Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
« La confiance, je ne l’avais pas beaucoup, là j’en ai encore moins » : la colère intacte de cette gilet jaune
Par Public Sénat
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« Moralement, ça commence à devenir fatigant ». La phrase revient souvent dans la bouche de Katia Gugert. Travail entravé, aide aux enfants, fin de mois difficile, anxiété, la pandémie est venue compliquer encore un peu plus le quotidien précaire de cette famille des Ardennes. Un département durement touché par l’épidémie.
Embauchée par le réseau APA, Katia Gugert intervient principalement auprès de personnes âgées dépendantes, elle s’occupe du ménage ou encore de la toilette, en fonction des besoins de chacun. Des tâches désormais limitées au strict minimum pour éviter les contacts prolongés avec les patients, mais, à l'entendre impossible de respecter complètement les gestes barrières : « Je fais des toilettes, je ne peux pas être à un mètre de la personne en faisant la toilette ! » explique Katia.
D’autant plus que les protections fournies par l’association qui l’embauche ont tardé à leur parvenir. Au début elle s’équipe toute seule : « j’ai pris moi-même des gants et du gel hydroalcoolique ». Aujourd’hui elle a à sa disposition des masques, des gants et du gel, mais en quantités qu’elle juge insuffisantes. Une situation impossible pour Katia : « On préconise le maintien à domicile mais on ne donne pas aux intervenants la capacité d’intervenir dans des bonnes conditions. Je sais qu’en tant qu’intervenantes à domicile, on est la dernière roue du carrosse, mais on est confronté aux personnes âgées tous les jours ».
Des situations humainement difficiles
Une situation compliquée matériellement, mais aussi et surtout humainement. « C’est très angoissant » affirme Katia Gugert. Avec la même tournée depuis le mois d’août, elle connaît maintenant bien les personnes chez qui elle intervient, mais en ces temps de pandémie, impossible d’être aussi proche que d’habitude : « Je faisais la bise quand j’arrivais, on ne peut plus […] et quand les personnes ont un moment de blues ou de cafard on ne peut plus les prendre dans nos bras, les rassurer. C’est difficile (…) J’ai un monsieur qui s’est mis à pleurer à chaudes larmes, au moment où ça parlait des choix faits en réanimation à la télévision. Il m’a dit : « Moi si je l’attrape, on va me laisser mourir ». » Pour Katia, « Il a tout compris en regardant la télévision ». Et elle se sent impuissante pour le rassurer.
Toujours gilet jaune
Fatiguée et inquiète, elle appréhende le futur. Et cette situation la détourne encore d’avantage de la parole politique. Elle qui avait pris part aux manifestations des gilets jaunes et continue aujourd’hui de se sentir « gilet jaune ». « La confiance, un an en arrière je ne l’avais pas beaucoup, mais là j’en ai encore moins ».
Elle rejette le discours du gouvernement, et critique notamment la gestion de l’approvisionnement en masques de protection. « Je pense qu’on nous a menti dès le départ sur l’histoire des masques ». Car pour elle le manque de moyens découle d’une organisation générale, nationale, ou plutôt d’un manque d’organisation. Elle pointe du doigt les discours ambiants, souhaite la relocalisation des activités stratégiques en France, et rappelle que les gilets jaunes tiraient déjà la sonnette d’alarme sur les délocalisations.
Et après ?
À la défiance s’ajoute la peur. Et la perspective du déconfinement ne rassure pas cette mère de famille : « Il va y avoir un rebond de la maladie c’est certain ». Même si l’école à la maison est compliquée car sa fille de 12 ans a des difficultés scolaires et elle n’est pas toujours disponible pour l’aider ; elle n’a pas l’intention de laisser ses enfants reprendre le chemin de l’école la semaine prochaine. Elle craint la contamination, et n’a pas l’impression que l’épidémie ralentisse sa progression. Or la lecture de la presse n’est pas pour la rassurer : « Je prends le journal tous les jours… quand on voit les noms des décès ça pique les yeux quand même. Il y a minimum deux pages ».
En attendant, Katia Gugert scrute son compte en banque. Son temps de travail a été diminué, alors qu’elle travaille environ 110 heures par mois habituellement, au mois d’avril elle n’a fait que 74 heures. Elle bénéficiera donc du chômage partiel pour les heures manquantes, mais elle ne sait pas si son employeur complétera son chômage, « Là on continue à travailler tous les deux donc ça va. Et je verrai la paye du 10, soit je pleure, soit je souris ».