Lutte contre les prisons indignes : vers une adoption définitive de la proposition de loi du Sénat
Le Sénat s’apprête à adopter définitivement la proposition de loi visant à faire respecter le droit à être incarcéré dans des conditions dignes. Un vide juridique, régulièrement dénoncé par la Cour européenne des droits de l’Homme, bientôt comblé.

Lutte contre les prisons indignes : vers une adoption définitive de la proposition de loi du Sénat

Le Sénat s’apprête à adopter définitivement la proposition de loi visant à faire respecter le droit à être incarcéré dans des conditions dignes. Un vide juridique, régulièrement dénoncé par la Cour européenne des droits de l’Homme, bientôt comblé.
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Avec un mois de retard, le législateur s’apprête à répondre à l’injonction du Conseil constitutionnel qui lui donnait jusqu’au 1er mars pour adopter une disposition afin de permettre à tout détenu, considérant qu’il est détenu dans des conditions indignes, de saisir un juge, pour y mettre fin.

Il aura donc fallu compter sur le Sénat pour répondre « aux carences de notre droit nées de trois décisions juridictionnelles », rappelait François-Noël Buffet, président LR de la commission des lois du Sénat, lors de l’adoption de sa proposition de loi intitulée « droit au respect de la dignité en détention ».

Sa proposition de loi, adoptée en procédure d’urgence, a fait l’objet par la suite d’une commission mixte paritaire conclusive entre députés et sénateurs. Le texte revient au Sénat ce jeudi 25 mars, pour y être adoptée définitivement.

La France condamnée pour ses conditions de détention dégradantes et inhumaines

La France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme en raison de cette absence de recours en droite interne. En janvier 2020, saisie par 32 détenus et anciens détenus dans les prisons de Nice, Nîmes, Fresnes, Ducos (Martinique) et Nuutania (Polynésie), la Cour européenne des droits de l’Homme condamnait la France en raison de conditions de détention dégradantes et inhumaines.

En juillet 2020,  la Cour de Cassation renvoyait une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le Conseil constitutionnel, car elle jugeait « sérieuse l’éventualité d’une inconstitutionnalité des articles du Code de procédure pénale, qui ne prévoient pas que le juge judiciaire puisse mettre un terme à une atteinte à la dignité de la personne incarcérée résultant de ses conditions matérielles de détention ».

Le texte de la Haute assemblée est composé d’un article unique, offre une voie de recours à toute personne détenue se plaignant de conditions indignes de détention. Si le détenu est en détention provisoire, il peut saisir le juge des libertés et de la détention. La personne condamnée peut saisir le juge de l’application des peines.

Si le juge estime la requête recevable, il fait procéder à des vérifications par l’administration pénitentiaire et le cas échéant, lui enjoint de mettre fin à ces conditions de détention indignes.

Trois possibilités s’offrent au juge si le problème n’a pas été résolu. Il pourra : « Ordonner le transfèrement de la personne détenue ; ordonner la mise en liberté de la personne placée en détention provisoire, éventuellement assortie d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique ; ou ordonner un aménagement de peine, si la personne est éligible à une telle mesure ».

Transfert des détenus : effet dissuasif ?

Les débats au Sénat avaient mis en évidence une forte opposition à ce texte du sénateur PS, Jean-Pierre Sueur. Il s’était rangé derrière l’avis de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot selon lequel « ce texte ne peut être considéré comme suffisant pour préserver les droits des personnes détenues ». Auteur de la quasi-totalité des amendements tous rejetés, le sénateur du Loiret avait notamment pointé la trop grande complexité et l’effet dissuasif pour le détenu de la procédure retenue. Il regrettait notamment la possibilité laissée à l’administration pénitentiaire de transférer un détenu avant la décision du juge judiciaire.

« Bien sûr, on peut distribuer autrement le malheur mais il n’empêche que c’est le malheur. Si on a un taux de surpopulation de 120 % dans les maisons d’arrêt, on va faire des transfèrements mais est-ce que ça va faire baisser le nombre de détenus ? Bien sûr que non » avait-il fait valoir.

Le transfert d’un détenu a des conséquences pour sa vie familiale. L’Observatoire Internationale des Prisons (OIP), craint également que cette possibilité laissée à l’administration pénitentiaire ait un effet dissuasif.

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