L’école, plus qu’un simple vecteur de connaissances ?

L’école, plus qu’un simple vecteur de connaissances ?

Souvent interrogée sur son organisation, la qualité de ses enseignants, ses modes d'évaluation, l’école est aujourd’hui sollicitée sur la question des savoirs enseignés et sur la façon de les diffuser.La première mission de l'école est en apparence de transmettre des savoirs, mais de quels savoirs s'agit-il exactement ? L’école, et les professeurs ont-ils vocation à éduquer les élèves ou leur mission est-elle bien plus vaste : leur faire découvrir le monde, l’art et les autres ?
Public Sénat

Par Amélia Morghadi

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En matière d’éducation, la question de la transmission des savoirs divise. Entre expérimentations artistiques utilisation des outils numériques, sorties pédagogiques et retour aux fondamentaux, les opinions sont partagées. Pour Emmanuel Vaillant, journaliste et auteur du livre optimiste « Bonnes nouvelles à l’école »  (Ed. Lattes) : « Il y a un débat, souvent caricaturé, entre ceux qui pensent que la primauté va aux savoirs, que-les enfants sont les réceptacles de ces savoirs […] et de l’autre il y a un courant dit « pédagogiste » qui dit que la prime est à la transmission »  . Sauf que dans la réalité, la situation apparaît bien plus nuancée. Si les avis divergent quant à l’application des différentes méthodes, la majorité des professeurs s’accordent à dire qu’une réflexion sur les modes de transmissions est primordiale, et que la pédagogie joue un rôle essentiel dans l’assimilation des savoirs, même de base.

Le rôle de l’enseignant

Le rôle du professeur au sein de l’école est également au cœur du questionnement sur l’éducation. Là où certains restent sur la vision du percepteur présent pour inculquer des connaissances, d’autres lui accordent une mission bien plus grande. « Le rôle d’un enseignant c’est de passer de la matière, d’être un passeur» selon Jean-Noël Robert, historien et latiniste.

Au-delà du simple enseignement, la pédagogie semble être au cœur des missions du professeur, qui doit aider ses élèves à évoluer dans une société en mutation. « Il faut que l’école soit un lieu particulier, un lieu de ralentissement par rapport au brouhaha et à la rapidité de la société, mais il faut aussi créer des porosités avec l’extérieur » . Il y a une « transformation du rôle de l’enseignant, ce n’est plus juste un pourvoyeur de savoirs c’est aussi celui qui sait savoir, qui sait orienter l’enfant vers les questionnements » comme le souligne Emmanuel Vaillant. Enseigner ne serait alors pas seulement dispenser des savoirs académiques, mais aussi participer à l’éveil et l’ouverture des élèves.

Emmanuel Vaillant: "Il y a une transformation du rôle de l'enseignant"
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Un système scolaire trop formaté ?

« Aujourd’hui la question d’apprendre, de rentrer dans les apprentissages, ne va pas de soi […] il y a une part non négligeable d’élèves qui se disent –Qu’est-ce que je fais à l’école ?- ». Comme en témoigne Emmanuelle Vaillant dans son livre, sous-titré « Ces profs transforment l’éducation nationale et vous ne le savez pas », il existe un réel besoin de redéfinition des objectifs de l’école pour les adapter aux élèves.

Pour Muriel Epstein, enseignante chercheuse à Paris 1 Panthéon Sorbonne et spécialiste de politique éducative, bien que les expérimentations autour de la diffusion de savoirs à la marge, comme la musique, la danse, ou les arts plastiques soient primordiales pour le développement des élèves, l’aspect ludique ne doit pas prendre le pas sur l’enseignement. L’important est d’être exigeant dans ce genre d’expérience pour que l’exercice ne soit pas perçu comme du jeu.

D’autre part les structures conventionnelles sont parfois mieux adaptées, notamment pour les enfants en difficulté. « On observe souvent que ce qui est recherché par des élèves hors du cadre c’est le modèle standard ». Il est donc important que l’éducation nationale laisse une certaine souplesse dans le but de permettre d’adapter les programmes et les enseignements au cas par cas.

Didier Lockwood: "L'expérimentation, c'est le meilleur moyen d'incarner une connaissance"
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Des initiatives individuelles

L’école doit-elle aller au-delà du savoir académique classique ? C’est en tout cas l’avis de Jean-Noël Robert, auteur de « Témoin de la déséducation nationale » (ed. Les belles lettres). « Beaucoup d’enfants, même parisiens, ne sont jamais allés au théâtre […] pour moi c’est le rôle de l’enseignant, bien que ça ne se passe pas pendant les heures scolaires, de traîner sa petite troupe au théâtre […] car il y a des véritables révélations qui se font».

Ces modes de transmission alternatifs permettent de combiner savoir classique et pratique stimulante en dépassant la théorie. En s’alliant à l’expression corporelle « le théâtre n’était plus seulement un texte qui était là mais ça devenait quelque chose qui permettait de transmettre, de comprendre ce que l’auteur avait voulu dire » témoigne Jean-Noël Robert.

Yves le Coz, professeur d’EPS d’un collège du 20ème arrondissement de Paris a lui, au lieu de faire du sport « classique » , décidé de mener un projet de danse contemporaine avec ses élèves. Une initiative au départ accueillie avec réticence par sa classe, mais qui a fini par les enthousiasmer. Gain de confiance en soi, valorisation de leur environnement, création d’un esprit de groupe, l’expérience, plus qu’un simple projet de danse peut avoir des effets sur la scolarité entière des élèves. « On était fier de nous » lance une de ses élèves à la fin le documentaire « Le prof de Gym » de Benoît Grimont qui retrace leur parcours. Plusieurs études, démontrent en effet l’importance de l’estime de soi dans la réussite et le bien-être en milieu scolaire.

« L’expérimentation est le meilleur moyen d’incarner une connaissance ». Pour Didier Lockwood, violoniste de jazz et ancien vice président du Haut Conseil à l’éducation Artistique et culturelle (un organe crée en 2005 par le ministère de la culture et de l’éducation nationale), les expériences de ce type sont fondatrices dans un parcours éducatif. « L’art permet de nous connaître dans notre propre unicité »… mais aussi de connaître les autres et le monde.

Pour ce qui est des dispositions prises par l’Education nationale, le constat du violoniste est sans appel: la « réflexion sur l’éducation manque souvent de bon sens». Entre théorie et pratique en matière d’enseignement, il y a parfois un gouffre. Et pour ce qui est de la transmission à l’école, selon Lockwood, qui est aussi professeur de violon « pour bien apprendre à lire, à écrire et à compter il faut avant tout apprendre à voir, à entendre et à sentir ».

Retrouvez notre débat « A l’école : apprendre plus que des savoirs ? », dans l'émission Un monde en docs, présentée par Nora Hamadi, samedi 16 septembre à 23h30 et dimanche 17 septembre à 10h sur Public Sénat.

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