Les écolos du Sénat demandent à Christophe Béchu une interdiction temporaire de la chasse, 3 après-midi par semaine

Les écolos du Sénat demandent à Christophe Béchu une interdiction temporaire de la chasse, 3 après-midi par semaine

Alertant le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires sur les derniers accidents de chasse, les sénateurs écologistes lui demandent dans un courrier de suspendre la pratique sur le territoire trois après-midi par semaine.
Romain David

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Ils réclament des mesures d’urgence. Les sénateurs du groupe écologie, solidarité et territoire ont adressé un courrier à Christophe Béchu, le Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires pour tirer la sonnette d’alarme sur les derniers accidents de chasse qui ont défrayé la chronique. Ils réclament une interdiction « temporaire » de la chasse trois après-midi par semaine, le temps que le gouvernement prenne des dispositions ou légifère pour garantir une meilleure sécurité des promeneurs.

Dimanche dernier, une Britannique de 67 ans a été tuée par un tir de son compagnon lors d’une battue aux sangliers à Goudelin, dans les Côtes-d’Armor. Selon des précisions du procureur de la République de Saint-Brieuc, l’homme tenait son arme sur l’épaule, canon à l’arrière, lorsque le coup de feu est parti. Une semaine plus tôt, la journée 9 octobre avait été marquée par deux accidents de chasse, survenus à quelques heures d’intervalle, dans le Rhône et dans la Drôme.

Sur la commune de Pommiers, au nord de Lyon, une randonneuse et ses deux enfants, âgés de 10 et 7 ans, ont été légèrement blessés aux jambes par des plombs. « J’ai tiré et ça a fait ricochet », a expliqué à France 3 le chasseur de 81 ans qui visait un lièvre. À Vinsobres, à une trentaine de kilomètres d’Orange, c’est un cueilleur de champignons qui a été grièvement blessé à l’abdomen le même jour, par une balle de calibre 270 Winchester. « Il ressort des premiers actes d’enquête que le tireur aurait cherché à pister un sanglier en utilisant le collier GPS d’un chien. Une fois sur place, il affirme avoir confondu la victime avec un sanglier dissimulé par les fourrés. C’est dans ces conditions qu’il dit avoir tiré sur cette personne qui ramassait des champignons », a indiqué le parquet de Valence.

Suspendre la chasse les mercredis après-midi, samedis après-midi et dimanches après-midi

« La répétition de ces drames nourrit un sentiment d’insécurité croissant chez les promeneurs. Nos compatriotes demandent à pouvoir se promener dans les espaces naturels de nos régions sans devoir craindre pour leur vie », écrivent les écologistes du Sénat dans cette lettre datée du 14 octobre. « Nous vous demandons d’enjoindre aux préfets d’adopter une mesure temporaire portant interdiction de la pratique de la chasse les mercredis après-midi, samedis après-midi et dimanches après-midi. Cette mesure conservatoire, justifiée par l’urgence de la situation, permettra au Gouvernement d’évaluer l’opportunité d’adopter des mesures pérennes de partage des milieux naturels », arguent les élus.

« Nous avons choisi les jours où il y a le plus de promeneurs », précise auprès de Public Sénat le sénateur EELV Daniel Salmon, membre du groupe d’étude Chasse et pêche au sein de la Chambre haute, et l’un des signataires de ce courrier. Outre les questions de sûreté, il faut valoir le droit des usagers à profiter des espaces naturels en toute sérénité : « On sous-estime la question de la sécurité ressentie. Chaque promeneur à le droit d’arpenter des chemins sans tressaillir à chaque coup de feu, même tirés à plusieurs kilomètres de distance ».

En ligne de mire de cette initiative, certaines des recommandations formulées par la mission sénatoriale de contrôle sur la sécurisation de la chasse, dans un rapport publié le 13 septembre dernier. Les élus se prononçaient en faveur d’une interdiction de l’alcool et des stupéfiants à la chasse, avec des règles en la matière alignées sur celles du Code de la route ; pour un durcissement de l’obtention du permis de chasse, notamment avec « une épreuve vérifiant l’habileté au tir » ; ou encore sur la nécessité de publier sur Internet, en open data, les périmètres de chasse.

» Retrouvez dans cet article le détail des préconisations de la mission sénatoriale de contrôle sur la sécurisation de la chasse

« Le moment est mûr »

Ce travail parlementaire a eu pour origine une pétition déposée auprès du Sénat par le collectif « Un jour un chasseur », ayant récolté plus de 100 000 signatures en moins de deux mois. Ce texte, motivé par la mort de Morgan Kean, un jeune homme de 25 ans abattu par un tir de chasseur en décembre 2020 alors qu’il coupait du bois dans son jardin, réclamait initialement une interdiction de la chasse le mercredi et le dimanche, sur l’ensemble du territoire. Mais cette option a été rapidement balayée par le rapporteur qui n’a pas voulu créer un précédent pouvant ouvrir la voie à l’interdiction d’autres pratiques de plein air. Par ailleurs, la mission a estimé qu’il n’y avait pas de surreprésentation des accidents de chasse les week-ends et les mercredis.

Des conclusions qui n’ont pas reçu l’approbation des élus écologistes, favorables quant à eux à une interdiction. Ils espèrent désormais que l’actualité des dernières semaines poussera le gouvernement à franchir le guet, via des arrêtés préfectoraux. « Notre lettre est un appel à la réaction dans le court terme. Je ne me positionne pas comme un anti-chasse, mais il faut aller de l’avant et trouver de vrais compromis. On ne peut pas attendre la fin de la saison et compter le nombre de morts. Le moment est mûr pour aller plus loin », martèle le sénateur Daniel Salmon.

Un rapport critiqué par les associations et les chasseurs

Le rapport de la mission sénatoriale avait soulevé la colère des associations, moins parce qu’il délaissait la possibilité d’une interdiction hebdomadaire que pour avoir proposé un délit d’entrave à la chasse, avec à la clef un an d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. De son côté, la Fédération nationale des chasseurs n’avait pas non plus caché son mécontentement face à ce document, dénonçant un « mille-feuille de contraintes inadaptées et irréalistes ».

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