Le TGV fête ses 40 ans entre fierté et « nécessaire rééquilibrage » avec les petites lignes

Le TGV fête ses 40 ans entre fierté et « nécessaire rééquilibrage » avec les petites lignes

Emmanuel Macron a salué vendredi l’aventure TGV, qui s’apprête à souffler ses 40 bougies. Le sénateur Hervé Maurey invite toutefois le gouvernement à tirer les conséquences d’un bilan qu’il estime mitigé, alors que plusieurs projets de grandes lignes viennent d’être relancés.
Romain David

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« Une fierté historique et d’avenir ». Ce vendredi, Emmanuel Macron a lancé en grande pompe les célébrations des 40 ans du TGV depuis la gare de Lyon. Le 22 septembre 1981, revêtu de son habit orange vif et flanqué d’une longue bande blanche sur ses flancs – les années 1970 n’étaient pas si loin –, le premier train à grande vitesse quittait cette gare parisienne pour rejoindre la capitale des Gaules. Le président de la République a salué un fleuron du « génie français » qui a, selon lui, largement contribué à l’aménagement du territoire ces dernières décennies.

Un développement inégal

« On peut être très fier de ce train, il a été une belle vitrine de la France mais je serais plus nuancé sur son bilan », pondère auprès de Public Sénat le sénateur (union centriste) de l’Eure Hervé Maurey, coauteur d’un rapport d’information sur la réforme ferroviaire de 2018. À ses yeux, la politique du tout TGV menée pendant plusieurs décennies a aussi eu ses écueils. Déjà en 1998, un rapport conduit par l’ancien sénateur Jean François-Poncet et par Gérard Larcher, alertait sur les faux-semblants d’un développement local permis par l’arrivée du TGV, pointant le fait que les ouvertures de nouvelles lignes étaient dictées par un souci de rentabilité, ce qui amenait surtout à relier « des pôles économiques de première importance ».

Pour Hervé Maurey, ce tropisme a abouti à une grande disparité : « Il y a des régions comme la Bretagne et l’Alsace qui ont pu bénéficier d’une proximité améliorée avec Paris grâce au TGV, mais ce n’est pas vrai pour tous les territoires. Quand on est Normand comme moi, on sait de quoi on parle », raille-t-il. Abandonné en 2013, le projet de LGV Paris-Normandie n’a été relancé qu’en 2018 avec la loi d’orientation des mobilités. À l’évocation de ces zones délaissées, Jean-Pierre Farandou, le président de la SNCF, avait concédé « une forme d’injustice territoriale » lors de son audition devant la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable du Sénat en octobre 2019. « Les densités de populations desservies ne justifiaient pas quelque part l’énorme investissement de lignes nouvelles », avait-il encore plaidé.

La politique TGV suspendue, puis relancée

Le flottement sur la LGV Paris-Normandie trahit aussi les hésitations des derniers gouvernements sur la politique d’avenir du TGV, qui a été pendant des décennies l’une des priorités du développement ferroviaire français. Au début du quinquennat, Emmanuel Macron avait opté pour mettre à l’arrêt les très coûteuses créations de lignes ferroviaires à grande vitesse. « J’étais complètement en phase avec le gouvernement », souligne Hervé Maurey qui était à l’époque président de la commission de l’Aménagement du territoire et du développement durable. « Mettre plutôt l’accent sur la rénovation du réseau, qui a été sacrifié au nom du TGV, me paraissait pertinent. »

Mais en avril dernier, l’exécutif annonce le déblocage de 6,5 milliards pour le lancement d’au moins quatre nouvelles lignes : Bordeaux Toulouse, (quatrième aire urbaine de France, la ville rose n’est toujours pas desservie par le TGV), Nice Marseille et Montpellier Perpignan. Une décision « incompréhensible et incohérente » pour le sénateur de l’Eure. « Accessoirement, on ne nous dit pas comment tout cela sera financé. Est-ce que cela induit que l’on va continuer à sacrifier le reste du réseau, qui est déjà dans une situation dramatique ? ».

À l’heure des transports durables

Les dernières dispositions législatives laissaient toutefois entrevoir cette remise en avant du TGV. Promulgué le 22 août 2021, la loi climat prévoit notamment l’interdiction des vols intérieurs lorsqu’une alternative sur rails de moins de 2h30 existe. Et l’on imagine mal un autre train que le TGV concurrencer l’aérien. « On peut commencer à réenvisager l’avenir », a plaidé Emmanuel Macron vendredi, laissant entendre que le programme de rénovation des infrastructures lancé en 2017 (et budgétisé à 3,5 milliards d’euros par an jusqu’en 2026) était suffisamment avancé. « La décennie 2020 sera la nouvelle décennie du TGV », a-t-il lancé.

Symbole de cet avenir : la maquette échelle 1/1 de la locomotive du futur « TGV M », également dévoilée aujourd’hui par le chef de l’Etat. Blanc et noir comme une navette spatiale, ce train est présenté comme un « éco TGV » par la SNCF grâce à son profil aérodynamique qui optimise la pénétration dans l’air et l’utilisation de matériaux recyclés (97 % des composants de la rame). Sa mise en circulation est attendue en 2024.

Un « rééquilibrage » nécessaire avec le reste du réseau

Si le TGV redevient une priorité, le sénateur Hervé Maurey insiste sur « la nécessité d’un rééquilibrage » avec les petites lignes, et ce notamment pour lutter contre ce que le rapport de 1997 qualifiait d’« effet tunnel ». À savoir : la suppression des dessertes classiques lorsqu’une liaison TGV existe entre deux grands pôles. « N’oublions pas qu’autrefois nous avions un niveau de maillage ferroviaire extrêmement fin. Il n’y a qu’à voir le nombre de gares qui sont fermées aujourd’hui… », soupire-t-il.

Autre nécessité pour le TGV de demain : adapter ses tarifs. « Ils sont très chers et incompréhensibles. Lorsque vous faites un sondage dans une voiture TGV, personne n’a payé le même prix. De ce point de vue là, ça n’a jamais été un transport démocratique », ajoute Hervé Maurey. Début juin, la SNCF a annoncé une nouvelle grille tarifaire, avec une nouvelle offre de réduction garantissant des prix plafonnés en fonction des trajets. « On va gagner un peu moins d’argent avec cette carte, mais notre objectif c’est de faire venir plus de voyageurs au train », avait alors expliqué sur Europe 1 Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs. Un enjeu majeur pour l’entreprise publique : car l’aventure TGV pourrait difficilement se poursuivre sans le retour des nombreux voyageurs qui ont délaissé le train pendant la crise sanitaire.

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