Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Le cri d’alarme des hôpitaux européens bientôt « à court de médicaments »
Par Jonathan Dupriez
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Aux pénuries de masques et autres respirateurs s’ajoute un nouveau problème : celui de l’approvisionnement des hôpitaux en médicaments. En première ligne dans la lutte contre l’épidémie de coronavirus, neuf centres hospitaliers européens de renom, comme l’Assistance-Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), le King’s Health Partners de Londres ou encore le Vall d’Hebron à Barcelone, exhortent leurs gouvernements, dans une tribune parue dans le journal Le Monde, à agir pour ne pas se retrouver «à court de médicaments essentiels.» «Cela m’inspire à la fois de l’inquiétude et de l’effroi» admet Michel Amiel, sénateur (Les Indépendants) des Bouches-du-Rhône et médecin de profession. « Cela veut dire que même dans nos pays développés, nous n’étions pas prêts à faire face à une telle situation.» Joint par téléphone, l’European University Hospital Alliance (EUHA), qui coordonne l’envoi de la lettre aux gouvernements, confirme que « les stocks de médicaments sont très bas partout dans les hôpitaux européens.» C’est « un appel urgent » à l’action afin que « les Etats dépassent les mots » nous précise l’organisation. En France, la lettre a été adressée à l’Elysée, Matignon et au Ministère des Solidarités et de la Santé.
Réanimation des patients
Les médicaments de réanimation sont au coeur des inquiétudes des centres hospitaliers européens signataires de la lettre. Pour le seul exemple français, au dernier bilan communiqué par la Direction générale de la Santé (DGS), 5107 patients sont actuellement en réanimation dans le pays. Ces patients, souvent les cas les plus sévères, requièrent l’usage de puissants médicaments comme la morphine ou le curare. Ce dernier est crucial tant en anesthésie qu'en réanimation car il permet d’engendrer une paralysie volontaire des muscles du patient afin de le placer sous assistance respiratoire. Pour ces molécules, la consommation des hôpitaux des régions les plus touchées par le Covid-19, comme l’Île-De-France, le Grand-Est ou le Nord, a explosé “jusqu’à 2000%” selon Edouard Philippe. Et à mesure que les stocks des hôpitaux fondent, la demande auprès des laboratoires pharmaceutiques s’intensifie depuis plusieurs jours.
Production sous tension
« Ce n’est même plus de la tension, c’est du stress » confie Luc Lamirault, Président de Medipha Santé, « un petit poucet » de l’industrie pharmaceutique produisant notamment du curare. « C’est vrai que c’est une molécule importante pour la réanimation, et on a peur de ne pas pouvoir suffisamment en fournir pour soigner tous les malades » confirme le chef d’entreprise, sur le pont presque nuit et jour pour satisfaire la demande. « Si l’on n’arrive pas à produire, cela va aboutir à un tri des patients encore plus important » s'inquiète Michel Amiel. Pour répondre à l’urgence, Medipha a même dû rouvrir ses entrepôts le week-end dernier pour approvisionner certains centres hospitaliers inquiets devant l’état de leurs stocks. D'autant que le curare n’est pas simple à produire. Certaines matières premières proviennent de l’étranger, notamment d’Espagne ou d’Italie et les délais de production peuvent aller jusqu’à deux mois. Autre obstacle, à l’issue du processus chimique de fabrication, la molécule doit être transportée réfrigérée entre 2 et 8 degrés ce qui complique son acheminement. Difficile donc dans ces conditions d’imaginer une production rapide et massive en pleine situation d’urgence sanitaire. Le Président du laboratoire pharmaceutique de l’Essonne avoue “courir après le temps et les moyens humains” pour produire aussi longtemps que possible. Pour le moment, son horizon se limite à la semaine prochaine.
Réquisition « envisageable » des moyens de production
Samedi 28 mars, Edouard Philippe a estimé « envisageable » la réquisition de moyens de production de médicaments par l’Etat. Appelant à « la prudence », le Premier ministre a souligné qu’une telle solution n’allait pas résoudre d’un coup de « baguette magique » la tension qui touche le secteur. « L’idée ne me choque pas » affirme le sénateur (Les Indépendants) des Bouches-du-Rhône Michel Amiel. « Mais on ne peut réquisitionner que ce qui existe » nuance-t-il, conscient qu'il est fort peu probable que la France puisse à elle seule produire pour satisfaire ses besoins. Et selon les signataires de la lettre, ce n'est pas l'Europe qui pourrait en l'état être la solution : « aucun pays européen ne dispose à lui seul des installations de production nécessaires pour fournir tous les médicaments nécessaires » écrivent-ils. Les neuf centres hospitaliers plaident pour une gestion à l’échelle européenne des stocks et des échanges de médicaments.
«Les Chinois sont en train de sauver la planète, il faudra en tirer les leçons »
Depuis le début de la crise du coronavirus, les Etats membres de l’UE ont parfois été étrillés dans leur gestion de crise en silo et leur manque de « solidarité collective.» Face aux difficultés des européens à penser une stratégie commune, certains régimes autoritaires comme la Russie ou la Chine, placent leurs pions. « Les Chinois sont en train de sauver la planète, il faudra en tirer les leçons » grince le sénateur LR de Côte-d’Or Alain Houpert, radiologue de profession. A l’origine de la pandémie dont il est en train de se sortir, l’Empire du milieu offre désormais son expertise et de l’aide matérielle aux pays européens en difficulté. Respirateurs envoyés en Italie, pont aérien pour les masques avec la France, le pouvoir chinois profite de la crise entre les Etats membres de l’UE pour accroître son influence et faire de la « diplomatie humanitaire.» « C’est regrettable » soupire le sénateur des Bouches-du-Rhône (Les Indépendants) Michel Amiel, européen convaincu. Pour lui, la coopération entre les 27 « aurait pu renforcer les liens entre les européens », mais son échec risque au contraire de « les faire exploser » quand «viendra le moment de faire les comptes.»