« L’état de nos prisons est honteux, c’est immonde », alerte la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté

Dominique Simonnot a alerté sur l’état « immonde » des prisons françaises, en pointant la responsabilité de l’Etat dans une situation « honteuse. » La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté a déploré un discours politique « pas à la hauteur » et a appelé à « vider les prisons » plutôt qu’à en construire.
Louis Mollier-Sabet

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Après les dégradations qui ont suivi la victoire du PSG en Ligue des champions, le garde des Sceaux a annoncé vouloir mettre fin aux peines avec sursis. De son côté, Dominique Simonnot ne « comprend pas exactement » ce que Gérald Darmanin a voulu annoncer et l’a appelé à davantage de « courage politique » pour « porter une certaine philosophie de la peine » qui ne soit pas un « empilement de mesures. » La contrôleuse générale des lieux de privation et de liberté a rappelé que le rôle de la prison était double : « La punition et la mise à l’écart de la société » d’une part, et la réinsertion de l’autre. « Le discours politique n’est porté que sur la punition, c’est une erreur. Vu l’état des prisons, si la société veut se venger, c’est réussi », a-t-elle regretté.

« La prison est plus néfaste que bénéfique, et ce pour tout le monde »

« Je sors d’une prison où une jeune femme hurlait sans discontinuer, ses codétenues devenaient folles. Certaines personnes n’ont pas leur place là-bas : il y a 30 % de personnes atteintes de troubles psychiatriques graves en prison. Il y a une étude récente de deux chercheurs [Camille Lancelevée et Thomas Fovet, ndlr], qui s’intitule ‘la prison pour asile’. On a supprimé les vieux asiles psychiatriques d’antan, maintenant c’est la prison qui joue ce rôle », a poursuivi Dominique Simonnot en concluant que « la prison est plus néfaste que bénéfique, et ce pour tout le monde. »

La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté a livré une description saisissante des conditions de détention françaises, les pires d’Europe après Malte et la Roumanie : « Tout cela nous coûte très cher pour fabriquer de la récidive. Vous sortez de quelques mois entassés à trois 22 heures sur 24 dans une cellule avec des cafards qui grouillent, des punaises de lit qui vous dévorent et des rats qui courent. L’état de nos prisons est honteux, c’est immonde, vous ne sortez pas pareil de ces visites. Il y a une énorme responsabilité de l’Etat, et il n’y a pas le courage politique de tenir un discours sain qui marche sur les deux jambes : la punition et la réinsertion par le développement d’alternatives. Le discours politique n’est pas à la hauteur. »

« On devrait parler de vider les prisons plutôt que d’en construire »

D’après Dominique Simonnot, « on devrait parler de vider les prisons plutôt que d’en construire », qui rappelle les politiques mises en place au moment du Covid. « À l’époque, nous avions fait sortir des détenus à quelques mois de la fin de leur peine, encadrés par les services pénitentiaires. On ne parle pas de grands criminels, mais de l’immense majorité des détenus qui remplissent les prisons, les petits délinquants », a-t-elle développé.

La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté insiste sur les « alternatives qui ne sont pas assez usitées » en France, comme les « places de semi-liberté » que Gérald Darmanin a annoncé vouloir développer ou bien les « chantiers en extérieur » qui permettent à des détenus d’apprendre un métier dans un autre lieu tout en étant soumis à un contrôle de l’administration pénitentiaire. « En France seuls 25 % des détenus travaillent pour 75 % en Allemagne, parce qu’on ne met pas les efforts sur ce qui pourrait réinsérer, tout ce qui pourrait apprendre autre chose », a-t-elle conclu.

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