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Loi de programmation militaire : le Conseil constitutionnel valide l’étude d’impact, « au Parlement de travailler »

Saisi par les députés de l’opposition, dont le groupe LR, qui pointaient la « faiblesse » de l’étude d’impact de la loi de programmation militaire, le Conseil constitutionnel l’a finalement validée dans une décision rendue jeudi. Au Sénat, les élus ont quant à eux déjà corrigé la copie du gouvernement.
Simon Barbarit

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L’initiative du député LR, Olivier Marleix avait pris de court les sénateurs de son parti politique. La semaine dernière, le patron des députés LR avait dénoncé par courrier « la faiblesse » de l’étude d’impact de la loi de programmation militaire (LPM) qui prévoit une enveloppe de 413 milliards d’euros sur sept ans (2024-2030). Constatant un désaccord en Conférence des présidents, la présidente de l’Assemblée avait alors saisi le Conseil constitutionnel qui avait huit jours pour se prononcer conformément à l’article 39, alinéa 4, de la Constitution. Cette saisine avait retardé l’inscription du texte à l’ordre du jour de la chambre basse d’une semaine. « Nous n’avions pas été avisés par nos propres amis de cette décision. J’aurais préféré qu’on puisse se concerter […] Vis-à-vis de ce texte extrêmement important, il faudra jouer en équipe pour que l’Assemblée et le Sénat puissent dégager des positions communes », avait relevé Christian Cambon, le président LR de la commission de la Défense et des forces armées du Sénat.

« La surprise, c’était plutôt que les députés LR utilisent ce dispositif sans nous avertir »

Jeudi, dans sa décision, le Conseil Constitutionnel a estimé que l’étude d’impact définit bien « les objectifs poursuivis par le projet de loi, recense les options possibles et expose les raisons des choix opérés par le gouvernement ».

« Ce n’est pas vraiment une surprise, la décision du Conseil est conforme à sa jurisprudence qui consiste à laisser les commissions des deux chambres du Parlement travailler. La surprise, c’était plutôt que les députés LR utilisent ce dispositif sans nous avertir. Mais l’ambiance à l’Assemblée nationale est différente de celle du Sénat », commente Christian Cambon.

Depuis son introduction dans la réforme de 2008, ce n’était que la seconde fois que le Conseil constitutionnel était saisi au nom de l’article 39, alinéa 4, de la Constitution qui indique que « les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique (du 15 avril 2009) sont méconnues ». Cette loi organique précise que l’étude d’impact doit porter sur « l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales » du texte, ainsi que sur les « coûts et bénéfices financiers attendus ». ». Dans sa décision, le Conseil estime que l’étude d’impact « expose avec précision » l’évaluation des conséquences environnementales de certaines mesures et celle « des conséquences sur l’emploi public » de mesures liées au ministère de la défense. A noter que cette décision ne préjuge pas de la conformité à la Constitution du contenu du projet de loi.

Saisi en 2014 suite à un désaccord en Conférence des présidents du Sénat sur la réforme territoriale de François Hollande, le Conseil avait à l’époque également validé l’étude d’impact.

La bourde du gouvernement sur les drones

En attendant l’examen du projet de loi au Sénat, prévu autour de la mi-juin, Le sénateur LR Cédric Perrin, qui suit le dossier de la loi de programmation militaire, a déjà relevé « une erreur majeure » sur ce qui était selon lui « l’un des rares postes en hausse » de la LPM : les drones. L’élu du Territoire de Belfort a repéré cette semaine une confusion du gouvernement au sujet du nombre de drones Patrolleur. Il est écrit dans le texte que d’ici 2035, la France sera dotée de 17 systèmes de drones tactiques (SDT), qui permettent de faire voler, chacun, cinq drones, soit 85. Or, le gouvernement a confondu, système et vecteurs (les drones). Le projet de loi ne prévoit donc en fait que 17 drones, « c’est-à-dire 11 de moins que la cible de la loi de programmation militaire précédente. Alors qu’on a besoin de monter en puissance sur ces appareils », regrette Cédric Perrin. D’autant plus incompréhensible pour le sénateur que 40 % des ressources supplémentaires, hors dissuasion nucléaire, sont consacrées à l’augmentation des équipements. « Le gouvernement qui a été alerté devrait corriger le tir par voie d’amendement », indique Cédric Perrin.

« Nous nous sommes en train d’éplucher tout ça avec les rapporteurs »

Le sénateur rappelle aussi encore une fois que le budget de la loi de programmation militaire n’est pas de 413 milliards mais de 400 milliards plus 13 milliards de ressources complémentaires venant de ventes immobilières, d’efforts de l’industrie de la défense et de vente de fréquences. « 13 milliards, ça fait 2 milliards par an sur 7 ans. Ce n’est pas une paille. La loi de programmation militaire prévoit beaucoup d’investissements dans l’immatériel comme le cyber ou le renseignement. C’est très bien mais de l’autre côté les investissements en terre, les véhicules blindés Griffon, les chars Scorpion… sont étalés dans le temps. Et on sait que dans ces conditions les industriels vont devoir vendre plus cher ».

Auditionné par la commission de la défense du Sénat, le président du Haut conseil des finances publiques (HCFP), Pierre Moscovici avait indiqué que sur ces 13 milliards, 5,9 milliards étaient documentés. Il s’agit des ressources extrabudgétaires, avec des recettes de cessions immobilières, des cessions de matériels et les recettes du service santé des armées.

Pour le reste, soit 7,4 milliards d’euros, ils doivent être financés par des transferts provenant d’autres budgets ministériels ayant des dépenses moindres que prévues. Et enfin par les marges frictionnelles, c’est-à-dire les moindres dépenses au sein du ministère de la Défense, ainsi que le report de charges du ministère, qui serait mobilisé pour assurer les besoins de financement résiduels. Ça, c’est moins documenté », avait noté Pierre Moscovici évoquant des « incertitudes sur le financement de ces 7,4 milliards d’euros ».

« Même si ce n’est que 400 milliards, c’est quand même 100 milliards de plus que la loi de programmation précédente », relativise Christian Cambon qui indique « que les choses sérieuses n’ont pas encore commencé. Nous nous sommes en train d’éplucher tout ça avec les rapporteurs ».

Rachid Temal veut une audition de Sébastien Lecornu à huis clos

Le vice-président socialiste de la commission de la Défense, Rachid Temal regrette quant à lui que le Parlement n’ait pas été associé à la préparation de la LPM. « Ces dernières années, nous avons eu la guerre en Ukraine. La position de la France s’est compliquée en Afrique. Il y a la montée en puissance de la Chine… La stratégie de Défense de la France s’est faite en chambre alors que ça aurait mérité un débat de fond au Parlement. Sans oublier que nous n’avons pas eu d’évaluation de la précédente loi de programmation ». Afin d’avoir un maximum de réponse de la part du ministre de la Défense, Sébastien Lecornu, Rachid Temal annonce qu’il fera une demande de huis clos pour sa prochaine audition devant la commission. Christian Cambon est circonspect quant au bien-fondé de cette demande. « Quand les ministres parlent en public, ça les engage », souligne-t-il. Sébastien Lecornu sera auditionné au Sénat le 3 mai.

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