Le ministre de l’Intérieur réfléchit à « une nouvelle incrimination pénale » visant l’islam politique. « L’islam politique est le principal obstacle à la cohésion de notre pays », soutient la sénatrice LR Jacqueline Eustache-Brinio. La centriste Nathalie Goulet conseille d’appliquer déjà le droit existant et de contrôler le financement des associations. A gauche, l’écologiste Guy Benarroche pointe l’absence de données chiffrées sur le sujet et la socialiste Corinne Narassiguin dénonce « une vision à géométrie variable de la laïcité ».
Loi « handicap » de 2005 : quel bilan vingt ans après ?
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Les principaux volets de la loi : « Elle a embarqué énormément de secteurs de la vie quotidienne »
« La loi de 2005 dit beaucoup de choses, et a embarqué énormément de secteurs de la vie quotidienne, audiovisuel, transports, emploi, prestation de compensation de handicap… etc. », affirme Jérémy Boroy, Président du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
En effet, la loi de 2005, adoptée sous la présidence de Jacques Chirac fixe l’obligation d’accessibilité pour les établissements recevant du public (ERP), mais aussi pour les transports, les logements, les écoles… C’est l’accessibilité qui constitue l’élément le plus important de la loi. « Les chantiers étaient titanesques mais la base même, le pilier même de la loi, était l’accessibilité (des voiries, transports, logements, services publics, …) », explique le Président du CNCPH.
Des maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH) ont aussi été mises en place grâce à la loi handicap. Il s’agit d’un guichet unique ayant pour but de simplifier les démarches administratives, en rassemblant au sein d’une structure les acteurs qui prennent en charge les handicaps.
Un « droit à compensation » pour la personne handicapée a aussi été créé, via la prestation de compensation du handicap (PCH). Cette compensation inclut des aides humaines, techniques, et des aménagements de logements. L’Etat doit prendre en charge les surcoûts générés par le handicap.
L’inclusion scolaire est aussi un volet important. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, tout enfant porteur d’un handicap a le droit de s’inscrire dans un établissement référent de secteur, une école « ordinaire », pour favoriser l’intégration des enfants, dès le plus jeune âge. La loi reconnaît la responsabilité de l’Etat d’accompagner les enfants ayant des besoins spécifiques. Des Auxiliaires de vie scolaire (AVS), devenus depuis les accompagnateurs des élèves en situation de handicap (AESH) ont été mis en place, permettant un soutien personnalisé pour les élèves.
Malgré des progrès en termes d’inclusion, le bilan reste mitigé. Grâce aux mesures découlant de la loi de 2005, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu scolaire « ordinaire » a largement augmenté, passant de 100 000 en 2006 à 436 000 en 2022. Par ailleurs, le taux d’élèves en situation de handicap bénéficiant d’un accompagnement dans leur scolarité est passé de 26 % en 2006 à 47 % en 2011, une évolution positive qu’il faut souligner. Cependant, un rapport du Sénat datant de mai 2023 met en exergue le manque de réponses face aux attentes des familles et des enfants. Il précise que les AESH ne répondent pas assez bien aux besoins des élèves en situation de handicap. Un rapport de 2022 de la Défenseure des droits a aussi dénoncé le manque de formations des AESH, la précarité de leurs contrats de travail, et leur manque d’intégration à la communauté éducative. Des mesures ont été prises récemment pour répondre à ces critiques, présentées au Comité interministériel du handicap en septembre 2023. Parmi elles, on retrouve un renforcement de l’accompagnement individuel des élèves dans l’enseignement supérieur, la création d’un cahier des charges de l’université inclusive ou encore la simplification d’accès aux bourses pour les élèves handicapés. Reste à voir si ces nouvelles mesures s’avéreront efficaces pour l’inclusion des personnes en situation de handicap dans les milieux scolaire et universitaire.
En termes d’accès à l’emploi et d’insertion professionnelle, la loi de 2005 renforce les obligations des employeurs pour augmenter le taux d’embauche. Elle oblige les entreprises de 20 salariés ou plus d’employer au moins 6 % de travailleurs handicapés, un taux déjà formulé dans la loi de 1987. Cet axe vise à réduire les inégalités sur le marché du travail et le taux de chômage des personnes handicapées.
« Il y a eu énormément de choses, mais on est tellement loin du compte »
« Il y a eu énormément de choses, mais on est tellement loin du compte, tellement loin de la ligne d’arrivée qu’on s’interroge sur ce qui coince », déplore Jérémy Boroy. Certes, la loi de 2005 a constitué une vraie avancée législative pour le droit des personnes handicapées en France, mais dans les faits, beaucoup des objectifs énoncés n’ont pas été atteints, particulièrement en termes d’accessibilité.
Le Comité européen des droits sociaux (CEDS), chargé de s’assurer du respect de la Charte sociale européenne a d’ailleurs épinglé l’Etat français pour « violation des droits des personnes handicapées » en avril 2023. Le Comité des droits sociaux a précisé que les autorités françaises « n’ont pas adopté de mesures efficaces en ce qui concerne l’accessibilité des bâtiments, des installations, des logements et transports publics ».
Le gouvernement s’était donné une fenêtre de 10 ans pour réaliser les aménagements nécessaires afin de rendre accessibles les établissements recevant du public au 1er janvier 2015 et les transports publics au 13 février 2015. Mais au vu de la difficulté à respecter les échéances, le Conseil des ministres a approuvé, en 2014, un Agenda d’accessibilité programmé (Aap), qui consiste en un nouveau dispositif d’échéancier, avec des délais supplémentaires importants pour la réalisation des travaux de mise aux normes. Cet agenda accordait jusqu’à 9 ans de délais supplémentaires pour les gestionnaires d’au moins 50 établissements recevant du public (ERP) et pour les monuments historiques.
Aujourd’hui, ces nouveaux délais arrivent à échéance, et force est de constater que de nombreux établissements ne sont toujours pas aux normes pour accueillir les citoyens handicapés. « C’est le dernier jour des échéances. Pour beaucoup d’établissements les Aap étaient déjà passées, et là, le délai maximum de 9 ans est passé », fait remarquer Jérémy Boroy, Président du CNCPH.
En août, à la veille des Jeux paralympiques, l’ancienne ministre déléguée aux personnes handicapées, Fadila Khattabi avait donné des chiffres assez inquiétants : sur près de deux millions d’ERP, seulement 900 000 seraient conformes en termes d’accessibilité.
« On fait trop la promotion des dérogations. On cherche l’adhésion alors qu’il y a une loi qu’il est obligatoire de respecter », fustige le directeur du CNCPH. En effet, l’article L164-3 et R164-3 du Code de la construction et de l’habitation permettent l’accord de dérogations aux règles d’accessibilité. Selon la préfecture de police de Paris, entre 70 et 75 % des demandes de dérogations ont été acceptées entre 2022 et 2023. Ce taux élevé peut donc contribuer au faible nombre d’ERP aux normes.
Pour le Président du CNCPH ce n’est pas la loi qui pose problème, mais son application : « On continue de ne pas prendre au sérieux l’obligation que constitue cette loi », et c’est cela qui expliquerait les manquements selon lui.
Pour respecter les droits des personnes handicapées, et appliquer les principes de la loi de Chirac, il va falloir « passer par une judiciarisation de l’accessibilité ». « Il y a des politiques législatives qui punissent les discriminations, ça doit être la même chose en cas d’irrespect de l’accessibilité », presse Jérémy Boroy.
« Il faut mettre en place des sanctions dissuasives et on doit comprendre que c’est illégal de ne pas mettre en place des dispositifs d’accessibilité », ajoute-t-il.
Juliette Durand