MANIF VIOLENCES FEMMES

Les violences faites aux femmes toujours en augmentation, malgré des mesures nouvelles et des moyens en hausse

Grande cause des deux quinquennats d’Emmanuel Macron, la lutte contre les violences faites aux femmes peine à porter ses fruits. Retour sur les principales mesures mises en place depuis 6 ans.
Simon Barbarit

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Érigée en grande cause du quinquennat et du précédent, la lutte contre les violences faites aux femmes, est un chemin de longue haleine. 244 300 victimes de violences conjugales, en grande majorité des femmes, ont été recensées par les forces de l’ordre en France en 2022, une hausse de 15 % par rapport à 2021, « proche du taux d’évolution annuel moyen constaté depuis 2019 », et interprété par le ministre de l’Intérieur comme le signe d’une meilleure prise en compte de leur parole. On dénombre également 118 féminicides en 2022, quatre de moins qu’en 2021.

C’est la veille de la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes que la Première ministre, Élisabeth Borne a choisi, ce vendredi, de lancer une campagne de sensibilisation contre les violences sexistes et sexuelles dans les transports en commun, gare Saint Lazare. Une action qui rappelle celle de Marlène Schiappa en 2018, alors secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes.

Loi Schiappa : l’infraction d’outrage sexiste

C’est la loi « Schiappa » qui a créé une infraction d’outrage sexiste afin de réprimer le harcèlement de rue. Cette loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a également permis de sanctionner l’utilisation de la drogue du violeur. « Le fait d’administrer ou de tenter d’administrer à son insu à une personne une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle » désormais puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Instauration des bracelets anti-rapprochement

Un an plus tard, le gouvernement lançait le Grenelle des violences conjugales. Il donnera lieu à l’adoption d’une nouvelle loi, issue de l’Assemblée nationale, visant à protéger les victimes de violences conjugales, en 2020. Le texte intègre plusieurs dispositifs pour faciliter le signalement de violences conjugales. Il offre la possibilité aux professionnels de santé de porter ces faits au procureur de la République, et ce même sans l’accord de la victime. Le texte prévoit aussi que le juge aux affaires familiales puisse prononcer une interdiction de rapprochement du conjoint violent, garantie par le port d’un bracelet dit anti-rapprochement, la saisie des armes blanches et des armes à feu dès le dépôt de plainte, l’organisation de l’accompagnement des enfants, ou encore l’encadrement du permis de visite pour protéger les victimes.

Si la production législative est féconde, les associations féministes et certains élus regrettent « cette succession de lois partielles » au détriment d’une loi-cadre sur le sujet des violences faites aux femmes. A l’époque, plusieurs faits divers particulièrement médiatisés vont aussi démontrer des défaillances dans l’application sur le terrain des mesures votées, et ce, malgré des moyens en hausse, notamment pour généraliser l’utilisation du millier de bracelets anti-rapprochement. Les missions d’inspections qui ont suivi les meurtres de deux femmes sous les coups de leurs conjoints à Mérignac, et à Hayange en 2021 vont conduire l’exécutif à prendre des mesures supplémentaires.

Parmi celles-ci, la mise à disposition de 3 000 « téléphones grave danger » en 2022, et la création d’un fichier des auteurs de violences conjugales. Une instance de suivi judiciaire des situations individuelles a été mise en place. Elle réunit magistrats, forces de sécurité intérieure et service pénitentiaire d’insertion et de probation.

Un milliard en trompe-l’œil

Mais à la fin du premier quinquennat, le bilan est en demi-teinte pour le gouvernement, malgré la création de 9 000 places supplémentaires d’hébergement d’urgence dédiées aux femmes victimes de violences conjugales, l’extension des horaires de la plateforme d’écoute et d’orientation 3919 désormais accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et étendu aux territoires ultramarins ou encore la création d’une quinzaine de centres de prise en charge des auteurs de violences sur l’ensemble du territoire national.

« L’Espagne a investi un milliard, mais sur cinq ans. En France, en 2021 nous avons investi 1,2 milliard d’euros », mettra en avant, devant le Sénat en février 2022, Élisabeth Moreno, ministre déléguée à l’Egalité entre les femmes et les hommes. Des chiffres nuancés par un rapport d’information de la Haute Assemblée sur le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes, « L’augmentation du budget du ministère s’est accompagnée d’une augmentation de ses missions réduisant ainsi de facto les crédits supplémentaires concrètement alloués à notre sujet », répliquera l’auteur du rapport, le sénateur communiste, Éric Bocquet.

Le second quinquennat d’Emmanuel Macron va amener le débat autour des juridictions spécialisées dans les violences intrafamiliales. Contre l’avis du gouvernement, les députés ont voté une proposition de loi en ce sens du député LR, Aurélien Pradié. Reprenant les préconisations d’une mission d’information du Sénat, le projet de loi Justice porté par Éric Dupond-Moretti va finalement privilégier des pôles spécialisés dans les juridictions.

Aide financière d’urgence pour les victimes

Adoptée en février dernier et fruit d’une coconstuction entre députés et sénateurs, la proposition de loi de l’ancienne sénatrice centriste, Valérie Létard va entrer en vigueur le 1er décembre. Elle permet une aide financière d’urgence à hauteur de 600 euros en moyenne versée par les CAF aux victimes de violences conjugales pour leur permettre de quitter leur domicile.

Une aide fléchée dans le budget 2024 actuellement examiné au Sénat, dans le programme budgétaire numéro 137 consacré à l’égalité femme – homme. Un programme qui ne pèse que 76 millions (contre 54 millions l’année dernière) sur les 30 milliards de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».  « L’augmentation de 16 % de ces crédits est presque entièrement absorbée par la mise en œuvre […] de l’aide exceptionnelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales », constatent les rapporteurs spéciaux, Arnaud Bazin (LR) et Éric Bocquet (communistes). Ils appellent en outre à la vigilance et rappellent que « les associations de lutte contre les violences faites aux femmes ont relevé que le montant budgété, de 13 millions d’euros, risquait de n’être pas suffisant pour assurer une appropriation large de cette aide par les victimes ».

 

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