Ce matin, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » a été adoptée par la commission des affaires économiques du Sénat. Elle prévoit des assouplissements sur les pesticides et le stockage de l’eau, et entend calmer les tensions entre les agriculteurs et l’Office français de la biodiversité.
Les pêcheurs privés de revenus par le covid-19
Par Fabien Recker
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À Boulogne-sur-Mer, la criée continue d’ouvrir tous les matins. « On travaille au ralenti » soupire Olivier Leprêtre, marin-pêcheur et président du comité régional des pêches. « On fonctionne avec un petit roulement de bateaux, à 20% de notre activité normale. C’est à peu près la capacité de la criée actuellement. »
Face à l'épidémie de covid-19, les pêcheurs français essaient de limiter les dégâts. « Après l’annonce du confinement le 16 mars, tous les bateaux sont rentrés. C’était catastrophique. Depuis, on a réamorcé l’activité avec la grande distribution. Tout le monde ne peut pas se nourrir uniquement de pâtes pendant des semaines ! » assure de son côté Éric Gosselin, le directeur de la Coopérative maritime étaploise (CME).
Une demande en berne
Il n’empêche, la demande s’est effondrée. Conséquence de la fermeture des restaurants, qui prive le secteur de la moitié de ses débouchés, mais aussi des comportements d’achat des Français depuis le confinement. « Il y a une désaffection du consommateur pour le poisson, par crainte du produit frais » observe-t-on chez Système U. Même constat chez Leclerc où « la vente de poisson connaît une baisse importante. » Selon la Fédération de la grande distribution et du commerce, entre 10 et 15% des rayons poissonnerie seraient actuellement fermés dans les magasins.
À la CME, on n’a envoyé que 5 chalutiers au large cette semaine, au lieu de 17 habituellement. « Il ne faut surtout pas mettre trop de bateaux » explique Éric Gosselin, « car la demande ne serait pas assez importante pour absorber la pêche. » Ce qui provoquerait un nouvel effondrement des prix, déjà malmenés depuis le début de l’épidémie.
La peur de se contaminer à bord
D’autant que tous les marins ne sont pas volontaires pour partir. Par peur du covid-19, certains équipages refusent de prendre la mer. Et ceux qui y vont le font « la boule au ventre », admet le directeur de la CME. Difficile en effet d’appliquer les « gestes barrières » sur un chalutier. Olivier Leprêtre, le président du comité des pêches, peut en témoigner. « Sur un bateau on est déjà très confinés. Si quelqu’un a la grippe ou un vulgaire rhume, dans la semaine tout le monde l’a attrapé. Donc celui qui embarque avec le virus contamine tout l’équipage. »
À l’armement Bigouden, basé au port du Guilvinec dans le Finistère, on a pris une décision radicale. « Nous avons 11 bateaux, ils sont tous à terre. Ils ne bougeront pas tant qu’on n’aura pas le matériel qu’il faut, c’est-à-dire les masques, les gants et les tests » prévient la patronne de l’entreprise, Soazic Palmer-Legal. Lundi 30 mars, le ministre de l’agriculture Didier Guillaume avait annoncé vouloir fournir des masques et des tests de dépistage au départ pour les équipages, jugeant que « la pêche vit un drame absolu » face à l’épidémie. « Il y n’a pas de tests, pas de masques, pas de gel » tranche Eric Gosselin à la CME. « On a essayé de passer des commandes mais pour l'instant on n'a pas trouvé. On travaille avec des visières amovibles, du type de celles qu’on utilise pour faire de la débroussailleuse. »
Une aide de l'Europe en vue ?
En plus des masques, les pêcheurs attendent une aide financière. Les équipages restés à quai seront éligibles au dispositif de chômage partiel proposé par le gouvernement. Mais la mesure tarde à être effective. « Les marins sont payés à la part sur le produit de la vente de la journée » explique Michel Canevet, sénateur (UC) du Finistère. « Donc il a fallu trouver un système forfaitaire entre le ministère du travail et les organisations professionnelles. C’est en cours de validation ». « Rien n’est finalisé » s’agace Soazic Palmer-Legal, de l’armement Bigouden. Même impatience chez Olivier Leprêtre à Boulogne : « Ca fait quasiment une semaine qu’on attend la validation du ministère du travail, ils feraient bien de se bouger ! »
Il y a des maisons à payer, des familles à nourrir
Une deuxième bouée de sauvetage pourrait être lancée depuis Bruxelles. Jeudi, la Commission européenne a donné son feu vert pour que les arrêts temporaires d’activité soient indemnisés via le Fonds européen aux affaires maritimes et la pêche (FEAMP), dont la gestion doit être assouplie. La France a salué cette décision, qui doit encore être validée par le Parlement européen.
« Le problème avec les aides européennes, c’est que c’est un processus qui est assez lourd. Il faut que les entreprises fassent attention, les délais de versement des aides sont longs » avertit Michel Canevet. Pour Soazic Palmer-Legal, ces aides versées par l’UE ne seront de toute façon « pas suffisantes pour couvrir les charges fixes de l’armement » pendant que ses bateaux resteront à quai.
En plus de ces indemnisations, les pêcheurs vont bénéficier de reports de charges, au même titre que les autres entreprises du pays. Mais Olivier Leprêtre, du comité des pêches à Boulogne-sur-Mer, ne se fait pas d’illusions. « Je sais que ca va nous coûter très cher. On va perdre des entreprises... Les marins sont dans l’attente. Il y a des maisons à payer, des familles à nourrir. Ils sont inquiets. »