L’Île-de-France frappée par la vague du Covid-19

L’Île-de-France frappée par la vague du Covid-19

En manque de soignants et de matériel, les hôpitaux franciliens pourraient bientôt manquer de lits en réanimation. 
Public Sénat

Par Fabien Recker

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Après l’Est du pays, la vague a gagné l‘Ile-de-France. « On pousse les murs partout » reconnaissait vendredi le professeur Bruno Riou, directeur médical de crise de l’APHP, sur France Inter. Jeudi 26 mars, les hôpitaux franciliens comptaient 8 762 patients infectés du Covid19, dont 1 297 en réanimation, contre 350 il y a une semaine. « On est sur la crête de la vague depuis mercredi soir » témoigne Leonard Corti, interne en santé publique à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière et secrétaire général de l'Intersyndicale Nationale des Internes (ISNI). « Les capacités en réanimation dans Paris intra-muros sont quasi saturées à 95%.»

Jusqu’à quand les hôpitaux de l’Île-de-France pourront-ils faire face ? Alors que le pic n’est pas atteint, s’engage une course contre la montre pour ouvrir de nouveaux lits en réanimation. « Sur les respirateurs, il n’y a aucune visibilité au-delà de 24 à 48h » s’inquiète Léonard Corti. « Et certains fournisseurs nous expliquent qu’ils sont en rupture de stock ». « On n’est pas très serein sur les capacités à absorber ce qui arrive » reconnaît aussi Sophie Crozier, neurologue à la Pitié Salpêtrière et co-fondatrice du collectif inter-hôpitaux. Car déjà des équipements de base viennent à manquer. « Des choses toutes simples comme des pousse-seringues, pour administrer les médicaments afin d’endormir les patients » explique la neurologue. Les hôpitaux manquent aussi de matelas gonflables qui permettent d’éviter aux patients de développer des escarres.

« Le personnel vit l’enfer »

Face à la pénurie de matériel, « le personnel vit l’enfer » à en croire Jean-Emmanuel Cabo, secrétaire général de FO-APHP. « A l’hôpital Bichat, aux urgences, les soignants n’ont pas de sur-blouses, on leur met un tablier ! La direction rédige de nouveaux protocoles pour expliquer que la sur-blouse n’est plus nécessaire. Et il n’y a pas de masques. » « Sur les masques on est en rationnement strict » confirme Léonard Corti. « Donc on travaille avec des matériels de protection qui ne sont sans doute pas adaptés à des services devenu 100% Covid, car il y a trop peu de masques FFP2. » « On expose le personnel » s’inquiète Sophie Crozier, qui s'estime pourtant « bien lotie » à la Pitié-Salpêtrière. « Aulnay, Avicennes (Bobigny, ndlr) sont très en tension. Et à Versailles c’est terrible, même les blouses manquent, ils utilisent des sacs poubelle. » Selon les chiffres communiqués par la direction aux syndicats, 780 professionnels de l’APHP étaient atteints mercredi du Covid19, dont 4 placés en réanimation.

Outre la pénurie d’équipements, les hôpitaux franciliens souffrent du manque de personnel. Surtout dans le domaine paramédical : « Infirmières, aides-soignants, brancardiers multiplient les heures supplémentaires et s'ajoutent sur des “shifts” sur lesquels ils n’étaient pas prévus » énumère Léonard Corti. « On estime que pour s’occuper d’un patient coronavirus intubé et ventilé, il faut entre 1,1 et 1,7 infirmier. C’est extrêmement prenant. Il y a aussi le fait de placer les patients intubés sur le ventre, un geste médical très efficace pour les cas Covid19. Mais qui demande beaucoup de personnel et qui est épuisant quand on le fait à la chaîne. » Face au manque de bras, les autorités de santé battent le rappel. L’agence régionale de santé d’Île-de-France a lancé une plate-forme dédiée, « Covid renfort », pour recruter des volontaires. Dans l’urgence, des infirmières sont formées aux gestes essentiels pour travailler en réanimation. « C’est compliqué d’être envoyé dans ces situations avec une formation précaire et sur le tas » souligne Leonard Corti.

Parce que ces effort « pourraient ne pas suffire », le Professeur Bruno Riou demandait vendredi que des patients franciliens puissent être transférés vers les régions « qui sont le moins touchées et qui ont des capacités en lit de réanimation. Le but est de retrouver de la capacité pour les malades de demain et d’après demain. » Ces transferts interrégionaux devront être « pilotés au niveau national » a précisé le professeur Riou. « La priorité pour l’instant ca a été l’Est de la France, ça va bientôt être l’Ile-de-France. » « Déplacer des malades est envisageable » pour Leonard Corti mais va peser sur les capacités des territoires d'accueil, sans savoir quelle y sera la situation dans une quinzaine de jours. « Ca peut aller extrêmement vite. On a l’exemple de la région Occitanie, relativement préservée jusqu’à la semaine dernière, avant qu’un seul cluster à Perpignan ne mette en tension l’intégralité des services de réanimation de la région ».

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