Le procès Merah « va mettre en évidence les ratés des services » selon Samia Maktouf
Invitée de l’émission « On va plus loin », l’avocate Samia Maktouf regrette que la France n’ait « pas tiré les leçons des attentats de Mohamed Merah ».

Le procès Merah « va mettre en évidence les ratés des services » selon Samia Maktouf

Invitée de l’émission « On va plus loin », l’avocate Samia Maktouf regrette que la France n’ait « pas tiré les leçons des attentats de Mohamed Merah ».
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Lundi 2 octobre s’est ouvert le procès Merah. Abdelkader, frère de Mohamed Merah et Fettah Malki, un de ses amis, sont jugés par la cour d’assises spéciale de Paris. Un mois de procès pour tenter de comprendre si le tueur a bénéficié de complicité.

Sur le plateau d’ « On va plus loin » Samia Maktouf, l’avocate de la famille d’Imad Ibn Ziaten, le premier militaire tué par Mohamed Merah, souhaite tout d’abord rappeler les conditions de ce procès : « Je voudrais saluer l’existence même de ce procès. C’est la victoire de la démocratie. Ces personnes-là qui prônent la haine, la violence et la barbarie font face à des juges pour un procès équitable. Ils vont bénéficier (…) d’une défense (…) C’est ça, les lois de la République ».

Samia Maktouf revient ensuite sur le rôle des deux accusés : « Il ressort des faits aujourd’hui que c’est Abdelkader Merah qui a endoctriné son frère, qui a eu de l’emprise sur son frère (…) depuis 2006. Pour l’emmener à cette « secte » qu’il appelle la religion, qu’il appelle l’Islam radical. Abdelkader Merah doit répondre de ses actes. Pour ce qui est de l’autre accusé, Fettah Malki, il doit répondre du fait d’avoir permis  la fourniture des armes en vue de la commission d’actes terroristes ».

Mais l’avocate estime que les deux hommes ne sont pas seuls responsables : « Je trouve que le box est trop vide. Il n’y a que deux accusés. Les recruteurs ne sont pas là, les financiers ne sont pas là. Ceux qui ont donné des instructions de Syrie ne sont pas là (…) Il y a une foule de monde qui manque à ce box ».

« A l’évidence, il ne s’agissait pas d’un " loup solitaire" »

Pour Samia Maktouf, également avocate de plusieurs victimes des attentats de Nice et du Bataclan, Mohamed Merah a fait beaucoup d’émules : « Il en a créé beaucoup. Mais malheureusement, ce que nous regrettons tous, c’est que ces Merah n’ont pas été détectés. Il a fallu attendre 2015. La France n’a pas tiré les leçons des attentats de Mohamed Merah, puisqu’on parlait de « loup solitaire ». Or à l’évidence, il ne s’agissait pas d’un « loup solitaire ». Il s’agissait d’une personne organisée, qui a voyagé, qui est même allée voir le bras droit de Ben Laden au Pakistan (…) C’est un réseau qui a été tissé. Et ce réseau-là, il existe depuis 2005 et on le sait aujourd’hui ».

L’avocate souhaite que ce procès serve le pays et clarifie le rôle des renseignements : « A travers ce procès, il faut un sursaut (…) Aujourd’hui personne n’est à l’abri, n’importe quelle personne sur cette terre peut être victime d’un attentat terroriste. Ce procès va mettre en évidence les ratés des services. Les différents organismes de renseignement n’ont jamais accepté de travailler ensemble pour détecter, anéantir et mettre hors d’état de nuire des éléments qui ont été détectés depuis 2006 comme étant dangereux, radicalisés et susceptibles  de passer à un acte terroriste (…) Aujourd’hui, ce qu’on veut ce n’est pas chercher des bouc-émissaires, des responsables » mais éviter que des terroristes qui cultivent la mort pour la mort, puissent passer à une action armée. Aujourd’hui, les victimes ne sont pas suffisamment entendues. »

Interrogée sur l’adoption par l’Assemblée nationale du nouveau projet de loi antiterrorisme, mardi 3 octobre, Samia Maktouf déclare : Il y a une responsabilité politique qui a été portée par nos parlementaires dans le fait de dire « oui, il faut sortir de l’état d’urgence pour pérenniser ce qu’il faut introduire et transcrire dans la loi ». Et pour ça, je salue nos parlementaires. Personne ne voulait prendre cette responsabilité politique. On ne pouvait pas rester éternellement dans l’état d’urgence. Et il ne faut pas avoir peur de l’état de droit ».

En revanche, Samia Maktouf met en garde contre les risques de contrôles sur l’apparence des personnes : « Il ne faut pas tomber dans le délit de faciès ».

Procès Merah : interview de l'avocate Samia Maktouf (en Intégralité)
09:54

Entretien de Samia Maktouf en intégralité

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