Lutte contre les violences sexuelles dans le cinéma : « Les textes existent, il faut la volonté politique pour les mettre en œuvre », assène Anna Mouglalis

La délégation aux droits des femmes du Sénat et la commission de la culture du Sénat auditionnaient ce mardi, des producteurs, directeurs de casting et l’actrice Anna Mouglalis pour faire le point sur les mécanismes de prévention des violences sexuelles et sexistes dans le cinéma.
Simon Barbarit

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Ce n’est pas une commission d’enquête comme l’avait demandée Judith Godrèche aux sénateurs en février dernier, mais une table ronde sur les violences sexuelles et sexistes dans le cinéma que la Haute assemblée organisait, ce mardi. « Il nous faut en convenir, 7 ans après l’affaire Weinstein qui a lancé le mouvement #MeToo, beaucoup restent à faire », a relevé en introduction, Laurent Lafon, le président (centriste) de la commission de la culture qui organisait la table ronde avec la délégation aux droits des femmes du Sénat. Etaient présents, l’actrice Anna Mouglalis, le collectif 50/50 qui milite pour le respect de la parité au sein de l’industrie, l’association des directeurs et directrices de casting (ARDA), Olivier Henrard, directeur général du CNC, et des associations de producteurs.

Depuis les révélations de l’actrice Judith Godrèche sur l’emprise de son ancien compagnon et les agressions sexuelles qu’elle aurait subies de la part d’un autre réalisateur, le Sénat s’est emparé du sujet des violences sexistes et sexuelles dans le cinéma. Une proposition de loi, transpartisane sur la filière cinématographique, adoptée à l’unanimité en février dernier, fait figurer explicitement le respect de la parité dans les missions du CNC, propose de former tous les professionnels à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, mais surtout permet le retrait des subventions versées par le CNC aux sociétés de production, en cas de condamnation pour violences sexistes ou sexuelles lors d’un tournage. Cette dernière mesure est particulièrement demandée par les collectifs militant pour une meilleure lutte contre les violences sexistes et sexuelles au cinéma.

Formation de la totalité de l’équipe de tournage, recours à un responsable enfant

Le maintien en poste Dominique Boutonnat à la présidence du CNC, mis en examen pour agression sexuelle et tentative de viol, avait été fortement dénoncé par Judith Godrèche mais aussi par le président de la commission de la culture du Sénat et par la présidente de la délégation aux droits des femmes, Dominique Vérien. « Une institution dans laquelle se rendent les producteurs en rigolant, car ils vont faire une formation contre les violences sexuelles dans une institution où le président est accusé de violences sexuelles », avait notamment rapporté l’actrice, auditionnée au Sénat.

Devant les élus, le directeur général du CNC a néanmoins vanté l’action de son institution dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. « Au 1er juin 2021 nous avons conditionné à toutes nos aides au respect de l’obligation de l’employeur (de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner, selon le code du travail) », a-t-il rappelé. Depuis 2020, les producteurs se voient aussi contraints de suivre une formation de prévention et de lutte contre le harcèlement sexuel sous peine de perdre leurs aides du CNC. 5 000 producteurs et 1200 exploitants de salles ont été formés. « Cet été nous allons franchir deux étapes supplémentaires. Nous allons imposer la formation de la totalité de l’équipe de tournage » et le 27 juin prochain, le conseil d’administration va voter « l’obligation de recourir à un responsable enfant sous peine de se voir retirer l’accès aux aides du CNC », a-t-il rappelé, confirmant l’annonce de la ministre de la Culture, Rachida Dati devant les sénateurs en mars dernier.

« On trouve que ce n’est jamais assez grave pour condamner le violeur à ces 15 ou 20 ans qu’impose la loi française »

Et visiblement ces formations ont permis aux producteurs de combler quelques lacunes du droit du travail. « On a appris vraiment des choses. Comme nos tournages sont souvent délocalisés, nos techniciens sont en mission pour nous. Nous sommes responsables de leur santé et de leur sécurité, pas seulement pendant le tournage, mais aussi le soir et le week-end. Un pot, un soir où il se passe quelque chose, on est responsable », a intégré Florence Borelly, membre du Bureau long métrage du Syndicat des producteurs indépendants (SPI). La productrice a par ailleurs indiqué vouloir travailler « sur une clause assurantielle qui soit moins difficile à mettre en œuvre pour qu’on puisse arrêter un tournage, même peut-être les arrêter définitivement quand il s’agit d’un réalisateur ou d’une réalisatrice soupçonnée de viol ».

Anna Mouglalis a, elle, pointé, ce qu’elle considère être le nœud du problème : le manque de « volonté politique ». « Les textes existent […] il faut vraiment décider de les mettre en œuvre. Il faut y aller sans se féliciter et dire que c’est formidable ce qu’on fait. Il faut que ça devienne une réalité. On a une politique (législation) la plus punitive, et lourde en Europe en termes de viol, mais on trouve que ce n’est jamais assez grave pour condamner le violeur à ces 15 ou 20 ans qu’impose la loi française ».

« Il faut s’enlever de la tête cette idée de blacklistage »

Du côté du collectif 50/50, Marine Longuet, membre du conseil d’administration, a voulu battre en brèche un a priori selon lequel le cinéma, était une industrie à part. « Il faut que les lois de la République soient applicables dans les loges, dans les camions de régie, dans les studios de post-production, en casting, en festival ».

En conclusion, David Bertrand, a annoncé qu’il allait imposer une formation de plusieurs jours aux membres de l’association des directeurs de casting (ARDA). « Il faut s’enlever de la tête cette idée de blacklistage, en tout cas pas chez nous. Il faut que ces personnes parlent. Nous sommes là et nous sommes à l’écoute ».

 

 

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