Le Sénat veut simplifier la prise en charge du handicap en France
Un groupe de travail au Sénat va se pencher au cours des prochains mois sur la prise en charge des personnes handicapées, à travers son système de financement, jugé trop « complexe ». Un rapport devrait formuler des recommandations avant l’été, afin d’alimenter les travaux du gouvernement.

Le Sénat veut simplifier la prise en charge du handicap en France

Un groupe de travail au Sénat va se pencher au cours des prochains mois sur la prise en charge des personnes handicapées, à travers son système de financement, jugé trop « complexe ». Un rapport devrait formuler des recommandations avant l’été, afin d’alimenter les travaux du gouvernement.
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Par Guillaume Jacquot (Sujet vidéo : Quentin Calmet)

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Qu’il s’agisse du versement des prestations sociales, de la création et de la gestion de structures spécialisées ou encore d’insertion professionnelle : la prise en charge des personnes handicapées en France se caractérise par la grande variété des acteurs en jeu.

Le financement fait principalement intervenir la Sécurité sociale, l’État et les départements. Viennent s’ajouter des organismes publics comme la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNASA) ou encore l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH).

Chargé de proposer de nouvelles pistes pour simplifier cette architecture et mieux utiliser les moyens mobilisés, un groupe de travail, transpartisan, de huit sénateurs a été lancé ce jeudi par la commission des Affaires sociales. Beaucoup reconnaissent la « complexité du système français », dont la rigidité n’est pas de nature à faciliter le quotidien des personnes handicapées.

Le problème des « ruptures de parcours »

« L’organisation en France est difficile. C’est lié à une gestion qui est proche d’un système en tuyauterie », reconnaît le sénateur (LR) Philippe Mouiller, qui préside ce groupe de travail. Le sénateur des Deux-Sèvres est d’ailleurs à l’origine d’un rapport en 2016 sur les personnes en situation de handicap prises en charge à l’étranger, et notamment en Belgique.

Cette organisation actuelle est à l’origine de difficultés pour les personnes concernées. « Il y a le débat de la barrière d’âge, cette frontière de 18 ans, qui fait qu’à un moment donné, une personne qui est handicapée est amenée à changer d’établissement, à avoir une rupture de parcours parce que les financements sont différents », expose Philippe Mouiller.

Handicap : « L'organisation en France est difficile », juge Philippe Mouiller
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Images : Quentin Calmet

« Il faut être autour du parcours de la personne, et non pas autour de l’institution. C’est cela qu’il faut changer », résume Éric Blanchet, dans notre émission Sénat 360. Le président de l’Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (LADAPT). « Il faut que les personnes aient le choix. Elles ne l’ont pas aujourd’hui. Elles rentrent dans des tuyaux d’orgue et des fois, elles ont beaucoup de mal à en sortir ». Le directeur pointe un « manque de coordination ».

Handicap : « Il faut être autour du parcours de la personne, et non pas autour de l’institution », estime Éric Blanchet (LADAPT)
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La piste d’un financement unique ?

En lien avec les territoires, les sénateurs évoquent également des « aberrations administratives » dans la création d’établissements dans les départements, et pointent des « freins dans le cofinancement ».

« Quand il y a beaucoup de sources de financements différentes, il y a ensuite généralement un problème de financement global, parce que les uns ne sont pas d’accord avec les autres », observe Alain Milon, président de la commission des Affaires sociales, lui aussi partie prenante des réflexions qui s’engagent.

L’état des lieux n’est pas encore dressé, et les auditions démarreront prochainement, mais déjà un début de solution s’esquisse : celle de la nécessité d’un changement d’ampleur. « Le but, c’est de clarifier l’ensemble de ces financements et de faire qu’ils puissent au minimum s’accorder si ce n’est faire un financement unique », imagine Alain Milon.

Prise en charge du handicap : « Il faut aller jusqu'au financement unique », pour le sénateur Alain Milon
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Images : Quentin Calmet

La secrétaire d’État présente à la réunion de lancement au Sénat

Sa présence aux côtés des sénateurs ce matin, au moment de la mise en place du groupe de travail, est loin d’être anecdotique. Invitée par la commission, Sophie Cluzel, la secrétaire d'État chargée des Personnes handicapées, entend travailler en lien avec les sénateurs au cours des prochains mois. Comme eux, elle partage le même diagnostic sur des « financements en silo » et le « manque d’agilité sur les territoires ».

« La France n’a pas à rougir du budget qu’elle consacre aux personnes handicapées, on est dans la moyenne haute des pays européens. En revanche, sur l’efficience de la politique, il va falloir que l’on décloisonne les tuyaux de financement. […] Cette construction qui dépasse les contraintes administratives, c’est là tout l’enjeu », a expliqué la secrétaire d’État sur le plateau de Sénat 360.

Handicap : Sophie Cluzel veut « décloisonner » les mécanismes d'aide
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Ce volet de la « simplification » fait justement partie des moyens d’action énoncés par le Premier ministre Édouard Philippe, lors de la tenue du premier comité interministériel du handicap, le 20 septembre dernier.

« Il était important que le gouvernement puisse être associé à notre démarche », nous explique Philippe Mouiller. « On est là avec notre liberté de parole, mais l’idée c’est qu’on ne réalise pas un rapport pour le mettre dans un tiroir mais réellement qu’un certain nombre de préconisations puissent être reprises par le gouvernement. » Dans ce qui n’est encore qu’une réflexion, les sénateurs parlent de « co-construction ».

Attentes sur le projet de réforme de la tarification du secteur du handicap

Ils espèrent en parallèle approfondir leur mission d’évaluation des politiques et de contrôle des crédits. Mais aussi « faire la lumière » sur le projet de réforme de la tarification du secteur du handicap, dont peu de choses ont filtré jusqu’à présent. « J’ai bien compris le message », a déclaré Sophie Cluzel, qui leur a promis de faire prochainement un « point d’étape ».

Handicap : Le Sénat veut « un regard » sur le chantier de la remise à plat de la tarification
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Images : Quentin Calmet

Le rapport du Sénat pourrait être finalisé avant l’été 2018. Sa publication pourrait faire écho à un autre calendrier : celui de la prochaine conférence nationale du handicap, qui se tiendra au mois de mai. Le thème avait d’ailleurs été érigé au rang de « priorité » du quinquennat.

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