Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Le casse-tête juridique de l’affaire Vincent Lambert
Par Public Sénat
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« On a gagné, Vincent vivra, c’est la remontada ! » Lundi 20 mai 2019, les avocats des parents de Vincent Lambert et leurs soutiens étaient euphoriques après la décision de la Cour d’appel de Paris, qui a suspendu pendant six mois l’arrêt des soins prodigués à Vincent Lambert. Depuis 2008, et un accident de voiture, Vincent Lambert est tétraplégique et est plongé dans un état végétatif. Ce n’était pas la première fois qu’il était décidé d’arrêter son traitement.
2013-2015 : première validation du Conseil d’État
En avril 2013, avec l’accord de son épouse, les médecins, dans le cadre de la loi Leonetti, ont décidé d’arrêter son hydratation et son alimentation. Les parents avaient alors saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui le 10 mai a remis en cause la décision du corps médical. Les soins ont donc repris.
Fin 2013, la procédure collégiale, dans le cadre de la loi Leonetti, est de nouveau engagée. Encore une fois, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne donne raison aux parents. Mais le CHU de Reims, ainsi que la femme et le neveu de Vincent Lambert, saisissent le Conseil d’État, plus haute instance du droit administratif français. Cette juridiction leur donne raison le 24 juin 2014.
Quelques heures plus tard, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), saisie par les parents et la famille de Vincent Lambert, ordonne à titre conservatoire la suspension provisoire du jugement du Conseil d’État. Il faudra attendre un an, le 5 juin 2015, pour que la CEDH valide la légalité de l’arrêt des soins. Un recours est déposé par la famille, il est refusé durant l’été.
L’arrêt des soins aurait donc pu être enclenché, mais le 23 juillet, les médecins décident de ne pas stopper l’alimentation et l’hydratation, considérant que « les conditions de sérénité et de sécurité nécessaire à la poursuite de cette procédure, tant pour Vincent Lambert que pour l'équipe soignante, ne sont pas réunies ».
2016-2018 : application de la loi Claeys-Leonetti
En 2016, deux évènements font avancer l’affaire. La loi Claeys-Leonetti est votée le 2 février, et en décembre, après une longue bataille juridique, la femme de Vincent Lambert, Rachel Lambert, est désignée comme son tuteur légal.
Le 19 juillet 2017, le Conseil d'État confirme l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Nancy durant l’été 2016, qui explique que la procédure d’arrêt des soins doit être recommencée de zéro, le médecin responsable de Vincent Lambert n’étant plus le même.
En avril 2018, le docteur Sanchez annonce sa décision « d’arrêter les traitements », à la suite d’une procédure collégiale. Il faudra attendre un an et la saisie de l’ensemble des juridictions jusqu’au Conseil d’État, qui estimera le 24 avril 2019 que la décision d'arrêt des soins prise le 9 avril 2018 par le CHU de Reims est légalement justifiée.
2019 : la Cour d’appel de Paris stoppe la procédure
Le 30 avril 2019, la Cour européenne des droits de l'Homme rejette le recours des parents de Vincent Lambert et confirme la décision prise par le Conseil d’État.
Deux semaines après, le tribunal administratif de Paris rejette lui aussi un recours en urgence des parents de Vincent Lambert. L’arrêt des soins commence donc le 20 mai 2019, dans la matinée, après que la CEDH ait rejeté un énième recours des parents. Mais le soir même, la cour d’appel de Paris ordonne la reprise des traitements « afin de faire respecter les mesures provisoires demandées par le Comité international des droits des personnes handicapées le 3 mai 2019 tendant au maintien de l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert ».
La voie de fait
Qualifiée comme un « coup de théâtre », la décision de la cour d’appel de Paris à de quoi surprendre, puisque le Conseil d’État avait validé la légalité de l’arrêt des soins prodigués à Vincent Lambert. En réalité, juges administratifs et judiciaires donnent dans cette affaire des conclusions opposées.
Pour Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes, il y a un important problème de compétence : « la Cour d’appel de Paris s’est reconnue compétente sur le fondement de la théorie de la voie de fait, mais son interprétation n'est pas conforme à la jurisprudence du Tribunal des conflits ». Le juriste explique que, depuis 2013, la voie de fait n’est constituée que s’il y a une atteinte à "la" liberté individuelle au sens de l’article 66 de la Constitution. Celle-ci a été restreinte par le juge constitutionnel depuis 1999 à la seule « privation de liberté ».
Ainsi, assure-t-il, « si le droit à la vie a bien été consacré comme une liberté fondamentale par le Conseil d'État, il ne s'agit pas, dans le sens retenu par le tribunal des conflits, d'une atteinte à la liberté individuelle. Les conditions de la voie de fait ne sont donc aujourd’hui pas réunies ». Serge Slama est rejoint par Diane Roman, juriste, agrégée de droit public et professeure des Universités.
La question du CIDPH
La Cour d’appel de Paris a pris une décision provisoire de six mois, « permettant au comité de l’ONU d’étudier le dossier » a indiqué Me Jean Paillot, avocat des parents de Vincent Lambert. Le Comité international des droits des personnes handicapées (CIDPH) avait déjà demandé le 3 mai à la France le maintien provisoire des soins.
« L’affaire Vincent Lambert ne sera pas recevable par le CIDPH »
La ministre de la Santé Agnès Buzyn avait alors expliqué que la France « n’était pas tenue « légalement » par ce comité ». Une position suivie par le juge des référés administratifs qui le 15 mai estimait que le « Gouvernement français n’avait aucune obligation de respecter la demande du comité tendant à ce que l’alimentation et l’hydratation de M. Vincent Lambert ne soient pas suspendues pendant l’examen de son dossier par le comité ».
Pourtant, certains juristes considèrent que la France se doit de respecter les mesures provisoires prononcées par le CIDPH. « C’est un débat récurrent entre juristes », nous précise Serge Slama.
Diane Roman considère néanmoins que le CIDPH ne sera pas compétent pour étudier l’affaire Vincent Lambert. « Une même affaire ne peut pas être examinée par deux organes internationaux différents », explique-t-elle. La CEDH ayant déjà tranché trois fois sur ce dossier, « l’affaire ne sera pas recevable », selon elle.
Un renvoi en cassation annoncé
La Cour d’appel de Paris fait partie du deuxième échelon des juridictions civiles. Au-dessus, se situe la Cour de cassation, plus haute instance du droit judiciaire. Me Chemla, l’avocat du neveu de Vincent Lambert, a annoncé sur LCI mardi 21 mai 2019 un pourvoi en cassation. « On va garder raison, on va demander à l'État français de former un pourvoi en cassation. On va regarder les recours », a-t-il expliqué.
« Le seul recours possible serait de saisir, une nouvelle fois, la CEDH »
Si la Cour de cassation considère que les conditions de voie de fait ne sont pas réunies, elle cassera la décision de la Cour d’appel de Paris. Le juge compétent sera alors le juge administratif. En clair, le sort de Vincent Lambert sera entre les mains du Conseil d’État, qui a validé à deux reprises déjà la légalité de l’arrêt des soins. En cas de cassation, les parents, farouchement opposés à laisser leur fils mourir, pourraient-ils alors saisir une autre juridiction ? « Le seul recours possible serait de saisir, une nouvelle fois, la CEDH », explique Serge Slama. Mais il est peu probable, qu’après trois refus, la Cour européenne des droits de l’Homme donne raison à Viviane Lambert.
Face à l’ensemble de ces rebondissements, Jean-Louis Touraine, député du Rhône, appelle de ses vœux aujourd’hui à une nouvelle loi sur la fin de vie. Selon lui, « Vincent Lambert est victime d’un manque de définition précise et indiscutable de l’obstination déraisonnable ». La décision de la Cour d’appel de Paris pourrait donc précipiter une modification de la loi Claeys-Leonetti.