Hasard du calendrier, après la polémique autour de la programmation de deux concerts du rappeur Médine au Bataclan, Jean-Louis Bianco, président de l’Observatoire de la laïcité remettait, ce vendredi, à Édouard Philippe son rapport annuel. Un rapport qui s’inscrit dans le « contexte très particulier des attentats que la France subit depuis 2012 » entraînant « une sensibilité toujours très forte sur toute situation qui touche à la laïcité et aux faits religieux » relèvent, en préambule, les auteurs.
L’Observatoire note que si « les atteintes directes à la laïcité (qu’elles émanent d’individus, d’associations, d’administrations ou de collectivités) restent en réalité peu répandues au niveau national », les tensions et les crispations sur ces sujets (…) restent très significatives ». Un contexte de menace terroriste, marqué également par « des confusions entre ce qui relève de la laïcité et ce qui relève d’autres champs, dont le radicalisme violent et le terrorisme ».
Dans les entreprises, le rapport indique « que la question du religieux s’est désormais installée depuis quelques années dans le paysage sans plus augmenter ni désarçonner l’encadrement ». Les cas conflictuels restent pour leur part toujours minoritaires, passant de 6,7 % de l’ensemble des faits religieux observés en 2016 à 7,5 % cette année » ajoutent les membres de l’Observatoire de la laïcité.
« Les effets contre-productifs de discours publics »
Dans leur rapport, les membres de l’Observatoire alertent en premier lieu sur « les effets contre-productifs de discours publics, dans un contexte de peurs multiples, visant à imposer un ’durcissement’ de la laïcité ». Un tel « durcissement » aurait pour conséquence « de rompre l’équilibre posé en 1905 (…) entre libertés individuelles et nécessaire respect du cadre collectif. Il en découlerait une accélération des replis identitaires aux répercussions dramatiques ». L’Observatoire de la laïcité s’oppose « à toute volonté de neutralisation de l’espace public » et dénonce « toute police de la pensée visant à systématiquement discréditer toute personne ou toute institution qui adopterait une position sur la laïcité contestée par d’autres courants d’idées alors même qu’elle s’inscrit parfaitement dans le cadre légal ».
Soutien de la proposition de loi sénatoriale sur l’encadrement des écoles privées hors contrat
Parmi les préconisations, les auteurs demandent « le renforcement de la mixité scolaire et sociale », « proposer aux parlementaires et aux élus locaux de suivre une sensibilisation à la laïcité, ou encore l’obligation pour les aumôniers militaires, hospitaliers et pénitentiaires d’obtenir un diplôme, comprenant un enseignement sur les grandes valeurs de la République et le principe de laïcité. Sur ce sujet, une proposition de loi, très largement modifiée, de la sénatrice Nathalie Goulet (UC) et André Reichardt (LR) a été adoptée cette semaine. Elle institue une obligation de formation pour les aumôniers et créé une circonstance aggravante pour sanctionner certains délits commis dans le cadre de l’exercice du culte.
L’Observatoire soutient aussi une autre proposition de loi sénatoriale. Celle de la centriste, Françoise Gatel, adoptée en première lecture au mois de février. Le texte vise à simplifier et à renforcer l’encadrement des écoles privées hors contrat (voir notre article).
Le rapport soutient également un amendement du sénateur centriste, Hervé Maurey, visant à accroître la traçabilité des flux financiers à l'origine des projets d'édifices du culte, adopté lors de l’examen du projet de loi « pour un État au service d’une société de confiance ».
Enfin, alors qu’Emmanuel Macron a annoncé, en début d’année, vouloir « structurer l’Islam de France », l’Observatoire de la laïcité rappelle le cadre des actions en ce sens, qui ne « peuvent être accompagnées par les pouvoirs publics, dès lors qu’elles touchent notamment à des mesures d’ordre public ou aux aumôneries, prévues par la loi du 9 décembre 1905 ».