Le ministre de l’Intérieur réfléchit à « une nouvelle incrimination pénale » visant l’islam politique. « L’islam politique est le principal obstacle à la cohésion de notre pays », soutient la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio. La centriste Nathalie Goulet conseille d’appliquer déjà le droit existant et de contrôler le financement des associations. A gauche, l’écologiste Guy Benarroche pointe l’absence de données chiffrées sur le sujet et la socialiste Corinne Narassiguin dénonce « une vision à géométrie variable de la laïcité ».
Le tableau noir de l’école rurale
Par Amélia Morghadi
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Le 12 Avril dernier, au journal télévisé de TF1, le président de la République a annoncé la création de « 1000 classes » en zones rurales, mais on apprend dans votre reportage, que des écoles sont menacées dans les villages ruraux ?
Sandra Cerqueira : « Oui, il y a 70 départements qui sont concernés par ce phénomène. Il y a eu beaucoup de mobilisation à travers la France. Emmanuel Macron avait fait une promesse lors de la conférence des territoires au Sénat en juillet dernier « on s’engage à ce que les communes rurales ne soient pas « une variable d’ajustement » et à ce qu’il n’y ait « plus aucune fermeture de classes dans les zones rurales ». Or, au début de l'année 2018, le gouvernement a annoncé la fermeture de 300 classes, le double pour les syndicats… La première annonce avait été très bien accueillie par des élus qui ont besoin de garder leurs écoles ouvertes et vivantes. Un service public de proximité indispensable pour maintenir la vie des villages.
Ces fermetures viennent s’ajouter à la grogne du monde rural, avec la fin des contrats aidés, la baisse des dotations, et la suppression de la taxe d’habitation… D’où cette question qui revient sans cesse chez les élus locaux : quel est le véritable projet d’Emmanuel Macron pour le monde rural ? Ils ont un sentiment d’abandon, tout simplement. »
« Les zones rurales ont un sentiment d’abandon »
Où vous êtes vous rendue pour votre reportage ? Quelle est la situation de ces écoles ?
Sandra Cerqueira : « Avec Samia Dechir, journaliste à Public Sénat, nous sommes allées dans l’Allier dans deux écoles, à Saint-Gérand-de-Vaux, une école primaire où il y a une fermeture de classe, ce qui représente le plus gros des cas en France. Et à Billezois, une commune de 400 habitants, où la fermeture de classe va provoquer la fermeture de l’école. Il y a beaucoup de villages où il y a une classe unique et ça a un impact fort sur le village quand elle disparaît. Ces deux exemples illustrent la réalité des fermetures de classe et leurs conséquences directes sur l’ensemble d’un village »
« À Saint-Gérand-de-Vaux, ils ferment une classe parce que selon la direction académique il y a une baisse démographique sur l’ensemble du département et que c’est nécessaire de réajuster les effectifs d’enseignants. Ils estiment qu’il faut fermer une classe parce qu’il n’y a pas assez d’élèves. C’est l’argument récurrent quand il y a des fermetures de classes dans des villages. »
Jeudi 12 Avril dernier, le président de la République, au 13h de TF1, a dit s’opposer à l’idée d’une fracture territoriale : « Je suis le président de tous les Français. Il n’y a pas une fracture entre une France des villes et celles des champs ». Quel est le ressenti en zone rurale ? Quelles sont les attentes ?
Sandra Cerqueira : « C’est ce qu’il dit mais ce n’est pas du tout le ressenti des élus, des habitants… La fracture eux ils la ressentent à 100%. Pour le gouvernement « On est dans un cas où la France rurale perd des habitants ». Sauf que dans cette France les élus attendent d’être traités de manière spécifique, qu’il y ait des mesures d'aides d’exceptionnelles. Certains demandent des conventions de la ruralité, qu’il y ait une prise en compte des difficultés pas qu’on vienne en rajouter »
« Quand Emmanuel Macron dit « il y a 1000 ouvertures de classes en milieu rural » c’est vrai effectivement mais ces ouvertures se font dans la France rurale où il y a de l’activité qui se développe. Dans les autres il y a des risques de fermeture ».
« À Billezois, l’école c’est le dernier service public du village »
D’où le sentiment entendu : « Si l'école s'en va, la commune va mourir ». Il y a vraiment ce ressenti très fort chez ces habitants-là. L’image du « président des villes » est tenace et revient vite quand on rencontre les gens dans des départements très ruraux.
Pourtant en matière d’éducation des efforts ont été faits : dédoublements de CP et CE1 en zone éducation prioritaire dans les villes, les classes à 12 élèves. Comment ces mesures sont perçues dans les campagnes où des classes vont fermer ?
Sandra Cerqueira : « Beaucoup pensent « On déshabille Pierre pour habiller Paul (...) ils nous enlèvent des moyens à nous pour dédoubler les classes en ZEP, tout pour les villes et moins pour nous ».
Comment ces habitants se mobilisent pour empêcher les fermetures de classe ? Ont-ils des vrais moyens de pression ?
Sandra Cerqueira : « Ils protestent en occupant les classes. À Saint-Gérand-de-Vaux ils l’occupent le soir, et même pendant la classe. Ce qui donne des scènes un peu folles, il y a la maîtresse qui donne cours et derrière on voit les parents qui occupent les lieux pour montrer qu’ils protestent. En faisant ça, il se disent « nous, on y tient et vous ne nous délogerez par de là ». C’est le seul moyen de protestation qu’ils aient trouvé. »
« Il y a eu plusieurs réunions entre les syndicats, les parents d’élèves et direction académique de l’Allier. À chaque fois ce qui ressortait c’était : « on est prêt à maintenir la classe ouverte si vous atteignez un certain quota d'éléves ». Par exemple à Billezois, ils ont dit « on maintient la classe ouverte, et donc l’école, si vous atteignez 16 élèves à la rentrée. » 16 enfants ça peut paraître dérisoire quand on pense aux classes des villes, mais dans un village rural les effectifs sont moindres. Le souci c’est qu’actuellement ils sont 10, et il y a des CM2 qui partent donc ils se retrouvent à 8. Passer de 8 à 16 c’est énorme quand on est dans un village où il n’y a pas une démographie active. Ils ont mis en place du porte à porte, tout un tas de moyens pour convaincre les gens qui ne scolarisaient pas leurs enfants dans le village de le faire, pour sauver à tout prix leur école. »
Que va-t-il se va se passer si l’école ferme? Où vont aller les élèves ?
Sandra Cerqueira : « Ils vont être répartis dans les villages alentours. Une maman qu’on a rencontrée nous disait : « c’est complètement contradictoire, on nous dit il faut garder du service de proximité, il faut de moins en moins être dépendant de la voiture et en même temps on nous dit d’aller amener nos enfants à l’école toujours plus loin ». Il y a des écoles à 10/15km qui sont déjà surchargées et surtout avec beaucoup de niveaux. On n’a pas conscience qu’en milieu rural, parce qu'ils sont moins nombreux, il y a des classes à multiniveaux. Dans le cas de Saint-Gérand-de-Vaux, s’ils suppriment la classe, des élèves du CP au CM2 auront cours au même moment avec le même enseignant. « Comment va faire l’institutrice pour gérer tout ça ? On ne peut pas avoir 5 niveaux dans une classe ». Pas de quoi susciter des vocations en tous cas. Derrière, on retrouve également la problématique de l’attrait du privé, de la menace pour l’école publique. Quel avenir pour l’école rurale de demain ? On sent que petit à petit ça se dégrade et qu’on se dirige vers une école publique où l’enseignement ne sera pas de bonne qualité. C’est vraiment le sentiment qui domine. »
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Retrouvez « Touche pas à mon école rurale », dans Sénat en action, le mercredi 18 avril à 23h, sur Public Sénat.