De 1942 à 1943, Daniel Cordier a été le secrétaire particulier du grand résistant Jean Moulin, après un début d’engagement aux antipodes des idées de la Résistance française des années 1940. Invitée de Guillaume Erner, l’historienne Bénédicte Vergez-Chaignon raconte :
« Avant cela, c’était un jeune activiste d’« Action française », nationaliste, antisémite, royaliste… qui sur un coup de sang avait quitté la France en juin 1940 et s’était enrôlé dans les Forces Françaises Libres auprès du Général de Gaulle. Ce sera ensuite les services secrets
et c’est ainsi que le jeune homme de 22 ans se retrouve au service de Jean Moulin ».
Jean Moulin, un homme décrit par Daniel Cordier comme « très travailleur, efficace, intraitable mais aussi un homme libre qui aimait parler de peinture ». L’amour des arts que Daniel Cordier fera perdurer, en devenant lui-même marchand d’œuvres d’art après la guerre.
Proposer un témoignage intime sur Jean Moulin
Des décennies plus tard, c’est au tour de Bénédicte Vergez-Chaignon, qui préface aujourd’hui « La victoire en pleurant » aux éditions Gallimard, de travailler elle aussi aux côtés de Daniel Cordier. « J’ai collaboré avec lui pour la rédaction de quatre tomes biographiques qu’il a consacré à Jean Moulin, puis je l’ai suivi dans son travail de mémorialiste ». Car défendre la mémoire de Moulin fut une mission pour Daniel Cordieret et ce dès la fin des années 1970.
« Après 30 années consacrées à son métier de marchand d’art contemporain, Daniel Cordier découvre avec effroi les attaques formulées contre l’ancien résistant qui en font un cryptocommuniste, voire un agent bolchevique. Cordier décide alors d’y répondre en se fondant sur son témoignage mais aussi sur les documents de l’époque ».
Point de départ de 25 années de travail d’archives, la publication d’une biographie au volume impressionnant puis celle des propres mémoires de Daniel Cordier en 2009 « Alias Caracalla ».
Démystifier la Résistance
Aujourd’hui, Gallimard publie le second tome de ses mémoires. Une « suite » qui analyse l’état de la Résistance française après Jean Moulin. Bénédicte Vergez-Chaignon explique : « Avec la création de l’Armée secrète, du Conseil de la résistance, les résistants avaient franchi une première étape mais restaient toujours en péril, coupés de Londres et d’Alger pour des raisons matérielles et donc très fragiles, à la merci des répressions ».
Une Résistance engagée dont parle Daniel Cordier qui témoigne également de l’après-guerre, notamment dans les milieux d’extrême droite qu’il retrouve et qu’il ne reconnaît plus, tout comme cette France de 1944 qu’il peine parfois à reconnaître.
Une période convalescente que Daniel Cordier évoque dans ce second tome et que l’historien Emmanuel de Waresquiel, spécialiste du XVIIIe siècle analyse. « La mémoire est volatile dit-il, elle est sélective, subjective et nous avons en France une position bien ambiguë par rapport à la Seconde guerre mondiale ».
Il développe : « La Révolution, elle, s’organise sur l’oubli du passé, la création d’un homme nouveau, sur la damnation mémorielle, l’amnésie du passé… » Depuis, on oscille entre l’envie d’oublier son passé, comme lors de la Révolution française et le besoin de créer des liens, avec notamment ce qu’on appelle « le devoir de mémoire ».
Une ambiguïté nécessaire mais qui éclaire la France de l’après-guerre comme en témoignent les écrits de Daniel Cordier.
Retrouvez l’intégralité de l’émission ici.
« La victoire en pleurant » Daniel Cordier, préface de Bénédicte Vergez-Chaignon - Ed. Gallimard
« Tout est calme seules les imaginations travaillent » Emmanuel de Waresquiel - Ed. Tallandier