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« Les docus de Noël » : Comment la Côte d’Azur est devenue un mythe

Cannes, Monaco ou encore Saint-Tropez, autant de noms qui invitent au voyage, et au soleil. Mais comment la Côte d’Azur est devenue le mythe que l’on connait aujourd’hui ? A travers des images d’archives et de clichés plus récents le film d’Emmanuelle Nobécourt nous invite au voyage tout en suscitant une réflexion sur la manière dont la société, avec ses codes et ses rituels, peut façonner une région. Comment ces paysages désertiques et sauvages des rives de la Méditerranée se sont-ils transformés en un paradis touristique ? Comment, au fil de l'évolution des mœurs et de l'époque, le sud de la France est-il devenu la mythique Côte d’Azur ? « Bons Baisers de la Côte d’Azur », un documentaire dépaysant qui raconte l’histoire de la French Riviera.
Antoine Ogier

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La dolce vita, le luxe, le plaisir, autant de termes qui résonnent dans notre imaginaire collectif lorsqu’on évoque les vacances sur la Côte d’Azur. Emmanuelle Nobécourt explore ces notions dans son film. Les images en noir et blanc d’époque se mêlent au récit de l’actrice Emma de Caunes, subtilement mise en scène pour l’occasion. Le film narre une rencontre fondatrice sans laquelle rien de tout cela n’aurait existé.

En 1920, la riche et éduquée famille Murphy s’installe sur la Côte d’Azur. À cette époque, la chaleur suffocante n’inspire aucun plaisir, et la baignade n’est pas une pratique répandue. Les premiers touristes, qui ont bien profité de l’air marin en hiver, regagnent leur résidence principale. Seuls les Murphy, riches esthètes américains, profitent, légèrement vêtus, des plaisirs de la plage sous un soleil de plomb. Leur mode de vie inspire des personnalités extravagantes. Quelques figures déjà bien connues de l’époque, dont le célèbre Pablo Picasso, installé dans le sud de la France, prend part à la dolce vita de ces intellectuels flâneurs. Pour ces gens de bonne famille, pas besoin de loisirs particuliers pour passer du bon temps. Le soleil, la plage, le calme suffisent à leur bonheur. Sans le savoir, ces pionniers de la Côte d’Azur sont en train d’inventer l’été.

Colette, Ernest Hemingway, Scott et Zelda Fitzgerald veulent en faire partie. Ils voyagent vers la Côte d’Azur pour profiter de la chaleur et de l’eau salée, importent avec eux le mode de vie californien, qui donnera son nom à un quartier huppé de la ville de Cannes et qui donnera l’idée à une partie de l’aristocratie américaine d’affluer sur la Côte d’Azur.
Pour accueillir cette nouvelle clientèle aisée, les hôtels, généralement fermés pendant l’été, ouvrent leurs portes. C’est le cas de l’Hôtel du Cap (aujourd’hui l’Eden Roc), une magnifique villa idéalement située à l’abri des regards, en bord de mer sur le cap d’Antibes, que des clients comme les Murphys adorent. Excentré, loin du tumulte de la ville, le lieu est envahi par la nature, entre les pins, la roche et la mer. Une nature qui permet d’inventer une façon de vivre, avec presque rien. Les personnalités les plus singulières de l’époque, rêvant d’un nouvel art de vivre centré sur le corps et la nature, deviennent des habituées.
D’autres lieux ouvrent au public, comme la Villa Noailles, lieu de toutes les excentricités, laissant place à la créativité des jet-setters de l’époque pour faire la fête jusqu’à n’en plus pouvoir. Les Fitzgerald, figures marquantes de cette période festive, investissent les lieux jours et nuits jusqu’à ce que la fête prenne un tournant tragique pour Zelda Fitzgerald, qui ne se remettra pas de ses excès à répétition et finira internée. La frénésie instaurée, notamment par les Fitzgerald, se propage sur une grande partie de la clientèle fortunée mais prend fin avec la crise de 1929, qui ruine une grande partie d’entre eux.

Alors que les inventeurs de l’été quittent la scène, leur jardin d’Éden n’est plus un secret pour personne, et le développement des chemins de fer dans les années 30, marque un tournant dans le tourisme de masse. Une vague de touristes prend les premiers trains pour rejoindre la Côte d’Azur.

Contrairement « aux inventeurs de l’été », ces nouveaux venus ne savent pas s’occuper eux-mêmes, ils ont besoin qu’on leur propose des activités : c’est la naissance des loisirs. Pour satisfaire cette clientèle privilégiée, les hôtels ne lésinent pas sur les moyens : sports nautiques, restaurations continues, piscines… Les hôtels réinventent leur stratégie de vente et font émerger une formule « tout compris » bien connue des centres de vacances. Le tourisme de masse et l’argent qu’il génère alimentent une rivalité entre les différentes villes de la French Riviera.

Monaco et Cannes se disputent les plus beaux hôtels, les plus belles voitures, les plus beaux yachts. Si Monaco affirme sa prééminence en déployant au cœur de la ville les plus belles carrosseries et en inaugurant le mondialement connu « Grand Prix de Monaco », Cannes, de son côté, marque des points avec des galas organisés dans les plus somptueux palaces de la ville. Un match nul, semble-t-il, mais Monaco prend l’avantage grâce au jeu d’argent alors interdit sur le territoire français. La principauté mise tout sur les casinos pour attirer les gens riches en quête de distractions nocturnes. La vie autour des casinos regorge d’histoires aussi romanesques que tragiques, parmi lesquelles celle d’Otéro, la chanteuse et danseuse espagnole de la belle époque. Elle fut la maîtresse du Tsar, du Kaiser, du roi et de plusieurs ministres, mais meurt seule, asphyxiée par les dettes accumulées en perdant à la roulette…

Des histoires qui contribuent à la mythologie de la Côte d’Azur, rayonnant à l’international grâce à des personnalités extraordinaires. Tout au long du siècle, cet endroit a été une source d’inspiration majeure pour les artistes. Peintres, musiciens et réalisateurs cherchent à témoigner de leur émerveillement à travers des œuvres devenues incontournables. Le documentaire est l’occasion de rappeler que c’est sur la Côte d’Azur que les frères Lumière ont donné naissance au cinéma avec « L’entrée du train en gare de La Ciotat » en 1895. Un événement en apparence anodin, mais qui prend une autre dimension lorsque l’on sait que 50 ans plus tard, la French Riviera se sent prête à concurrencer Hollywood avec la création du Festival de Cannes. Pendant dix jours, Cannes reçoit le monde entier et les plus grandes vedettes, perpétuant le mythe et gagnant même du terrain en se propageant jusqu’à Saint-Tropez, petit village de pêcheurs que des célébrités comme Brigitte Bardot ou Françoise Sagan métamorphosent à la fin des années 50 en un refuge de stars et de milliardaires. Aujourd’hui, les touristes se déplacent chaque été par milliers pour venir admirer les Yachts qui s’exhibent sur le petit port de pêche, surclassant de loin celui de Monaco et de Cannes.

Retrouvez le documentaire « Bons Baisers de la Côte d’Azur » le 27 décembre à 22h puis en replay sur notre site internet ici.

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