La nouvelle est tombée 48 heures seulement avant son entrée en vigueur. Ce jeudi 30 janvier, dans la soirée, l’Agence du service civique a informé par mail ses partenaires de « la suspension de toute nouvelle mission de service civique, à compter du 1er février et jusqu’à l’adoption du budget de l’Etat pour 2025 ». « Une incertitude demeure sur les contrats saisis après le 1er janvier », ajoute l’agence dans sa note, laissant planer le risque d’une remise en cause des contrats pour les jeunes embauchés le mois dernier.
« Cela laisse sur le carreau 5 000 jeunes à qui on a demandé brutalement de rentrer chez eux et qui ne sont pas sûrs de percevoir d’indemnités pour leur mission en janvier », a réagi Claire Thoury, la présidente du Mouvement associatif, demandant au Premier ministre de revenir sur cette « décision brutale ». Contacté, le Mouvement associatif indique avoir été reçu par le cabinet de François Bayrou ce 3 février, le chef de l’exécutif se serait « engagé à chercher une solution, mais sans préciser les leviers possibles ».
Un budget de 600 millions d’euros dans le projet de loi de finances 2025
Le dispositif, créé en 2010 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, permet à des jeunes de 16 à 25 ans de s’engager dans des structures agréées – le plus souvent des associations, services publics ou collectivités locales – pour une mission de 6 mois à un an. Le tout est rémunéré à hauteur de 620 euros par mois, dont 505 euros pris en charge par l’Etat.
Lors de l’examen du volet « jeunesse et vie associative » du budget le 16 janvier dernier, les sénateurs ont ainsi adopté la copie du gouvernement qui prévoit de doter l’Agence du service civique de 600 millions d’euros. Un montant qui permet la conclusion de 150 000 contrats de jeunes en service civique, comme en 2024.
Deux semaines après l’examen de la mission par la chambre haute, le rapporteur spécial des crédits pour la commission des finances, Éric Jeansannetas, ne comprend pas l’annonce de la suspension des contrats. « L’Etat n’est pas au rendez-vous vis-à-vis de sa jeunesse ! », dénonce le sénateur socialiste. Une décision d’autant plus difficile à entendre que l’adoption d’une loi spéciale fin décembre dernier permet déjà de préserver les moyens alloués à l’agence en 2024, soit plus de 518 millions d’euros.
« C’est une annonce politique, on cherche à affoler les gens »
Maintenu à son niveau de 2024, le budget de l’Agence du service civique pourrait même connaître une hausse de 15 % dès cette semaine, avec le vote du budget 2025. En effet, le dénouement sur le texte semble proche : ce 3 février, le Premier ministre a déclenché l’article 49.3 à l’Assemblée nationale, permettant l’adoption du projet de loi de finances sans vote. Si la motion de censure déposée par La France insoumise, examinée en milieu de semaine, ne recueille pas la majorité des suffrages des députés, le texte sera alors considéré comme adopté à l’Assemblée. Au Sénat, son vote le 6 février devrait être une formalité.
Pour Éric Jeansannetas, cette nouvelle brutale a donc tout de l’ « instrumentalisation » : « J’ai le sentiment que cette annonce, qui choque l’opinion publique, est faite pour prouver que la censure du gouvernement n’est pas opportune. C’est de la manipulation, on prend en otage le dispositif, nos jeunes et nos associations, pour un argument qui n’est pas recevable ! »
La suspension du dispositif ne serait-elle qu’un moyen de pression, pour prouver les conséquences concrètes d’une absence de budget pour 2025 et éviter le vote d’une nouvelle motion de censure ? Comme son collègue socialiste, le sénateur Les Républicains Cédric Vial fait cette analyse : « C’est une annonce politique, on cherche à affoler les gens pour rien. Le vote de la loi spéciale permet à l’Agence du service civique de fonctionner pendant plus de deux mois. D’ailleurs, la grande majorité des jeunes en service civique débutent leur mission en début d’année scolaire, pas au mois de février. »
Ce 3 février, au micro de RTL, la ministre des Comptes publics a confirmé que tous les jeunes engagés pourront honorer leur contrat, une fois le projet de loi de finances adopté. « Je peux garantir que si ce budget passe, si la France peut repartir, elle repartira aussi pour le service civique », a assuré Amélie de Montchalin.