tenir pendant 72 heures en « autosuffisance », en cas de crise grave ou majeure : catastrophes naturelles, comme les inondations, cyberattaques, manipulation de l’information par une puissance étrangère, sabotage, mais aussi conflit armé, autrement dit en cas de guerre… Le document parle explicitement de la guerre en Ukraine pour décrire le contexte.
« Etre prêt, finalement à tout, devrait devenir une nouvelle façon de vivre, avec sérénité »
Dans une vidéo publiée sur X, la commissaire européenne à la préparation et à la gestion de crise, la belge Hadja Lahbib, explique, sur un ton léger, quoi mettre dans son sac spécial survie : eau, nourriture comme des barres de céréales ou conserves, ses médicaments, ses lunettes si on en a, une lampe de poche, une radio grandes ondes à piles, une copie des documents d’identité et bien sûr, un couteau suisse.
La Suède, qui édite déjà un manuel, a servi d’exemple. « On a le manuel de survie publié en Suède. On s’en est inspiré », a expliqué Hadja Lahbib, lors d’une conférence de presse. Elle explique aussi être « allée beaucoup en Ukraine pour voir ce qu’ils faisaient, car ils sont en avant-poste de la créativité » dans le domaine, comme ces « applications pour savoir ce qui approche dans le ciel : un drone, un missile longue portée. Faut-il aller se protéger dans un abri ou simplement se protéger sous une table ? »
On n’en est pourtant pas là, du moins en France. N’y a-t-il pas de quoi inquiéter les populations un peu vite ? « Être conscient des dangers, c’est le contraire des mouvements de panique. C’est éviter la panique, les gestes irrationnels, comme on a vu pendant la pandémie. Souvenez-vous, les gens qui se ruaient sur les magasins, pour acheter du papier toilette. […] Etre préparé, savoir ce qu’il peut se passer, être prêt, finalement à tout, devrait devenir une nouvelle façon de vivre, avec sérénité », soutient la commissaire européenne à la gestion de crise.
« C’est le rôle d’un gouvernement de permettre aux gens d’être résilient, si jamais il n’y a plus de courant, plus d’eau, plus de système bancaire »
L’initiative européenne est bien accueillie au Sénat. « L’idée, c’est de travailler sur la résilience, un peu sur le modèle suédois, qui permet d’anticiper les situations », salue le sénateur LR Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. « L’idée, c’est de le faire de manière équilibrée. Le but n’est pas de faire peur aux gens mais potentiellement, il peut y avoir des situations délicates et ce n’est pas nécessaire d’attendre qu’il y en ait, car ce sera trop tard. Entre 2012 et 2022, les Ukrainiens se sont beaucoup préparés à tout ça. Et ça leur a beaucoup servi, dans une optique de résistance passive », souligne le sénateur LR.
« Se préparer à toute éventualité, c’est toujours salutaire », réagit pour sa part Olivier Cadic, vice-président de la commission des affaires étrangères et sénateur représentant les Français établis hors de France, « c’est le rôle d’un gouvernement de permettre aux gens d’être résilients, si jamais il n’y a plus de courant, plus d’eau, plus de système bancaire, en cas d’attaque cyber ». « On peut avoir une crise par une attaque cyber, c’est une évidence. On a eu 30 hôpitaux dont l’activité a été interrompue du fait d’une cyber attaque ces deux dernières années. Si ce n’est pas des actes de guerre, qu’est-ce que c’est ? » demande Olivier Cadic, qui a présidé la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la résilience des infrastructures critiques et au renforcement de la cybersécurité, adopté en mars par le Sénat. « Quand une population est préparée, elle n’est pas en mode panique », ajoute le sénateur du groupe Union centriste, qui soutient que « si on est informé par avance, on sait comment réagir ».
Un livret pour « aider la population à mieux se préparer pour tout ce qui peut arriver »
Lors du débat sur l’Ukraine, le 4 mars dernier, au Sénat, Olivier Cadic, a amené avec lui, à la tribune, le fameux livret suédois, qui a même été édité en français. « Il est destiné à aider la population à mieux se préparer pour tout ce qui peut arriver », expliquait le sénateur, qui l’avait remis au premier ministre François Bayrou, l’appelant à s’en « inspirer ». Le gouvernement a justement, dans ses cartons, un projet de livret de ce type. « Il semblerait que cette idée fasse son chemin. Le gouvernement a annoncé qu’il envisageait aussi de proposer un livret. Ça me semble très pertinent », salue Olivier Cadic. « D’un point de vue de la résilience, la prise de conscience potentielle de difficultés, par la distribution de ce petit livret, me semble une bonne chose », salue également Cédric Perrin.
Conçu « en toute discrétion » depuis quelques mois, selon Libération, par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SDGSN), dans le cadre de la stratégie nationale de résilience lancée après la crise du Covid, le livret dans sa version française fera une trentaine de pages et devrait être dévoilé au printemps. La guerre et les attaques terroristes n’y seraient en revanche pas évoquées, selon le quotidien.
De « grands entrepôts » ou « le métro » comme abris
La résilience et la préparation aux situations de crise comporte de multiples volets. Le plan de la commission européenne incite aussi les Etats membres à répertorier tous les abris possibles… Certains pays sont bien dotés, du fait de l’histoire, d’autres moins. Pour trouver des solutions, « on conseille les collaborations entre entreprises publiques et entreprises privées. Car de grands entrepôts d’entreprises privées, peuvent peut-être, demain, aussi servir d’abris. On peut aussi concevoir le métro, demain, comme de potentiels abris. On l’a vu dans des pays en situation de guerre », souligne la commissaire Hadha Lahbib. Les stations de métro étaient en effet utilisées comme abris, pendant la Seconde guerre mondiale, à Paris et à Londres.