Les banlieues, grandes oubliées de la campagne présidentielle

Les banlieues, grandes oubliées de la campagne présidentielle

Ce mardi, la Coordination nationale « Pas Sans Nous », « porte-voix » des habitants des quartiers populaires, présentait les dix premières propositions qu’elle souhaite soumettre aux candidats à la présidentielle. Son objectif : que les politiques s’intéressent enfin aux banlieues, au delà des violences policières et de la radicalisation.
Public Sénat

Par Alice Bardo

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« Aucun candidat n’a pour l’instant décidé de nous rencontrer », regrette Mohamed Mechmache, co-président de la Coordination nationale « Pas Sans Nous ». Assis aux côtés de quatre autres membres du  « syndicat des quartiers populaires », il fait face à la salle quasi vide de la rue Saint-Bruno, dans le 18e arrondissement de Paris. L’homme s’offense du désintérêt pour la question des banlieues, dont il attribue la responsabilité aux politiques et à certains médias, qui «  facilitent les préjugés ». « La question des quartiers populaires ne doit pas être réduite aux violences policières et à la radicalisation », déclare M. Mechmache. On demande seulement à avoir les mêmes droits que les autres. Pas plus, pas moins. »

Nicky Tremblay est en colère. La co-présidente de « Pas Sans Nous » ne supporte plus d’être « réduite au silence ». Ce ressentiment, cette cinquantenaire engagée l’exprime après trente ans de combat « sur la réalité des quartiers » et « quarante ans de mauvais choix politiques ». Un combat qui a donc commencé bien avant la création de la Coordination nationale, en 2014, pour « mettre en œuvre le rapport ''Pour une réforme radicale de la politique de la Ville'' » co-écrit par Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache.

Nicky Tremblay : "Les quartiers populaires ne font pas partie des priorités des candidats"
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« Certains élus jouent le jeu »

Remis à François Lamy, alors ministre délégué à la Ville, en juillet 2013, ce rapport contient 30 propositions, « qui ne demandent aucuns moyens financiers ». « Mais il faut du courage politique », précise Mohamed Mechmache. Et visiblement, certains en ont manqué. « Une seule proposition a été retenue : les conseils citoyens » (créés par la loi de programmation pour ville et la cohésion urbaine du 24 février 2014), remarque le co-président de « Pas sans Nous ». Son homologue renchérit : « C’est un échec, un détournement. » Nicky Tremblay craint que ces conseils n’échappent aux citoyens. « Nous, nous avons mis en place les tables de quartiers, qu’on croise avec les conseils citoyens pour ne pas créer de divisions. Mais on constate que les citoyens délaissent peu à peu les conseils. » Mohamed Mechmache tempère : « Il y a aussi certains élus qui jouent le jeu. »

Si la quasi-totalité des 30 propositions du rapport est restée lettre morte, les membres de la Coordination nationale « Pas Sans Nous » ont bon espoir qu’il n’en soit pas de même pour les dix propositions qu’ils adressent aux candidats à la présidentielle. Droit au logement et à la santé, lutte contre les discriminations, évolution du regard des médias et promotion de la démocratie culturelle sont leurs priorités. « Comment se fait-il qu’il n’y ait pas un enseignant devant chaque gamin ? », s’indigne Nicky Tremblay. « On veut des meilleurs profs dans les ZEP (Zones d’éducation prioritaires) et des logements décents pour tous », surenchérit Fatima, la porte-voix de Toulon.

« La misère est un vrai marché, les quartiers, un fonds de commerce »

« Pas Sans Nous » met également sur la table « deux propositions opérationnelles », et notamment la création d’un Fonds pour la démocratie d’initiative citoyenne, qui serait doté de 35 millions d’euros, soit 5% du budget consacré chaque année au fonctionnement de la démocratie représentative. Yannick Jadot, Philippe Poutou et Jean-Luc Mélenchon se sont intéressés à cette proposition, « mais c’est tout ». La Coordination nationale veut également instaurer une Fondation pour la solidarité sociale afin d’attribuer des subventions aux associations. Des associations indispensables mais trop souvent « démantelées » ou sujettes au « clientélisme ». « La misère c’est un vrai marché, les quartiers, un fonds de commerce », regrette Fatima.

Tous sont conscients que des décisions politiques ont été prises concernant les banlieues, mais ils déplorent de « mauvais choix » : « On a mis énormément d’argent dans les quartiers mais cet argent a été mal fléché, regrette Mohamed Mechmache. On pensait qu’en repeignant les façades des bâtiments on allait régler le problème du chômage ». L’homme est indigné. Il veut « agir pour ne plus subir », annonce de prochaines « actions bien visibles », et évoque même un  « printemps des quartiers populaires » qui se prépare.

Le moment choisi par la Coordination nationale « Pas Sans Nous » n’est pas un hasard. « Elles sont où les propositions des candidats pour nos quartiers ?, interroge la co-présidente. « Si le Front national passe, ce n’est pas que les quartiers qui prendront, c’est toute la France. »  Mohamed Mechmache rappelle que 9 millions de personnes vivent dans des quartiers populaires. Un électorat non négligeable. « A la dernière présidentielle, la banlieue a fait l’élection. Et ça, on a tendance à l’oublier », rappelle t-il en guise d'avertissement aux candidats.

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